Si les distributeurs occidentaux ont hésité aussi longtemps avant de commercialiser les divers épisodes de Shin Megami Tensei aux US ou en Europe, c'est avant tout en raison de l'orientation particulièrement mature et décalée de la franchise. Il faut dire que l'équipe de développement du studio Atlus n'a pas hésité à s'attaquer à des sujets autrefois tabous dans le jeu vidéo comme l'homosexualité ou le suicide. Néanmoins, contrairement aux déclarations assassines de certains critiques mal renseignés, ces sujets délicats ne sont jamais évoqués par pure provocation. Il s'inscrivent en réalité dans le souci constant d'aborder les problèmes contemporains sans naïveté ni faux-semblants. Angoisses, fantasmes, quête d'identité... Tout y passe et si certaines scènes dérangeantes peuvent effectivement mettre mal à l'aise les joueurs non avertis, elles ont toujours un sens précis et intelligent.
Par ailleurs, les nombreuses références de la série à la religion, à l'occultisme et au surnaturel ont suscité de vives inquiétudes dans les milieux conservateurs. On manipule des cartes de tarot, on pratique la magie. Indistinctement appelées "démons", les créatures mythiques que l'on doit invoquer ou combattre sont issues de divers panthéons et certaines d'entre elles sont en effet diaboliques. De la à dire que Shin Megami Tensei incite au satanisme il n'y avait qu'un pas que les associations puritaines se sont empressées de franchir. Evidemment, quiconque a joué à l'un ou l'autre des épisodes de la série sait parfaitement qu'il n'en est rien. On rencontre dans le jeu autant de créatures bénéfiques que de mauvaises et personne ne nous oblige à pactiser avec le diable pour progresser dans l'aventure. Il ne tient qu'à nous de tendre vers le bien ou le mal, et le déroulement de l'histoire change complètement en fonction de nos décisions. Exactement comme dans la vraie vie en fin de compte.
Enfin, les dialogues, aussi édulcorés soient-ils par les traductions successives, sont parfois très crus. Entre les jurons qui ponctuent certaines phrases et les références sexuelles plus ou moins explicites que l'on peut relever çà et là, il est clair que Shin Megami Tensei détonne avec la plupart des RPG occidentaux très prudes et policés dont on a l'habitude par chez nous. Ici, les noms d'oiseaux fusent entre lycéens et lorsqu'une jolie fille passe dans le couloir, les garçons n'hésitent pas à faire part de leur émoi entre eux. Pour autant, on est bien loin de la vulgarité d'un House of the Dead ou de la violence d'un GTA et le seul parti pris semble bien encore une fois la crédibilité de l'expérience.