Comme l'indique involontairement son titre japonais (« Akumajô Dracula Mokushiroku »), l'arrivée de Castlevania sur Nintendo 64 en 1999 constitue pour la plupart des fans l'apocalypse de la série (mokushiroku = apocalypse). Sans exagérer, pour sa première transposition en 3D, on ne peut pas dire que l'équipe américaine en charge du développement ait vraiment assuré. Même ceux qui l'avaient terminé en ont gardé un goût plutôt amer, car si le jeu bénéficiait d'une atmosphère réussie et de quelques scènes mémorables, la gestion des caméras désastreuse et les phases de plates-formes bien galères condamnaient irrémédiablement tout plaisir de jeu.
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Castlevania 64 prend place vers le milieu du XIXème siècle, en Valachie, alors que le comte Dracula s'apprête à renaître à nouveau. Le jeu met en scène deux protagonistes inédits : Reinhardt Shneider, descendant du clan Belmont et héritier du Vampire Killer, et Carrie Fernandez, une jeune magicienne appartenant au clan de Sypha Belnades. Le cheminement est quasiment le même avec les deux héros, hormis quelques boss et certaines zones qui diffèrent. Lorsque Reinhardt apparaît dans la forêt des squelettes au tout début du jeu et fait son signe de croix avant de partir à l'assaut du château du comte, on a presque l'impression de le voir prier pour son salut en sachant à quel point l'aventure qui l'attend sera éprouvante...
Il faut dire que son maniement est tellement laborieux qu'on a parfois le sentiment qu'on ferait mieux si on avait nous-mêmes un fouet entre les mains ! Les développeurs ne maîtrisaient clairement pas la 3D et les problèmes de caméra sont tels que même avec le lock et les différentes perspectives proposées, on ne parvient jamais à conserver ses adversaires en face de soi. Qui plus est, on passe plus de temps à esquiver qu'à frapper, la faute à une rapidité et une agressivité excessives de la part des ennemis et à l'absence totale de combos. Qu'il s'agisse du fouet de Reinhardt ou des anneaux de Carrie, le fait de ne pas pouvoir exécuter d'enchaînements de coups et la gravité des dégâts infligés obligent à jouer de manière très défensive, ce qui rend les combats pénibles.
Pour ne rien arranger, les personnages perdent les upgrades de leur arme principale s'ils meurent ou si le joueur a le malheur de charger sa sauvegarde, ce qui fait partie des nombreuses aberrations du jeu. Les armes secondaires traditionnelles de la série sont toujours présentes, même si les cœurs qui les alimentent habituellement sont ici remplacés par des cristaux qu'il convient de ramasser.
Il faut savoir aussi que, tout comme dans Simon's Quest, le temps est pris en considération dans Castlevania 64, la fin dépendant directement de la vitesse à laquelle on est parvenu à boucler l'aventure, sachant qu'on est parfois obligé d'utiliser des cartes du soleil et de la lune pour faire passer le temps afin d'ouvrir certaines portes. Car le fait que la nuit succède au jour influe sur l'accès ou non à certains endroits, ainsi que sur le déclenchement de certains événements importants. Le déroulement de l'histoire et le devenir de plusieurs NPC changent ainsi considérablement si on dépasse cette limite temporelle, seule la vraie fin apportant toutes les révélations concernant le véritable ennemi du jeu.
En dépit du passage à des environnements en 3D, l'aspect exploration reste assez limité puisque la progression se contente de nous obliger à récupérer simplement des items clefs pour accéder aux différentes zones du jeu. On trouve tout de même quelques bonus invisibles cachés dans le décor, pas forcément faciles à dénicher, sachant qu'il n'y a même pas de mini-map à l'écran. D'autant qu'on a rarement envie de s'éterniser dans les niveaux, surtout quand ils impliquent de nombreuses séquences de plates-formes bourrées de pièges, avec une caméra qui s'acharne à nous mettre des bâtons dans les roues.
Malgré tout, Castlevania 64 possède bien quelques attraits qui donnent envie de persévérer. Il faut en effet reconnaître que le scénario tient la route et que l'atmosphère pesante, servie par de bonnes musiques d'ambiance et la peur constante de mourir, réussit à instaurer un climat plus oppressant que dans les épisodes en 2D. La présence de quelques cut-scenes accentue aussi la mise en scène de certains passages, comme l'éveil des squelettes dans la forêt foudroyée par l'orage, l'attaque des cerbères dans les jardins de la villa, ou l'apparition du premier vampire dans le hall du manoir. Ces moments de tension ressortent d'autant mieux qu'ils alternent avec d'autres beaucoup plus paisibles, comme la rencontre avec Rosa dans la salle fleurie, cette femme vampire en quête de rédemption. Mais sitôt l'atmosphère retombée, elle remonte crescendo, et nombreux sont les joueurs à avoir senti leur sang se glacer en voyant le jardinier-Frankenstein se retourner vers eux et brandir sa tronçonneuse pour les prendre en chasse dans le labyrinthique où se cache Malus, le personnage le plus mystérieux du jeu. Il faut également garder à l'esprit que la morsure des vampires, nombreux dans cet épisode, peut s'avérer mortelle et entraîner irrémédiablement le game over si on ne trouve pas de purificateur pour se soigner.
On pourrait ainsi évoquer bien d'autres passages marquants de Castlevania 64 qui sauvent le titre du désastre en faisant de lui un jeu certes éprouvant, mais à faire au moins une fois pour son atmosphère et son challenge délicat. Sa sortie a néanmoins dû être précipitée puisque Konami a rapidement édité un deuxième volet sur Nintendo 64, le fameux Legacy of Darkness, qui constitue en quelque sorte la version complète de Castlevania 64. Cet épisode ne sera en tout cas pas parvenu à opérer de manière convaincante la transition vers la 3D et reste encore plus difficile à apprécier aujourd'hui.
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