Les années 2000 sont particulièrement cruelles pour la French Touch. D'une part, le saut technologique de la sixième génération de consoles (DC/PS2/GC/Xbox) fait monter l'effectif minimum pour développer un jeu à 40 personnes, une production de 3 millions d'euros pour une durée de développement de 2 ans en moyenne. Le jeu vidéo passe alors de « l'ère garage » à « l'ère industrielle », et devient un produit de masse formaté par un cahier des charges. D'autre part, Delphine Software profite de sa réputation internationale pour entrer en bourse, comme la plupart des studios français. Malheureusement, l'euphorie pour les nouvelles technologies a pour effet de tourner la tête aux investisseurs. Trop de sociétés brûlent leur capital pour espérer atteindre un jour le point d'équilibre. L'éclatement de la bulle Internet en 2000 prend l'ampleur d'un krach s'étendant à l'ensemble des bourses, et provoque une récession économique mondiale. Au lieu de lever des fonds pour amortir les coûts de production, la bourse volatilise tous les profits réalisés par Delphine Software depuis ses débuts. P. de Senneville est incapable de faire face aux dettes exponentielles du studio. Delphine Software agonise jusqu'en 2004. En réaction à leur licenciement de chez Delphine Software, les développeurs créent l'association JIRAF (le Jeu vidéo et son Industrie Rassemblent leurs Acteurs Français).
Alain Le Guirec :
L'objectif des studios français n'est pas de devenir numéro un, mais d'exister le mois suivant. Plus que la qualité intrinsèque des jeux, c'est le faible délai de production et la réduction des coûts qui comptent. Je n'ai jamais vu un projet qui ne finisse pas en retard, bouclé dans la panique. Chaque fois, la faute en revenait aux décideurs qui, pour décrocher leur contrat, raccourcissaient les délais à la limite du faisable. Quant au budget, les moyens réellement mis en œuvre sont très rarement à la mesure des ambitions affichées.
Nicolas Perret :
Avec tous les dépôts de bilan qu'a connus le jeu vidéo en France, ceux qui restent font face à plusieurs choix : soit changer de secteur d'activité, soit s'expatrier, soit essayer de rassembler une équipe pour monter un jeu, tout en pointant au chômage. L'ANPE est actuellement le plus gros employeur du secteur.