En 1997, trois titres entraînent une vraie mutation au sein de la communauté des rôlistes : Diablo de Blizzard et Fallout de Black Isle (une division interne d'Interplay) pour les jeux de rôle occidentaux, et Final Fantasy VII de Squaresoft pour les jeux de rôle japonais. La parution et le succès colossal de ces monuments vidéoludiques rassurent grandement l'objectif de BioWare, à savoir proposer un soft plus moderne et ainsi plus en adéquation avec les attentes et les goûts de ces nouveaux joueurs, pas ou peu familiers avec les JDR classiques.
Aucun des 60 membres de l'équipe de Baldur's Gate n'avait jusqu'alors travaillé à temps plein, mais de leurs efforts naîtra le successeur spirituel du Gold Box de SSI : le moteur graphique Infinity Engine. Mêlant jeu en temps réel et combats en pseudo-temps réel (chaque action prend un certain nombre de « rounds » et la pause peut être activée à tout moment), le moteur emprunte la perspective isométrique à la troisième personne mélangée à un rendu graphique en 2D. Il permet aussi de regrouper six personnages dans un même groupe d'aventuriers. L'ossature du gameplay de Baldur's Gate, mais aussi de plusieurs des titres à venir, est donc à présent au point. Mais développer un tel projet prend du temps, et les trois fondateurs de BioWare peinent de plus en plus à concilier leurs deux professions. La dernière année de développement se montre particulièrement éprouvante, à tel point que Muzyka et Zeschuk décident d'abandonner la médecine pour se consacrer pleinement à la conception de jeux. Augustine Yip fait le choix inverse et cède ses parts dans la société à ses deux camarades pour se consacrer à la médecine à plein temps.
Baldur's Gate finit par sortir en 1998, après trois ans de développement. Le succès est fulgurant tant sur le point critique que commercial, avec ses 1,5 million d'exemplaires écoulés. Les ventes talonnèrent ainsi de près celles réalisées par Diablo. Baldur's Gate devient même le plus gros succès de la licence Donjons & Dragons de l'époque. Le jeu synthétise à merveille accessibilité et profondeur, tout en marquant les esprits pour les années à venir. Bien que la comparaison entre Diablo et Baldur's Gate est tentante, les deux titres demeurent assez éloignés l'un de l'autre. Le jeu de Blizzard se place comme une version moderne de Rogue et de tous ses clones (les rogue-like) tels que Nethack ou Moria, des jeux teintés d'éléments empruntés aux ancêtres des A-RPG comme Gauntlet. Dans ces anciens titres, le joueur se retrouvait enfermé dans des souterrains générés aléatoirement dans un univers bidimensionnel décrit par des caractères ASCII. De l'expérience et des trésors récompensaient les explorateurs pour avoir terrassé des ennemis de plus en plus puissants. La création de BioWare met l'accent sur le jeu de rôle au sens le plus classique du terme. Un système de dialogue, bien que moins poussé que celui d'un Fallout mais néanmoins assez complet, permet au joueur d'établir ses propres choix pour les nombreuses situations qu'il serait amené à rencontrer tout au long d'un scénario proposant des expériences uniques. Le tout teinté d'une orchestration de très bonne facture.
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