La mode Rayman pousse les actionnaires à exiger un troisième épisode, mais M. Ancel s'interroge : à quoi bon se répéter et fournir des Rayman jusqu'à l'écoeurement du public ? Il n'y a plus d'enjeux artistiques. Juste une écuelle à remplir selon la bonne proportion d'ingrédients afin de rassasier l'appétit des gamers pour Noël. La volonté irréductible de F. Raynal, qui développe des jeux en méprisant les impératifs du marché, amène M. Ancel à tenir tête aux présidents d'Ubisoft, les frères Guillemot. Ubisoft finit par se passer de sa caution artistique pour les prochains épisodes de Rayman.
De son côté, E. Chahi crée dès 1992 le studio de développement Amazing Studio avec une dizaine d'anciens employés de chez Delphine Software, en vue de produire le jeu Heart of Darkness. Le jeu est un anachronisme en 1998 sur PS1 : il est en 2D alors que Sony mise sur la 3D depuis le début. Il constitue heureusement une réussite commerciale avec 1,5 million de jeux vendus. Pourtant, les six années d'intense labeur (la sortie d'Heart of Darkness étant sans cesse repoussée, le jeu dû être recommencé plusieurs fois pour être adapté à l'évolution des systèmes d'exploitation) découragent E. Chahi d'entreprendre tout autre projet dans ce secteur :
Le travail d'équipe sur Heart of Darkness m'a refroidi et vacciné. C'était le début des grosses équipes, des grosses productions : je ne me sentais pas trop à l'aise. Le monde du jeu vidéo ne me correspondait plus, en sus de la fatigue et du raz le bol accumulé sur Heart of Darkness. J'étais quand même assez exténué ! Entre Les Voyageurs du temps (1989), Another World (1991) et Heart of Darkness (1998), il n'y a pas eu vraiment de temps mort. Je n'ai pas spécialement envie de repartir sur un projet.