Avant toute chose, il est nécessaire de replacer brièvement le contexte historique et culturel dans lequel le surréalisme du jeu vidéo japonais trouve ses influences et ses origines. Nous verrons d'ailleurs que sa genèse est intimement liée à la culture manga, et par extension, à l'évolution de la société japonaise.
Au début du siècle dernier, l'ukiyo-e (l'art de l'estampe) laisse progressivement place au manga, dont les prémices tendent d'abord vers la satire et la caricature. Il fait alors office d'intermédiaire artistique dont la finalité n'est autre que la critique du pouvoir politique et existe sous forme de prototype à l'humour ironique et parodique.
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Après la seconde guerre mondiale, dans les années 50-60, le Japon vit indéniablement un basculement culturel. Les habitudes sociétales sont occidentalisées, les arts sont transformés et l'état d'esprit des japonais connaît un changement certain. En 1952, le manga se popularise suite aux publications d'Osamu Tezuka, le créateur d'Astro Boy. Au fil des années, le manga change de visage et perd son côté satirique pour gagner en profondeur narrative. Les thématiques abordées sont clairement marquées par le traumatisme de la guerre et on peut ainsi constater divers reflets de la société : certains mangas se tournent vers une vision pessimiste et violente (Akira en 1982) alors que d'autres préfèrent l'optimisme et le pacifisme (Candy Candy en 1975). Preuve est alors faite que l'inconscient collectif est à l'évidence le premier générateur de la culture d'un peuple.
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A la fin des années 80, le manga moderne est définitivement installé dans la culture nipponne, jusqu'à rendre incontournable son exportation à travers le monde. Son évolution progresse et on note alors une nouvelle façon de traiter les sujets abordés. La culture dite kawaii (le « tout mignon ») se mêle au manga, et la majorité des productions font la part belle aux soucis superficiels de jeunes adolescents insouciants. Le reflet d'un vrai désir de pacifisme, toujours consécutif du traumatisme de la guerre, se fait sentir. Mais un tel marché devient rapidement trop insipide et c'est seulement alors que l'humour et le second degré prennent une place majeure dans la culture japonaise. Le marché populaire ne se prend plus au sérieux, et sa nature même est exposée avec ironie.
Voilà qui nous mène enfin au monde du jeu vidéo japonais. En tant qu'acteur prédominant dans la culture japonaise moderne, le jeu vidéo suit pareillement l'évolution de la société. Sa nature se forme à l'image de l'inconscient collectif nippon et c'est pourquoi l'humour y occupe une grande place. Le jeu vidéo japonais s'est donc « ironisé » au fil des âges pour sortir de sa coquille d'authenticité et explorer des contrées plus facétieuses. Que ce soit le manga ou le jeu vidéo, les deux médias s'émancipent parallèlement de leurs racines pour se diriger vers une surenchère assumée et un second degré toujours plus prononcé. Mais si nous sommes ici, c'est avant tout pour parler de jeu vidéo et en l'occurrence, pour découvrir toutes les curiosités nipponnes qui ont pu naître et s'inscrire d'elles-mêmes dans l'histoire de la culture japonaise. De l'abstrait, du crétin, du vicieux, du surréaliste... Le vidéoludique nippon a bien des folies à nous faire vivre. Voici donc une autre histoire, qui se conte dans les pages qui suivent.