Que Jason Rubin et Andy Gavin se soient adressé à une entreprise d'envergure est une chose, que celle-ci leur réponde en est une autre. Pourtant, très vite, cette initiative culottée porte ses fruits. Les deux jeunes hommes parviennent à séduire Electronic Arts et à vendre Dream Zone à l'éditeur. Un deal est passé entre les deux parties. Les concepteurs du jeu obtiennent 15.000 dollars immédiatement et touchent 10% sur chaque exemplaire vendu par la suite. Ou comment un acte insouciant se transforme en véritable jackpot.
D'autant que Jason et Andy vont continuer à travailler avec EA. Pour le meilleur et pour le pire. Keef the Thief débarque en 1989 et se range lui aussi dans la catégorie des jeux d'aventure textuels même s'il arbore cette fois un vrai côté RPG. On y incarne Keef, un personnage qui n'a pas eu d'autres choix que d'être voleur, faute de présenter les compétences requises pour manier la magie ou l'épée. Relativement apprécié à sa sortie, ce titre réussit à séduire quelques dizaines de milliers de joueurs.
Entre-temps, pendant le développement de Keef the Thief, le nom de la société a changé. Jam Software est devenu Naughty Dog. Comme une métaphore du passage à l'âge adulte au moment où ses fondateurs franchissent à grandes enjambées les étapes les menant au succès. Dès 1989, le duo poursuit sa route aux côtés d'Electronic Arts. Le développement de Rings of Power débute à cette époque. La difficulté principale réside alors dans le fait que Jason et Andy doivent gérer la distance qui les sépare. Leurs études les mènent en effet dans deux états différents. Le Michigan pour le premier, la Pennsylvanie pour le second. Ils parviennent néanmoins à terminer le jeu. Cela a certes pris plus de temps que prévu mais en 1991, Rings of Power voit le jour sur Mega Drive. C'est la première fois que le nom Naughty Dog est accolé à une console. Pourtant, au départ, le jeu est prévu pour tourner sur PC.
L'histoire de ce revirement de situation est d'ailleurs plutôt cocasse. Un beau jour, de passage dans les locaux d'EA, Andy se rend compte que la compagnie américaine a conçu dans son coin une machine dotée d'une architecture interne très proche de la Mega Drive afin de développer des jeux pour la future machine de SEGA. Le tout, sans l'accord de la firme japonaise. L'incompréhension gagne les deux amis. Toutefois, peu après, l'affaire prend une tournure plus officielle. Suite à une discussion avec Trip Hawkins, cofondateur d'Electronic Arts, Andy soumet même l'idée de lancer Rings of Power sur la console nippone. Voilà comment ce jeu de rôle en vue isométrique se retrouve finalement à sortir sur Mega Drive. Ce dernier propose d'incarner un sorcier et d'épouser sa quête, rechercher et détruire onze anneaux magiques dans le but d'anéantir le méchant Void. Merci J.R.R. Tolkien.
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En apparence, la collaboration avec Electronic Arts se déroule bien. Cependant, Jason et Andy expérimentent également les problématiques liées à une collaboration avec un éditeur important. Ainsi, certaines décisions vont à l'encontre de l'intime conviction des fondateurs de Naughty Dog. EA leur demande par exemple de changer le ton de Keef the Thief, de verser dans la comédie plutôt que dans le premier degré. Un scénariste est même greffé au projet. Le géant américain avouera ensuite avoir pris la mauvaise décision. Et lorsqu'il s'agit de pousser un jeu sur le long terme, le géant américain préfère miser sur ses licences sportives plutôt que sur les productions plus modestes comme celles des deux amis d'enfance. Il est temps pour Andy et surtout, pour Jason, de prendre un peu de recul par rapport au monde du jeu vidéo. Pour revenir encore plus forts.