Qu’ils soient du type JDR ou stratégie, les jeux mis au point par Jon Van Caneghem sont d’excellente facture, la saga Might and Magic a su s'appuyer sur des concepts forts qui n'ont cessé d'être améliorés au fil du temps.
Jeux de rôle
Basé sur les règles de Donjons & Dragons, le premier opus voit le jour en 1986. RPG à la première personne, Might and Magic a comme particularité de proposer des univers gigantesques à ciel ouvert dont l'exploration est libre, on parle aujourd'hui d'"open world". Mêlant avec brio fantasy, science-fiction, mystères, complots et humour, le jeu est un ravissement pour tout joueur de jeu de rôle classique (dit "papier" ou "sur table").
Le jeu voit le jour dans un contexte où les JDR sur ordinateur étaient rares et les machines très peu puissantes, les possibilités étaient donc très limitées et beaucoup de développeurs piochaient leurs idées sur leurs concurrents (ce qui, en fin de compte, n'a pas trop évolué de nos jours...), c'est pourquoi Might and Magic reprend à la fois les règles de AD&D qu'il simplifie, le gameplay de Wizardry et l'immensité de Bard's Tale sortis un peu avant lui. Le gameplay s’affine avec le temps, chaque nouvel épisode apporte son lot de nouveautés, cependant la mécanique reste sensiblement la même tout au long de la saga, les évolutions reposant surtout sur le moteur graphique, offrant de plus en plus de liberté aux joueurs et renforçant toujours plus l'immersion.
Passée la scène d'introduction, le premier contact du joueur avec le jeu consiste à créer son équipe, composée selon les épisodes de 4 à 8 personnages, on y retrouve les races classiques de l'héroïc fantasy (humains, gobelins, nains, orcs, elfes, voire même dragons, liches, et morts-vivants dans certains cas), chacune possédant des caractéristiques qui lui sont propres. Une fois la race d'un personnage sélectionnée, on nous propose de choisir une classe, là encore quelque chose de très commun pour tout joueur de jeu de rôle. On y retrouve entre autres le chevalier, le paladin, le sorcier, l'archer, le clerc, le druide, le nécromancien... chacun ayant accès à un certain nombre de compétences et des possibilités d'évolution limitées. Puis vient la répartition des points de bonus, le joueur dispose d'un certain nombre de points de base qui lui permettent de peaufiner son équipe, ainsi un sorcier sera plus enclin à utiliser l'intelligence pour lancer des sorts là où un barbare préférera la force brute.
La répartition des points de compétences est d'une grande importance et il n'est pas rare de passer beaucoup de temps à créer des feuilles de personnages. Il s'agit de faire les bons choix dès le départ si on veut constituer une équipe équilibrée. Que les joueurs débutants se rassurent, il est généralement possible de créer une équipe automatiquement, certains épisodes ne vous laissent d'ailleurs pas le choix, bien que vous puissiez modifier vos personnages en vous rendant dans une auberge.
Passée cette première étape, vous voici plongé au coeur de l'intrigue, cependant le jeu reposant en grande partie sur l'exploration, vous ne disposez pas de didacticiel ni d'ailleurs d'informations détaillées en dehors de la cinématique d'intro, vos personnages sont équipés du strict minimum, un gourdin, une dague pour les plus chanceux, un pourpoint de cuir, des bottes, une ou deux potions et une faible somme d'or. A partir de là, c'est à vous de vous débrouiller. Dans Might and Magic, l'histoire est au service du gameplay, c'est donc par l'exploration que vous trouverez du travail et des quêtes à accomplir, puis que progressivement se dessinera le scénario, en d'autres termes, c'est à vous de créer l'histoire et non à l'histoire de vous porter, libre à vous de vous balader pendant des mois avant d'accepter le moindre travail, vous jouez comme bon vous semble.
D'ailleurs, à ce propos, une des particularités de Might and Magic c'est de proposer au joueur de continuer à jouer même lorsque la quête principale est terminée, vous êtes donc libre de faire évoluer vos personnages à satiété. Ce choix est loin d'être innocent, comme vous le verrez plus tard, car dans Might and Magic le temps à son importance, bien que dans la plupart des cas il n'y ait pas réellement de chronomètre, mais nous en parlerons un peu plus loin car je vois que certains ont déjà les cheveux qui se dressent sur la tête à la lecture de ces quelques lignes, alors revenons au système de jeu proprement dit.
Parlons un peu de l'interface : ce type de jeux se joue en vue subjective (dite "à la première personne"), de ce fait une bonne partie de l'écran est remplie par la représentation en 3D du monde que votre équipe arpente. Autour vous avez l'interface, qui a bien évoluée au fil des épisodes, à partir de Might and Magic III : Isles of Terra elle se dote de portraits représentant vos personnages. Cliquer sur un portrait vous permet d'accéder à la feuille de caractéristiques dudit personnage, à son inventaire, à sa liste de compétences, bref à tout ce qui le caractérise.
Une des grandes idées de Might and Magic à partir de l'épisode 6 est de proposer un portrait en pied de vos héros, que vous pouvez habiller avec votre équipement par un simple drag & drop, en outre les portraits sont évolutifs, ainsi vous pouvez voir lorsqu'un personnage est malade, prend un coup, a trop bu, est fou ou tout autre événement qui pourrait lui arriver en cours de partie. Autour de ces portraits, vous avez les classiques barres de vie et de mana, ainsi que les sorts actifs. Sur la partie droite de l'écran (que vous ne voyez pas sur la capture ci-dessus mais celle d'en dessous), vous trouverez des éléments d'interface plus communs, comme la mini-map qui vous permet de vous repérer, les Personnages Non Joueurs (PNJ) que vous pouvez recruter en cours de partie pour profiter de leurs compétences particulières, et diverses autres icônes vous donnant accès à la carte générale du monde, aux quêtes en cours, aux récompenses gagnées, bref, tout ce qui peut vous être utile. Oui... en somme c'est un peu la base de tout jeu de rôle sur ordinateur quoi...
Le système de combat est un peu particulier, car contrairement à d'autres titres du genre il n'est pas possible de placer vos personnages en formation, comme par exemple les bourrins devant et les mages, clercs ou archers en arrière, tous vos personnages se présentent de front et les ennemis tapent soit aléatoirement, soit sur leur Némésis.
Si dans les 5 premiers épisodes la totalité du jeu se passe en tour par tour (c'est-à-dire que chaque personnage joue à son tour en fonction de son temps de récupération et de sa vitesse), à partir de l'épisode 6 vous avez le choix de jouer soit en temps réel, soit en tour par tour, et ce à n'importe quel moment, pratique pour l'exploration et prendre son temps dans les combats. Vous pouvez attaquer soit au corps-à-corps, soit à distance à l'aide d'armes de jet ou de sortilèges, vous avez également la possibilité de fuir (voire de négocier votre reddition selon l'épisode auquel vous jouez), si vous êtes assez rapide...
L'évolution de votre groupe est le point d'orgue du jeu, on prend plaisir à voir ses personnages, partis de rien, se mettre à tutoyer les dieux, maîtrisant à la perfection chacune de leurs compétences, cependant il vous faudra gagner de l'expérience (XP) pour passer des niveaux, et vous ne pourrez passer de nouveaux niveaux qu'en vous rendant en ville, dans des centres d'entraînement. Ceci prend du temps, passer un simple niveau peut parfois demander plusieurs mois (temps du jeu) et là encore, je vous le rappelle, le temps est souvent compté (ceux qui ne comprennent pas pourquoi, rassurez-vous, on en parle un peu plus bas). Les compétences sont également dotées de paliers qui peuvent varier selon les épisodes, on retrouve notamment les rangs "Novice", "Expert", "Maître" et "Grand Maître", qui ne pourront être passés que via des mentors que vous trouverez lors de vos explorations.
Le système de magie n'est pas en reste, vous disposez généralement de trois types de magie, élémentaire (air, eau, feu, terre), collégiale (corps, esprit, spiritisme) et les chemins de la Lumière et de l'Ombre (introduits tardivement dans la saga). Leur apprentissage suit le même chemin que l'évolution des compétences plus classiques, les sorts peuvent être achetés et appris ou disponibles sous forme de parchemins utilisables par tous (ayant des compétences magiques ou pas). Il existe également une kyrielle d'objets magiques, mais aussi une partie alchimie où vous devrez concocter des potions diverses pour vous soigner ou augmenter temporairement, ou durablement, vos compétences.
Le jeu reposant essentiellement sur l'exploration, les cartes à parcourir sont immenses et comptent moult endroits cachés. Les donjons sont nombreux et très fortement peuplés, c'est une des caractéristiques de Might and Magic, les ennemis et PNJ sont vraiment très nombreux et assez variés. Le taux de respawn (temps nécessaire pour repeupler une zone après votre passage sanguinaire), bien que très mal dosé au début, a fini par trouver son équilibre au fil des épisodes. Les quêtes sont présentes en très grand nombre, si bien qu'il est presque impossible de s'ennuyer, vous trouverez toujours quelque chose à faire.
Les joueurs aguerris auront remarqué que les quêtes principales sont en général très faciles à accomplir, si on n'essaye pas d'entrer dans les donjons à coup de hache en beuglant comme un damné, un peu de tact et de stratégie sont nécessaires si vous voulez vous en sortir vivant. Le but est avant tout d'accomplir une mission, à la différence de certains FPS où il suffit de dézinguer tout ce qui bouge, et souvent il ne faut pas chercher bien loin, la deuxième ou troisième salle renferme un passage qui mène directement à l'objectif sans avoir à toucher un monstre. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cela ne gâche en rien l'expérience de jeu, les premières fois vous nettoierez méticuleusement tous les donjons (ne me dites pas le contraire...), par contre c'est fortement appréciable lorsqu'on souhaite simplement remplir l'objectif, refaire le jeu ou tenter un record de points.
Le scénario, l'ambiance générale, les musiques, et même les cinématiques sont autant de points forts de ces jeux, tout est fait pour vous immerger et vous accaparer totalement, et si l'on regrette aujourd'hui que les graphismes aient pris un coup de vieux, c'est avec un plaisir certain que l'on se fait happer par l'histoire et un gameplay maîtrisé à la perfection.
Une course contre la montre ?
J'avais promis que j'en parlerai, et je sais par avance que cela va donner des boutons à certains, mais je me dois d'apporter quelques précisions concernant la gestion du temps dans les Might and Magic, car cela pourrait faire toute la différence pour certains joueurs. Si l'influence sur le déroulement de la partie est minime en ce qui concerne les jeux de rôle, elle est en revanche décisive pour les jeux de stratégie où chaque semaine passée permet aux adversaires d'augmenter leurs ressources, leur puissance et finalement leur emprise sur le monde. Plus vous prenez votre temps, plus vos adversaires sont forts et difficiles à battre.
Beaucoup prennent le parti d'explorer le moindre pixel des maps mises à leur disposition, oubliant parfois l'objectif principal, or depuis le premier épisode les bases sont posées, Sheltem (et plus tard les Kreegans) souhaite détruire les mondes des Anciens, vous devez l'arrêter le plus vite possible avant qu'il ne fasse trop de dégâts. C'est à ce prix que vous obtiendrez les meilleurs scores, cela fait partie de l'histoire elle-même, c'est une course contre la montre, vous devez constamment faire des choix dans le jeu, les bons choix vous mèneront rapidement à l'objectif, les mauvais vous feront perdre du temps, ou la vie.
"Mais quid des points dans un jeu de rôle ?" me direz-vous...
Dans Might and Magic, à la fin du jeu, vous avez un panneau de score qui s'affiche.
Et devinez de quelle manière vous pouvez exploser le score ?
En allant le plus vite possible tout en amassant le plus de richesses sur votre passage.
Bien sûr rien ne vous force à agir vite, sauf dans certaines quêtes, vous pouvez prendre tout votre temps pour explorer à satiété, cela ne changera rien et vous pourrez finir le jeu quand même. Might and Magic n'a jamais été fait pour le scoring on est bien d'accord et certains s'adonneront donc sans doute à la joie de nettoyer méticuleusement toutes les cartes, avant de terminer la quête principale. Cependant c'est rarement l'objectif premier, il ne faut jamais perdre de vue que vous êtes là pour sauver le monde des méchants qui font des ravages pendant que vous partez tranquillement en safari dans une crypte au hasard histoire de faire de l'XP. C'est pour cette raison qu'on vous laisse allègrement continuer à jouer lorsque vous avez terminé le jeu, pour aller finir votre exploration tranquillement une fois que vous avez rempli votre mission. De nombreuses astuces vous mettent la puce à l'oreille : sorts de vol ou d'invisibilité, téléporteurs, passages secrets, raccourcis, accès facile aux objets de quêtes, souvent situés dès l'entrée des donjons, fontaines et puits permettant de booster très rapidement les personnages sans avoir à perdre des semaines voire des mois à se perfectionner dans les centres d'entraînement, tout est fait pour vous permettre d'aller très vite dès lors que vous faites les bons choix, êtes malin et connaissez un minimum le jeu.
Voilà donc une raison supplémentaire de ressortir vos vieux CD (ou disquettes) de Might and Magic, essayez donc de battre votre propre record. Sachant cela, à vous, une fois encore, de faire un choix, chacun joue comme il veut après tout, c'est là toute l'essence du jeu de rôle ;-).
Jeux de stratégie
Dans la version JDR, vous incarnez des mercenaires, exception faite de l'épisode "For Blood And Honnor" qui propose d'incarner des seigneurs débutants. Dans la version stratégie, on prend de la hauteur, le joueur possède un royaume qu'il doit faire évoluer chaque semaine en fonction des ressources dont il s'est emparé sur le plateau de jeu. Plus son royaume est important et plus il est en mesure de recruter un grand nombre d'armées, qu'il peut alors répartir en fonction des différents "héros" qu'il a recrutés. Ainsi chaque "héros" à la disposition du joueur peut à sa guise explorer la carte, combattre, assiéger ou défendre une ville ou un point stratégique.
L'objectif annoncé est la conquête, ainsi les maps s'enchaînent dès lors que vous avez détruit tous les ennemis du scénario. Les actions de jeu se déroulent en tour par tour, chaque tour représentant un jour entier. Un joueur peut déplacer tous ses héros, combattre ou creuser à la recherche d'un trésor. Les maps sont de taille et de difficulté variables, et vous proposent trois terrains différents, la terre en surface, la mer en surface et le sous-sol.
Après la classique cinématique d'introduction qui vous met en place le contexte, vous êtes invité à choisir le mode de jeu que vous souhaitez, campagne (les scénarios s'enchaînent et suivent l'histoire), solo (vous choisissez une map) ou réseau (vous jouez contre un ou plusieurs adversaires). Puis la partie commence, vous débutez avec un héros (ou plus selon les scénarios) et une ville de base (autrement dit un village), vous voilà lâché et c'est parti pour l'exploration de la map.
Le jeu comporte diverses factions avec leurs villes, leurs styles et leurs points forts, que le joueur incarnera tour à tour selon la campagne choisie en début de partie. En outre le nombre de maps n'est pas limité, puisque le jeu est proposé avec un éditeur qui permet aux joueurs de créer leurs propres scénarios, on trouve donc un nombre incroyable de maps et de campagnes sur Internet, ajoutez à cela un mode multijoueur et la durée de vie devient tout simplement sans limite.
L'évolution des héros n'est pas en reste puisqu'il est possible d'acheter, de trouver ou de prendre à l'ennemi différents objets magiques et de faire évoluer ses personnages au fil de l'expérience gagnée, les scénarios de campagne vous permettent également de conserver une partie de vos héros d'une map à l'autre avec cependant une limite dans leur évolution. Enfin, le système de magie est extrêmement bien équilibré et facile d'accès. On retrouve sommairement tous les composants de base de la version JDR, dans une version plus édulcorée et basée sur la conquête.
Et en parlant de conquête, les combats se déroulent en tour par tour sur des maps dédiées en fonction de l'environnement, durant un combat le héros qui dispose de sorts peut s'en servir pour attaquer, protéger, booster ses armées ou au contraire handicaper celles de l'adversaire. Il existe trois types de combats, le face-à-face entre deux héros, le siège d'une citadelle, dont on s'empare une fois la victoire acquise, et la rencontre avec des monstres errants.
A son tour, le joueur doit gérer l'ensemble de ses héros, mais également ses villes, qui peuvent être nombreuses, les tours de jeu ont donc tendance à s'allonger rapidement, soyez patient si vous jouez en réseau, il n'est pas rare que des parties s'étalent sur tout un week-end sur une map XXL. Les villes assurent une production hebdomadaire de recrues, et d'argent, il est donc important de les faire évoluer au plus vite. Chaque bâtiment doit être acheté et construit avant de pouvoir être upgradé, plus un bâtiment est évolué et plus il attire des créatures de fort niveau. Il est également essentiel de s'emparer rapidement, et durablement, des différentes mines réparties sur l'aire de jeu, elles assurent la production de ressources indispensable à la construction et donc à l'évolution de votre royaume.
Un tour de jeu équivaut à un jour, 7 jours font 1 semaine, et 28 jours valent un mois. Les soldats pourront être recrutés tous les premiers jours de chaque semaine, une fois le bâtiment les produisant construit dans un des châteaux contrôlés par le joueur. Chaque type de créatures nécessite son propre bâtiment.
Ne cherchez pas trop le scénario, ce n'est qu'un prétexte au gameplay, il permet de raconter de grands pans de l'histoire, mais vous vous contentez en fait d'enchaîner les maps de plus en plus grandes et d'affronter des ennemis de plus en plus puissants. C'est d'ailleurs ce qui est plaisant dans ce jeu, il est rapide, facile à prendre en main, très addictif et surtout permet de prendre tout son temps.