Le succès de la French Touch amène Delphine Software à décrocher un contrat auprès de la firme Electronic Arts. P. Cuisset surnage comme il peut avec les différentes équipes d'EA développant le jeu de combat Shaq Fu. Il se veut aussi rassuré par l'échec commercial du jeu en 1994 qu'E. Chahi à la sortie d'Another World 2 :
Finalement, Another World 2 fit un flop, et il resta dans l'ombre à mon grand soulagement.
Tout de même, après l'immense Flashback, comment P. Cuisset a-t-il pu produire le plus mauvais jeu de combat de tous les temps ?! L'année 1995 est un peu plus heureuse. Ayant eu la lucidité de comprendre que la French Touch ne s'épanouissait pas dans l'élaboration d'un clone de Street Fighter, EA propose d'éditer la suite de l'excellent Flashback. Le talent de P. Cuisset dopé par la superproduction d'EA aboutit à Fade to Black. La gestion de la caméra et les environnements 3D font découvrir aux joueurs une nouvelle façon de percevoir le jeu vidéo. P. Cuisset mêle rendu bitmap et vectoriel avec de la Motion Capture, le tout en 3D. Fade to Black est un digne représentant de la French Touch : graphismes ingénieux, ambiance oppressante, scénario S-F, et difficulté hors du commun. Malgré ses qualités évidentes, Fade to Black ne rencontre pas le succès à sa sortie en 1996. EA croit comprendre que la French Touch est passée de mode, et commande à Delphine Software une série de jeux commerciaux pour PS1. La série Moto Racer fait un carton dès 1997, avec 7 millions de jeux vendus au total.
Quant à Adeline Software, le studio attire les investisseurs grâce au succès de Little Big Adventure 2, et se fait racheter par Sega en 1997. F. Raynal travaille d'arrache-pied pour mettre au point le lancement européen du mode online de la Dreamcast. Ce sera chose faite avec Quake 3 Arena en 1999. La puissance de la Dreamcast (128 bits) lui donne l'occasion de déployer son talent dans un nouveau Survival Horror intitulé Agartha. F. Raynal bénéficie d'une équipe et d'un budget conséquents, mais n'est plus libre de créer comme il l'entend :
Agartha aurait été le premier Survival Horror où le joueur aurait pu choisir son camp : le Bien ou le Mal. On avait par exemple imaginé laisser la possibilité au joueur de délivrer un prisonnier ou de le torturer. Hélas, Sega nous a clairement fait comprendre qu'il y avait des limites à respecter dans le monde du jeu vidéo et qu'il ne fallait pas les dépasser, sous peine de subir les foudres de la censure. Notre concept et notre idée de départ étant justement d'outrepasser les limites du politiquement correct pour immerger totalement le joueur dans un univers adulte. Il n'était pas question pour nous de nous plier aux revendications de Sega. Je me suis aperçu qu'il n'était pas possible d'aller au-delà des conventions tacites imposées par l'industrie du jeu vidéo. Même dans cet art neuf où l'on croit encore tout possible, il existe bien une censure implicite qui bride l'imagination des développeurs.
Les querelles incessantes avec l'éditeur retardent la sortie du jeu. Prévu pour le mois d'octobre 2001, Agartha ne sortira jamais puisque Sega annonce l'arrêt de la production de consoles en mars 2001. Fade to Black, Heart of Darkness et le projet avorté Agartha signent les adieux (temporaires) au jeu vidéo des trois fondateurs. C'est la fin d'une époque, mais pas de la French Touch.