Malgré les sorties remarquées de Lament of Innocence et Curse of Darkness, Konami reste bien conscient que la série Castlevania a toujours eu un temps de retard en matière de 3D. Dès lors, l'éditeur décide de prendre le risque de repartir carrément de zéro en confiant les rênes du développement la série aux Espagnols de MercurySteam qui auront pour délicate mission d'imaginer un reboot complet de la saga !

Vaine serait la tentative de chercher à combiner le background de Lords of Shadow avec celui du reste de la série, car en dehors de quelques clins d'oeil à travers certaines appellations utilisées, ce reboot n'a finalement plus grand-chose d'un Castlevania et a d'ailleurs failli ne même pas en porter le nom.

Le jeu nous conte l'histoire de Gabriel Belmont, un chevalier de la confrérie de la lumière dont la mission est de mettre un terme à l'existence des Seigneurs de l'Ombre. La nature et la provenance de ces derniers se dessineront progressivement au fil du jeu, à mesure que l'on se rapprochera d'un final qui aura marqué bien des joueurs. Là où le personnage dévoile toute sa profondeur, c'est lorsqu'on comprend à quel point il est torturé par la part d'ombre qui sommeille en lui et qui le ronge à petit feu, lui faisant perdre toutes les valeurs qui sont les siennes au départ, comme la compassion.

Comme le dit si bien Zobek, qui nous narre son périple tout au long du jeu, il n'y a plus que de la haine dans le cœur de Gabriel, de la haine pour ceux qui lui ont pris sa bien-aimée et son humanité. Aveuglé par son désir fou de ramener son épouse Marie à la vie, Gabriel part en quête des morceaux du masque divin, une relique dont on dit qu'elle peut ressusciter les morts.

Si l'on ne peut clairement pas enlever à Castlevania : Lords of Shadow son statut de titre d'exception, il faut tout de même reconnaître que l'équipe de Mercury Steam n'est pas allée chercher très loin son inspiration, reprenant tout ce qui s'est fait de mieux ces dernières années en matière d'action-aventure sans réellement chercher à innover. Malgré tout, le mélange est si savamment dosé que la formule prend immédiatement, pour un résultat redoutable d'efficacité.

Prenant place dans des environnements tantôt sinistres, tantôt féeriques, le périple de Gabriel le conduit dans des paysages vertigineux, propices à des ascensions acrobatiques clairement inspirées de Prince of Persia. Moins linéaire qu'il n'y paraît, la progression fait intervenir des énigmes dans le pur style d'un Darksiders premier du nom, mettant à contribution l'utilisation des nombreux pouvoirs que le héros acquiert au fil du jeu. Enfin, l'idée de voir le personnage escalader le corps de plusieurs titans imposants pour transpercer leurs points faibles est d'autant plus osée qu'elle ne peut que faire référence aux mécanismes de l'inoubliable Shadow of the Colossus.

Quant aux affrontements, ils sont très largement calqués sur ceux de la série God of War, référence incontestée du beat'em all, ne serait-ce qu'à travers la manière dont on peut balayer l'écran en exécutant des combos dignes des lames du chaos à l'aide d'une arme inédite : la croix de combat. Cette dernière, qui s'apparente à un fouet rétractable, peut d'ailleurs aussi bien faire office d'arme que de grappin, mais elle ne représente qu'un des nombreux talents que le héros peut utiliser pour se défaire de ses adversaires. Les contres et les enchaînements à rallonge sont au cœur du système de combat de Lords of Shadow, celui-ci étant par ailleurs agrémenté de quelques QTE et de toute une arborescence de pouvoirs à débloquer au fil de la montée en puissance de Gabriel. Contrôlant à la fois la lumière et les ténèbres, Belmont a de la ressource et l'obtention constante de nouvelles capacités physiques élargit de manière très intéressante son panel de mouvements.

Et même si tout, dans le gameplay, renvoie à quelque chose de déjà joué, on ne peut pas retirer à cet épisode sa capacité à nous scotcher à l'écran par la qualité de sa narration, la puissance de sa mise en scène, la majesté de ses environnements et la force de ses scènes clefs. Extrêmement travaillé, le bestiaire nous donne l'occasion de combattre des boss de folie (le boucher maléfique, le Dracoliche, ou encore Olrox, ce vampire aux allures de Balrog) et de dompter certains monstres qui font alors office de montures de fortune totalement inattendues !

Les moments forts sont légion, à l'instar du bout de chemin effectué en compagnie de la petite Claudia et son gardien le chevalier noir qui défie Gabriel lorsque l'irréparable est commis, de la rencontre avec la triste et solitaire Laura sur son échiquier géant, ou du pacte scellé avec la sorcière Baba Yaga dont les épreuves se déroulent à l'intérieur d'une boîte à musique. Long, prenant et marquant à tous les niveaux, ce Lords of Shadow réussit même à s'achever en apothéose avec un épilogue inattendu qui annonce un deuxième volet où tout est remis en question !

Les DLC Reverie et Resurrection

Mais avant de passer à la suite, le joueur avisé aura pris soin de parcourir les deux très courts DLC baptisés « Reverie » et « Resurrection » qui prolongent l'aventure à travers quelques chapitres supplémentaires qui auraient dû figurer dans le jeu de base (c'est d'ailleurs le cas sur la version PC). Ils permettent en effet de mieux comprendre ce que nous dévoile le fameux épilogue visible après les crédits et sont donc d'un intérêt indéniable malgré leur contenu ludique tout relatif.

D'un point de vue narratif, ils racontent comment Gabriel, après sa victoire sur les Seigneurs de l'Ombre, a libéré un mal encore plus grand et se voit obligé d'entreprendre un nouveau périple qui le conduit jusqu'au domaine de la vampire Laura, la fille de Carmilla. Tous deux vont coopérer pour tenter de terrasser définitivement l'Oublié, la pire créature que ce monde ait engendré et que les fondateurs de l'Ordre avaient jadis enfermée à l'intérieur d'une faille dimensionnelle. Outre ces deux DLC, le fan prendra soin de s'intéresser de près à l'histoire d'un certain Mirror of Fate avant de se lancer à la découverte de Lords of Shadow 2.