A la lecture de ce dossier, vous pensez sans doute que cette console ne méritait pas son triste sort et qu'une malédiction lancée par la concurrence s'est chargée de lui mener la vie dure. En vérité, Nintendo avait quand même un peu cherché cet échec. Tout d'abord, il faut savoir que la Nintendo 64, connue à l'époque sous le nom d'Ultra 64, fut annoncée en même temps que le Virtual Boy. D'un côté, on nous annonce donc la mise en chantier d'une console 64 bits capable de générer des graphismes hauts en couleur, en 3D et d'un réalisme à couper le souffle ; de l'autre, on nous balance une console 32 bits sortie de nulle part, tirant parti d'un concept bizarroïde pas facile à se représenter à l'époque, et capable de produire uniquement des nuances de rouge sur fond noir. Replacez-vous dans le contexte et posez-vous cette question : préféreriez-vous attendre la 64 bits qui s'annonce merveilleuse, ou prendre le risque de la 32 bits farfelue ? Pour nombre de consommateurs de l'époque, la réponse fut évidente. Avant de souffrir de la concurrence extérieure, le Virtual Boy a donc souffert de la concurrence interne avec la N64.
Nintendo a également gaffé en appelant sa console "Virtual Boy" dans la mesure où le terme rappelle inévitablement le Game Boy. De plus, l'appareil ne se branche pas sur la télé, dispose de ses propres écrans et fonctionne avec des piles. Partant de là, le consommateur lambda s'imagine que le Virtual Boy est une console portable. Cependant, il s'agit bel et bien d'une machine de salon. Le consommateur est perdu, il ne comprend pas, et quand il ne comprend pas il n'achète pas.
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L'autre coup dur vient de la qualité des jeux VB. Les effets visuels de profondeur ont beau être attrayants, ça ne suffit pas pour faire un bon jeu. Et des bons jeux, il n'y en a malheureusement pas tant que ça sur Virtual Boy. Nintendo s'est montré particulièrement réticent à ce que les éditeurs tiers développent pour sa machine. Du coup, le constructeur s'est plus ou moins débrouillé pour en sortir une poignée de sa propre poche histoire de combler le manque. Seulement voilà, ces titres donnent l'impression d'avoir été programmés un peu à la va-vite et leur durée de vie s'en ressent. On fait le tour de la plupart des jeux en 30 minutes montre en main. La seule véritable exception est Wario Land, mais un seul jeu vraiment charismatique sur 22, ça ne fait pas beaucoup.
Enfin, ce qui a achevé la console, ce sont les effets secondaires qu'elle provoque. En effet, la 3D stéréoscopique n'est pas totalement inoffensive et peut vous donner mal au crâne ou vous faire pleurer en seulement quelques minutes. Certains d'entre vous ont sans doute déjà ressenti ces symptômes en allant voir un film en 3D au cinéma, c'est le même phénomène. Cela dépend toutefois des individus et certains tolèrent parfaitement la 3D. Bref, il n'y a rien de bien méchant là-dedans. Normalement, si on active la pause automatique ou qu'on fait de son propre chef des pauses régulières, il ne devrait y avoir aucun souci. Le vrai détail qui tue est écrit sur l'emballage de la console : "Attention ! Ce produit ne doit pas être utilisé par des enfants âgés de moins de 7 ans ! La 3D stéréoscopique pourrait causer des dommages graves et permanents à leur vision". C'est logique puisque les enfants de moins de 7 ans n'ont pas encore une vision totalement développée. Il n'en fallait cependant pas moins pour effrayer la plupart des consommateurs potentiels, qui ont préféré s'abstenir d'investir dans une console susceptible de leur bousiller la rétine.
Résultat des courses : le Virtual Boy est une console hybride que l'on ne comprend pas, qui se révèle potentiellement dangereuse et qui ne propose que des jeux moyens... C'est en tout cas ce que le grand public a retenu et ce qui a provoqué la mort de la machine, qui n'avait objectivement pas mérité un sort aussi funeste.