• Support : PC-PS2-XBOX-GAMECUBE-GBA
• Date de sortie : Novembre 2003
• Notes sur JVC : 17/20 sur PC-PS2-XBOX-GAMECUBE et 15/20 sur GBA

Andrew Shiozaki, product marketing manager chargé des jeux Tolkien pour Vivendi, déclarait en 2003 "Nous sommes au commencement de quelque chose qui durera pour les années à venir", parlant alors de la guerre opposant EA à Vivendi. Le mois de novembre 2003 marque d'ailleurs le deuxième round de cette bataille et sûrement la fin du combat pour Vivendi qui ne peut manifestement pas vaincre son adversaire aux vues des contraintes de développement qu'il subit.

Nous le disions dans les pages précédentes, le gros problème entre les deux belligérants, c'est que le numéro un mondial se base sur des films à succès, qui ont, malgré toute la volonté de VUG, imprégné le public d'une certaine vision du Seigneur des Anneaux. EA se concentre majoritairement sur le développement d'un gameplay efficace, alors que son adversaire doit faire en amont un colossal travail d'interprétation, et doit créer un univers fidèle dans lequel évolue le joueur. On imagine donc que le gameplay passe en second pour Vivendi, une erreur qui se répète avec Bilbo le Hobbit, tandis qu'EA sort le second épisode de son écrasante adaptation.

C'est justement de celui-ci dont il est question ici, sorti à peine un an après le premier épisode et jouissant cette fois du panache et de l'aura du 3ème film de Peter Jackson. Côté batailles épiques, il y a matière à faire un très grand jeu, les lecteurs du livre le savent. Quant aux spectateurs, le titre fera pour eux office de teaser jouable, car sortant un mois avant le film éponyme. La question sous-jacente étant : EA a-t-il mis un revers à Vivendi ?

Et, sans trop de surprises, la réponse est « oui ». Face à une aventure de Bilbon peu réussie, il faut bien avouer qu'une simple adaptation des Deux Tours autour des événements du Retour du Roi aurait suffi à enterrer toute nouvelle prétention de la concurrence. Qu'à cela ne tienne, EA ne démérite pas et propose aux joueurs une aventure plus complète, plus épique et plus jouissive qu'auparavant.

C'est donc forts de leur expérience acquise que les développeurs calquent un gameplay ayant fait ses preuves et une réalisation utilisant le même moteur graphique. La claque technique est moins évidente que l'année passée, bien qu'un gros travail a été réalisé en étroite collaboration avec New Line Cinema afin que le jeu soit des plus fidèles. Pour la petite histoire, la recette employée lors du développement inclut désormais jusqu'aux cascadeurs du film pour affiner le travail de motion capture. Plus surprenant encore, des morceaux des décors de Minas Tirith furent acheminés de Nouvelle-Zélande vers les studios de Redwood Shores pour en capter l'essence et réaliser des textures plus fines. Cette suite se voulant deux fois plus ambitieuse que son grand frère, Neil Young (l'ancien Executive Producer d'EA, pas le musicien) annonça deux fois plus d'ennemis affichés, évoluant dans des niveaux eux aussi deux fois plus grands, une modélisation utilisant deux fois plus de polygones et des textures... deux fois plus denses. Il ajoute également que l'IA a été optimisée. Rien que ça !

Le résultat fut à la hauteur des attentes du public et des critiques, proposant une aventure dissociée en 3 arcs narratifs, permettant d'incarner 8 personnages jouables contre 3 dans Les Deux Tours. Les joueurs furent également heureux de voir débarquer les différentes versions en même temps et non en différé, comme ce fut le cas précédemment. Les joueurs PC ne sont, au passage, pas délaissés et voient enfin une version sur leur support favori. Le portage ne souffre d'ailleurs d'aucun gros défaut d'optimisation, cas assez rare dans le cadre de jeux multisupport à l'époque.

Le système de combos et de compétences est ici enrichi de plusieurs ajouts telles que les compétences communes déblocables, rajoutant un peu de fraîcheur à un gameplay déjà réactif et haletant. On notera aussi une interaction plus poussée avec l'environnement, des lances jusqu'aux pièges activables en passant par les catapultes et pont-levis qu'il est possible d'actionner pour progresser plus rapidement ou pour retarder les vagues d'ennemis. Ces ajouts donnent un côté moins linéaire dans la réalisation des missions, ce qui n'est pas un mal dans un beat'em all. La durée de vie se voit d'ailleurs améliorée par la présence d'un mode coop permettant à deux joueurs de profiter de l'aventure, et par le contenu supplémentaire, qu'il s'agisse de making of ou de commentaires de développeurs.

Le titre n'est, cela dit, pas parfait. Problèmes de caméra entachant la lisibilité de l'action, système de sauvegarde parfois rageant, trame un peu décousue, le jeu perd légèrement de sa superbe face au public. Pour ce qui est du choix de l'enchaînement de séquences, critiqué par la presse, Todd Arnold, alors senior producer chez EA, expliqua la volonté de l'équipe de ne pas retranscrire linéairement la trame du film. Le jeu sortant près d'un mois avant son équivalent cinématographique, la quantité de spoilers fut jugée importante pour le joueur, assez pour décider de ne pas parcourir à la lettre les événements retracés dans l'œuvre de Peter Jackson.

Notez également que l'adaptation GBA du titre brille beaucoup moins que ses homologues de salon à cause, notamment, de sa durée de vie assez faible, rallongée par les quêtes annexes et par une difficulté très (trop ?) corsée.

Cerise sur le gâteau pour EA, le titre remporta deux awards en 2004, l'un pour la prestation vocale d'Elijah Wood et l'autre pour le sound design global du jeu. Les doublages de qualité furent évidemment salués, bien qu'on regrette l'absence de Jean Piat au casting des doubleurs français, notre version francophone se retrouvant ainsi affublée d'un narrateur gandalfesque bien moins percutant.

Véritable succès commercial, endiguant sévèrement les volontés de Vivendi, il est, de ce fait, assez curieux de remarquer qu'EA ne continua pas sa collaboration avec Peter Jackson pour ce qui est de King Kong. Ce dernier (Peter Jackson, pas King Kong), impressionné par Beyond Good & Evil, préféra confier le projet à Michel Ancel et ses équipes d'Ubisoft.

> Plus d'infos sur Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi