Bigrement beau et doté d’un gameplay moins lourdingue que son grand frère, Heavy Rain sait impliquer le joueur dans les actions, oubliant au passage les séquences de « Simon matrixien » pour laisser la place à de la QTE plus intelligente et élaborée. Il vous faudra être observateur et guetter par exemple, au cours d’une bagarre, la direction à prendre au stick droit afin d’esquiver une droite, ou encore presser avec délicatesse les gâchettes afin d’effectuer un mouvement en douceur, sous peine de devoir subir les conséquences de votre échec, parfois irrémédiablement.
Je me souviens d’ailleurs d’une séquence marquante, durant laquelle Ethan doit faire face à un nouveau défi lancé par le tueur aux origamis, un défi particulièrement douloureux pour le joueur, mais loin d’être le plus trash du jeu. Oui parce que le bougre derrière tout ça, en plus de kidnapper les enfants et de les soumettre à une mort longue et douloureuse, donne la possibilité aux parents de se battre pour retrouver leur progéniture, les poussant parfois à faire des sacrifices discutables et des choix cornéliens. Notre héros devait donc ramper dans un conduit d’aération rempli de bris de verre, tout en veillant à ne pas aller trop vite pour éviter de perdre connaissance à cause des blessures. Autant vous dire, lorsque c’est vous qui appuyez doucement sur les touches pour le faire avancer, votre conscience vous questionne : « A sa place, est-ce que je l’aurais fait ? »…
Par la suite, il nous est demandé de traverser un labyrinthe de câbles électriques non protégés. Chaque étape est un micmac de touches à presser et à maintenir dans un ordre précis, vous forçant ainsi à atteindre un degré de maîtrise du placement de vos doigts qui vous rappellera sans doute vos parties de Twister les plus arrosées. Seulement voilà, si vous n’y arrivez pas, ou si vous prenez le mauvais itinéraire, Ethan s’esquinte la santé à coups de volt et rebroussera chemin, oubliant ainsi l’indice, et repartant de l’épreuve à bout de souffle, amoché, brûlé et psychologiquement effondré. A ce moment-là, vous vous en voulez de n’avoir pas réussi, mais l’histoire continue et prend en compte vos erreurs.
D'ailleurs, le protagoniste s’en souviendra et n’hésitera pas à vous le rappeler puisque vous pouvez à tout moment lire dans les pensées de vos héros en choisissant des sujets flottant au-dessus de leur tête.
De ce côté-là, Heavy Rain joue à fond la carte du jeu dont vous êtes le héros puisque de nombreuses fins sont au rendez-vous (23 au total, avec une bonne partie de variantes aux différences minimes, évidemment). Votre première partie sera donc la plus marquante et sûrement la plus impressionnante, car rythmée de « Et si j’avais fait ça ? ».
Ce qui m’a le plus impressionné avec Heavy Rain, et je vais revenir sur mon expérience personnelle une fois de plus, c’est qu’il touche les joueurs, mais surtout les non-joueurs. Il faut savoir que, comme beaucoup, j’ai terminé Heavy Rain pour la première fois en compagnie de ma dulcinée de l’époque. C’est peut-être un détail pour certains, mais pour un joueur, voir son alter ego, d’habitude à peine intéressée par les jeux vidéo, se passionner littéralement pour un titre au point de passer le week-end entier en votre compagnie pour finir plusieurs fois le jeu d’affilée, est un fait assez marquant pour être signalé. Rien de tel qu’une bonne dispute concernant les choix à faire en se passant la manette pour admirer le skill légendaire d’une ou d’un néophyte. C’est plutôt rare dans une vie de gamer et Heavy Rain est parfait pour ce statut de « jeu canapé qui sait rassembler ».
D'ailleurs, de nombreux retours de joueurs sont similaires à mon expérience, et Quantic, conscient de ce phénomène, a décidé d’inclure pour Beyond : Two Souls (dernier jeu en date du studio) une application permettant de jouer à deux dans la mesure du possible, mais nous reviendrons là-dessus plus tard.
L’aventure étant un franc succès, globalement bien accueilli par la critique et capitalisant sur plus de 3 millions d’exemplaires vendus, une édition PS Move entra en développement, empiétant d'ailleurs sur le développement des DLC. Quatre étaient prévus à l’origine et un seul vit le jour : The Taxidermist, qui nous plonge dans une enquête de Madison, sur les traces du tueur aux origamis. Avec Heavy Rain et son concept de thriller multi héros se déroulant sur quelques jours, Quantic a prouvé au monde entier que le cinéma et le jeu peuvent s’allier afin de former un tout crédible et efficace. Cage n’a donc qu’une seule envie, pousser la recette à son paroxysme en faisant un jeu avec de vrais acteurs. Ce jeu, c’est Beyond : Two Souls.