On est facilement capable de citer une multitude d'œuvres cinématographiques et d'œuvres vidéoludiques sans jamais hésiter sur la catégorie à laquelle rattacher l'œuvre en question : Super Mario Bros III et Final Fantasy VII sont des jeux vidéo, Fight Club et Le Mépris sont des films. Les deux sphères semblent exister distinctement. Pourtant, si on interroge les gens sur ce qu'est le cinéma ou ce qu'est le jeu vidéo comme dispositif produisant des discours et des émotions, on a une réponse moins nette, moins tranchée.
D'abord, on note des références transversales : des jeux sont tirés de films et des films de jeux, même si cette tendance est plus tardive historiquement et encore timide. Cependant, cette proximité va bien plus loin que de simples recyclages et assimilations d'univers ou de personnages de l'un par l'autre. Les deux sont à la base des dispositifs pour raconter des histoires, simuler des univers. Si les deux ont des spécificités dans leur grammaire, la limite entre les deux devient plus floue quand on note des emprunts grammaticaux du cinéma par le jeu vidéo et dont l'utilisation de la cinématique dans la narration et le réalisme toujours plus grand des graphismes sont les plus marquants. A partir de quelle modification un jeu devient un film, et un film un jeu ? Ce compromis, cet objet hybride, est-il le film interactif ou le jeu photoréaliste ?
Cette question semble d'autant plus cruciale que beaucoup de boîtes de jeux vidéo engouffrent leurs productions vidéoludiques dans cette direction. Le cinéma semble être parfois érigé en modèle de la production vidéoludique, comme si le film était le jeu vidéo abouti, beau et absolument immersif. Cette peur de voir une grosse partie de la production partir en ce sens est-elle justifiée, et si oui, va-t-on voir le milieu du jeu se scinder entre les grosses productions photoréalistes dont le cahier des charges est le même que pour un film, et un milieu indépendant qui va continuer de produire des jeux avec au centre l'expérience ludique et le gameplay ?