Si Pokémon a cassé la baraque dès sa sortie au point de devenir aujourd'hui le modèle incontesté de tous les jeux dans lesquels on collectionne et élève des monstres (les Pokémon-like), ce n'est certainement pas dû au hasard. Tout d'abord, bien plus que de simples jeux d'action, les différentes versions de Pokémon sont de véritables RPG se déroulant dans un monde cohérent. Le scénario n'est certes pas des plus complexes mais les personnages récurrents sont charismatiques et l'ambiance bon enfant est attendrissante. Formidable innovation, le principe consistant à capturer soi-même ses petits compagnons avant de les dresser au combat est une véritable révolution vidéoludique. Jusqu'ici, dans les jeux de rôle traditionnels, le joueur rencontrait de temps à autre tel ou tel personnage susceptible de le rejoindre et le recrutait en accomplissant une quête ou en le persuadant de le suivre. Ici, rien de tout cela. Il s'agit en fait de parcourir la nature à la recherche des diverses espèces de Pokémon et de les capturer avec des balles spéciales appelées Poké Balls. Véritable jeu dans le jeu, la traque, la capture et la collection des très nombreuses créatures contenues dans chaque cartouche sont assurément au coeur de la réussite de la franchise. La formule (gotta catch'em all !) a d'ailleurs été reprise par nombre de ses concurrents directs.

Et ce n'est pas tout ! La licence dispose également d'autres atouts qui expliquent son immense succès. Le système de combat au tour par tour mis en oeuvre dans les diverses joutes s'avère par exemple d'une profondeur surprenante pour qui a déjà eu l'occasion de se pencher dessus de près ou de loin. Mettant en scène n'importe laquelle des six bestioles qui peuvent nous accompagner en permanence, le gameplay restera pratiquement inchangé tout au long de la série. Chacun de nos Pokémon dispose d'une série d'attaques plus ou moins efficace en fonction des attributs et des caractéristiques de leur adversaire et ils gagnent en puissance au fur et à mesure de leurs victoires. En atteignant certains paliers d'expérience, la plupart d'entre eux peuvent alors évoluer et accéder à des techniques plus efficaces. A l'origine, il existait déjà plusieurs dizaines de techniques différentes et suffisamment d'attributs pour scotcher les joueurs sur leur modeste Gameboy. Aujourd'hui la complexité du gameplay est telle que tous les passionnés de stratégie en reconnaissent désormais la richesse en dépit de leurs préjugés et de l'étiquette "pour enfants" qui colle à la série Pokémon.

Dans un tout autre registre, l'inter-connectivité entre les différentes versions de chaque génération de titres Pokémon, voire parfois entre les titres n'appartenant pas à la même génération, a toujours été une priorité pour un Satoshi Tajiri absolument fasciné par cette technologie. Et il faut dire que si aujourd'hui, cette fonctionnalité peut paraître extrêmement banale, il n'en était pas du tout de même en 1996. A l'époque, l'échange de Pokémon via câble Link fut à juste titre perçu comme une véritable avancée dans les jeux vidéo. Volonté de profit oblige, cette formidable fonctionnalité permit aussi de justifier la commercialisation abusive de plusieurs versions du même titre de base. Une caractéristique de la saga suggérée par Shigeru Miyamoto en personne et qui perdure encore de nos jours.

Enfin et avant de conclure, le design remarquablement inspiré des Pokémon que l'on doit aux doigts de fée de Ken Sugimori a sans doute fait plus pour la série que n'importe quelle campagne de publicité. De la silhouette arrondie du Bulbizarre à l'aspect redoutable du Dracaufeu en passant par le sourire espiègle du célèbre Pikachu, tout le monde (ou presque) s'est un jour ou l'autre entiché de l'une de ces attachantes créatures. Pas étonnant que l'on trouve donc aujourd'hui encore des peluches ou des stickers Pokémon dans n'importe quelle chambre d'enfant.