Considéré comme l'un des tout premiers jeux de rôle sur console, Dragon Quest voit le jour le 27 mai 1986 sur Famicom. Il est développé par Chunsoft et édité par Enix au Japon. Grandement inspiré des divers RPG occidentaux sortis sur micro-ordinateurs, et notamment Wizardry et Ultima, le soft est rapidement porté sur MSX au Japon, mais ce n'est qu'en 1989 que le public américain le découvrira sur NES sous le titre de Dragon Warrior. Tous les noms des lieux, des magies et des personnages sont modifiés au passage, le brave Roto étant connu des joueurs américains sous le patronyme d'Erdrick. Quant à l'Europe, n'en parlons pas puisque c'est seulement avec la localisation du huitième opus en 2006 que l'on commencera véritablement à entendre parler de la saga...
Une aventure en solitaire
Ce premier volet pose donc les bases de ce qui deviendra l'une des plus grandes séries de J-RPG aux côtés de Final Fantasy, son éternel rival dès 1987.
Il nous conte l'histoire d'un descendant du héros légendaire Roto qui vainquit jadis les démons à l'aide d'un orbe de lumière, ramenant ainsi la paix sur toute la contrée d'Alefgard. Jusqu'au jour où le seigneur des dragons vint dérober le précieux objet, obligeant le roi de Radatome à envoyer son fils, descendant de la lignée de Roto, à partir en quête de l'orbe et donc à vaincre le plus puissant adversaire que le royaume ait connu. Mais pour atteindre l'île des dragons, il lui faudra d'abord mettre la main sur trois artefacts légendaires particulièrement bien cachés et gardés par des monstres puissants.
Dans le même temps, notre jeune héros devra également tenter de sauver une princesse des griffes d'un terrible dragon, mais c'est seul qu'il lui faudra mener à bien cette aventure.
Car si Dragon Quest premier du nom met déjà en place toute l'ossature de la série, il n'opte pas encore pour un groupe de héros et c'est donc en solitaire que notre héros anonyme devra combattre l'adversité. Fort heureusement, les ennemis sont fair-play et n'attaquent jamais à plusieurs. Une caractéristique du premier volet qui ne sera évidemment jamais reprise par la suite, tant elle bride toute la richesse potentielle du jeu.
Les écueils de l'interface
Dans sa version d'origine sur Famicom, le personnage se déplace toujours de face, aucun sprite de dos ou de profil n'ayant été prévu à l'époque, ce qui lui donne une démarche assez particulière. La version américaine se chargera d'ailleurs de corriger ce petit défaut.
Prémices du genre oblige, la lecture était rendue d'autant plus délicate que les boîtes de dialogues n'affichaient que des katakanas, le syllabaire le plus simple utilisé dans la langue japonaise. Il faudra attendre les volets ultérieurs pour que les hiraganas et les kanjis fassent leur apparition dans la série.
Se voulant extrêmement sommaire, l'interface n'indique aucune description des magies et des objets utilisés. Toutes les actions, même les plus basiques, s'effectuent nécessairement par le biais d'une fenêtre de commandes qui rend la progression assez fastidieuse. Pousser une porte, ouvrir un coffre ou emprunter un escalier ne passent donc pas encore par des interactions immédiates dès qu'on se trouve à proximité. Le pire reste encore le fait de devoir, pour parler à quelqu'un, indiquer la direction (nord, sud, est, ouest) dans laquelle se trouve le NPC par rapport à nous après avoir choisi la commande parler...
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Combats en vue subjective
On trouve dans cet opus un élément qui deviendra symbolique tout au long de la série, même si celui-ci s'inspire des premiers jeux de rôle occidentaux et que d'autres franchises opteront pour la même perspective par la suite (Tengai Makyô, Shin Megami Tensei, etc.). Il s'agit des combats en vue subjective. L'action est perçue à travers les yeux du héros, c'est pourquoi le personnage est invisible, ce qui sera le cas jusqu'au huitième volet de la série qui optera lui pour un compromis. Dans Dragon Quest, ces affrontements apparaissent dans une fenêtre qui s'affiche par-dessus les environnements du jeu, avec un petit décor derrière l'ennemi.
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Grottes et donjons
Bien plus court que les épisodes qui lui succéderont, Dragon Quest est composé de donjons relativement petits mais tous assez labyrinthiques et systématiquement plongés dans la pénombre. Afin de se frayer un passage dans ces grottes totalement obscures, le joueur doit donc soit emporter des torches avec lui, soit recourir à un sort de lumière pour éclairer partiellement les alentours. A chaque étage la musique se renouvelle, se faisant généralement de plus en plus inquiétante. A noter que ce premier volet inclut déjà quelques-uns des principaux thèmes de la série qui deviendront cultes par la suite. Quelques portes verrouillées impliquent de transporter des clés, ce qui soulève une autre contrainte du gameplay : le fait que l'inventaire soit aussi limité. Celui-ci ne pouvant accueillir qu'un maximum de dix objets, ce qui inclut toutes les pièces d'équipement et les items clefs, le joueur se retrouve bien vite surchargé.
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En cas de mort, le personnage se retrouve renvoyé directement au tout premier château, seul endroit où il est possible de sauvegarder (via des mots de passe à rallonge sur la version Famicom japonaise), perdant au passage la moitié de l'or qu'il avait sur lui. Une règle implacable qui incite à déposer régulièrement ses sous à la banque pour éviter le pire.
Déjà présent dans cet opus, le sortilège « rûra » permet d'ailleurs de se téléporter au château, mais il ne peut mener nulle part ailleurs.
De par sa classe de « héros » (yûsha signifie « brave » ou « héros »), le personnage est capable de manier aussi bien les armes blanches que la magie. Les noms des magies seront repris avec fidélité tout au long de la série (« hoimi », « gira », « begirama »...) et même dans les mangas et les séries animées qui en découleront. On peut donc regretter que ces appellations aient été perdues durant le processus de localisation aux Etats-Unis, mais aussi en Europe pour les volets ultérieurs.
Dans cet opus, ce sont dix sortilèges que l'on apprend ainsi à utiliser en gagnant de l'expérience, le dernier sort s'acquérant au niveau 19. Le héros ne peut de toute façon pas dépasser le level 30, une limite qui sera augmentée dans les volets ultérieurs.
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Un RPG aux allures de vaste jeu de piste
Assez hardcore du début à la fin, le jeu abrite déjà bon nombre de secrets délicats à découvrir par soi-même, même avec les indices prodigués par les NPC. Par exemple, rien ne met en évidence les cases bien précises qu'il faut examiner pour trouver certains objets clefs, et il n'est pas rare de devoir traverser des faux murs ou longer les bordures extérieures des villages pour accéder à des coffres ou des passages secrets. On tombe aussi parfois sur des objets maudits, ces fameux items que l'on retrouvera tout au long de la série et qu'on ne peut retirer qu'en allant voir un prêtre. Chaque pont franchi sur la carte du monde entraîne par ailleurs un cap croissant en termes de difficulté.
Pour autant, la formule ne permet pas encore de mettre en place une vraie stratégie, les combats se résumant finalement à des bras de fer où il faut alterner attaques et soins pour l'emporter sur l'adversaire. Et même si certains ennemis et boss sont sensibles au sort de sommeil, ce sont presque toujours l'équipement et le niveau du personnage qui font la différence. Résultat, à l'approche du face-à-face avec le seigneur des dragons, on est contraint de faire la chasse aux gluants de métal (Metal Slimes) et aux golems (Goldman) pour engranger rapidement de l'XP et de l'or avant de partir à l'assaut du boss final.
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Reste que, si le monde n'est guère vaste et que l'aventure se révèle bien plus courte que dans les volets ultérieurs, la quête se montre déjà totalement non linéaire. Il faut donc constamment recouper les indices donnés par les NPC à travers le monde pour progresser, ce qui donne au titre des allures de grande chasse au trésor ou de jeu de piste dans lequel rien ne se découvre au hasard et où tout est lié.
Par exemple, pour localiser le dernier artefact, il faut se positionner à un point bien précis de la map qu'on ne peut connaître qu'en faisant appel au don que la princesse nous donne lorsqu'on la délivre des griffes du dragon... et à condition de porter l'armure de Roto obtenue via une autre quête. Jusqu'à la toute fin, le jeu comporte des tonnes de mystères à dissiper et de pièges sournois à surmonter, comme cette fameuse boucle infinie qui nous attend à la fin du dernier donjon. La victoire du descendant de Roto permet malgré tout de ramener la paix sur Alefgard, le héros décidant de partir fonder son propre royaume en compagnie de la princesse qu'il avait délivrée.