Directeur de Gamagora, Eric Galin a bien voulu nous accorder de son temps pour nous parler de cette formation aux métiers du jeu vidéo ainsi que de sa propre expérience en tant que joueur.
jeuxvideo.com > Pouvez-vous présenter de manière générale la formation Gamagora de l’Université Lumière Lyon 2 ? Quel est votre rôle exact au sein de cette école ?
Eric Galin : Je suis directeur de Gamagora, professeur de l’Université Lyon 2, c’est-à-dire enseignant et chercheur au LIRIS. J'organise la formation et je m’occupe des stratégies qu’elle adopte, qui font son succès et qui la rendent tout à fait unique. La particularité de Gamagora est de se trouver au carrefour entre recherche scientifique (informatique graphique en ce qui me concerne) et de l'industrie du jeu vidéo en Rhône Alpes et plus largement en France. Nous travaillons avec de nombreux professionnels, des entreprises comme Ubisoft, Arkane, Cyanide, mais aussi avec des studios plus petits qui permettent aux étudiants de toucher à tous les aspects du développement d’un jeu vidéo, par exemple sur de la motion capture. Sinon, dans les salles de classe, j’enseigne la modélisation géométrique.
jeuxvideo.com > Quel parcours vous a mené à ce poste, et quelle est votre expérience dans le monde du jeu vidéo ?
Eric Galin : Je suis ingénieur de l’Ecole centrale de Lyon, j’ai réalisé une thèse en informatique graphique puis j'ai été nommé maître de conférence à l'Université Lyon 1 pendant neuf ans. En 2008, j'ai été nommé professeur à Lyon 2 et j'ai pris la direction de Gamagora. Mon travail a été de construire cette formation unique en France en établissant notamment les nombreux partenariats avec les entreprises et avec l'aide du pôle de compétitivité Imaginove. A la base, je suis joueur depuis toujours, plus précisément depuis l’année 1981, et c’est cette passion qui a déclenché en moi l’envie de travailler dans la recherche scientifique. A l’époque, il n’y avait que très peu de jeux… J’ai alors commencé à programmer mes propres jeux pour pouvoir jouer sur mon Oric Atmos à l’âge de onze ans, avant de passer à des démos et des jeux sur Amiga. Au cours de mes études, j'ai compris être attiré vers la recherche et son interface avec le monde industriel des jeux vidéo. Le transfert des technologies du monde de la recherche à celui du jeu vidéo est au centre de mon parcours et c’est ce concept qui m’a mené jusqu’ici.
jeuxvideo.com > Quelles sont les aptitudes requises chez un passionné de jeux vidéo pour intégrer la formation Gamagora ? Quelles formations proposez-vous exactement ?
Eric Galin : Il faut être passionné, avoir un bon niveau dans sa spécialité, avoir l'esprit ouvert, pouvoir assumer un travail en équipe, ce qui est une chose vraiment très importante. Entre un bon technicien ouvert d'esprit et capable de communiquer avec les autres corps de métiers et un surdoué de la programmation qui ne jure que par sa propre façon de coder sans regarder ce qui se passe autour, le choix est vite fait. Nos élèves viennent de tous les horizons, certains ont commencé leurs études dans un domaine sans rapport direct avec le jeu vidéo mais se révèlent forts d'une passion et d'une envie de s'investir exceptionnelle. Nous proposons trois filières de formation distinctes : game designer, graphiste et programmeur. Pour chacune, l’admission à Gamagora se fait sur dossier (éventuellement complété par un entretien). Un dossier est un « book » dans lequel l’étudiant démontre tout son talent. Par exemple, dans le cas d’un graphiste, c’est un recueil des dessins. La formation se fait en un an. Pour level design et graphistes, on rentre avec un bac +2 et on ressort avec un bac +3. Dans le cas des programmeurs, l’étudiant doit avoir une première année de master, soit bac +4, et ressort avec un bac +5.
jeuxvideo.com > En quoi le projet de création d’un jeu vidéo est un élément important de la formation de vos élèves ?
Eric Galin : C’est un projet central, la clef de voûte de notre formation. Nous suivons une pédagogie organisée en trois temps. Le premier correspond aux cours, dispensés à 75% par des professionnels du monde du jeu vidéo (Arkane Studios, Cyanide…). Le second temps est donc la production d’un jeu vidéo en équipe, et le troisième, un stage que chaque étudiant effectue dans des entreprises disséminées dans toute la France. Par exemple, nous avons eu par le passé un étudiant chez Arkane Studios qui a travaillé sur Dishonored… Pour revenir à la production d’une maquette de jeu, ce temps pédagogique permet de simuler une période de développement avec un vrai travail d’équipe. Au programme, les contraintes des délais à respecter, la production et le suivi d'un game design document, le travail avec des partenaires extérieurs comme des structures spécialisées en motion capture, des sound designers qui réalisent l'espace sonore du jeu ou des linguistes qui s’occupent des traductions… Le tout rythmé par des professionnels qui encadrent les étudiants, les guident et qui imposent des dates pour les différentes étapes du développement.
jeuxvideo.com > Quel regard portez-vous sur l’évolution actuelle du monde du jeu vidéo ?
Eric Galin : Difficile à dire, c'est une question à laquelle un professionnel répondrait mieux que moi… J’ai l’impression qu’aujourd’hui, il y a deux catégories de jeux qui rencontrent le succès : les grosses productions à très gros budget, ce que l’on appelle les AAA, qui font dans le très grand spectacle d'une part, et les petites productions, souvent indépendantes, qui font preuve de beaucoup d’originalité d'autre part. J’ai l’impression que les structures de taille moyenne ont actuellement plus de mal à trouver leur place. Notre travail à Gamagora est de faire prendre conscience aux étudiants des multiples dimensions que peut prendre le jeu vidéo. Ca va de l’originalité des jeux indépendants aux grandes exigences d’un AAA, mais c'est aussi promouvoir et développer une sensibilité dans des domaines nouveaux comme la robotique ludique (avec en particulier un projet FUI de la région Rhône-Alpes sur ce thème). Personnellement, je manque de temps pour jouer à certaines grandes licences. Du coup je prends plaisir à me détendre cinq minutes dans une salle d’attente avec un petit jeu sur smartphones. Quant à la fameuse question « Le jeu vidéo, c’était mieux avant ? », je dirais que ce n’était pas mieux, c’était différent. A l’époque, on inventait des trucs dingues avec des moyens matériels ultra limités (48 ko de RAM sur l'ORIC, le fameux mode HAM de l'Amiga), il y avait une énorme liberté, une remarquable créativité et inventivité que l’on a plus de mal à retrouver dans les grosses licences. Et justement, le monde des tablettes et supports tactiles permet aujourd’hui de retrouver cet élan de créativité !
jeuxvideo.com > Merci.
Diplôme Universitaire Infographie 3D - Gamagora
Diplôme Universitaire Level Design - Gamagora
Master 2 Conception et intégration multimédia - Gamagora