Il est important de faire une petite pause à ce stade pour vraiment se pencher sur le dessous des cartes de l'époque NES car elle préfigure 20 années de l'histoire de Nintendo, pour le meilleur et pour le pire.
Si la NES se vend si bien, c'est parce qu'elle est relativement bon marché. Pour parvenir à ce résultat, Hiroshi Yamauchi opte pour des coûts de productions très bas en commandant les composants en gros et en utilisant des matières premières à bas prix. Si le premier modèle de Famicom est rouge (cf photo à gauche), c'est parce que le plastique rouge est bon marché. Quant à la console, elle est vendue à prix coûtant et ne rapporte pas de bénéfices. La politique de la console "essence" sera conservée sur toutes les machines qui suivront, à l'exception de la Wii.
Pour faire rentrer l'argent, Nintendo mise tout sur les jeux en utilisant des méthodes qui le conduiront souvent en justice. Il faut dire que la firme va clairement profiter de sa position de quasi-monopole pour imposer des contraintes très lourdes sur les développeurs tiers, tout en les encourageant à travailler avec eux. Nintendo ajoute ainsi une puce baptisée 10NES à sa console et aux cartouches de jeu. Pour fonctionner, un jeu doit en être équipé. Et pour cela, il faut qu'il soit correctement licencié. Pour obtenir le sésame, le développeur doit donc s'acquitter de droits de développement et verser des royautés mais Nintendo va plus loin en s'arrogeant le droit d'imposer un nombre limité de titres qu'un développeur peut produire par année, contrôle la production des cartouches afin de maîtriser totalement le nombre de jeux et d'exemplaires en circulation. La firme commence même à imposer des contrats d'exclusivité aux sociétés. Voilà pourquoi certains éditeurs finirent par constituer des filiales dédiées à Nintendo afin de conserver un minimum de liberté et ainsi obtenir leur puce 10NES.
Pour le consommateur, cette politique porte un nom : le Nintendo Seal of Quality, une idée marketing redoutable. Pour le joueur, c'est l'assurance d'un jeu de qualité, authentique, trié sur le volet. Dans les faits, il s'apparente à certains labels agro-alimentaires qui ne disent rien d'autre que "ce steak de boeuf est bien un steak de boeuf" car il signifie simplement que le développeur est en règle avec le service financier de Nintendo ainsi qu'avec son service de censure qui vérifie le contenu des titres. Nintendo tient à conserver une image familiale.
Certains développeurs et éditeurs vont alors se lancer dans une fronde en équipant leurs cartouches d'une puce chargée de contourner la protection 10NES. Nintendo se retrouvera fréquemment devant les tribunaux, gagnera souvent, perdra quelques fois, mais c'est uniquement l'arrivée de la concurrence de la MegaDrive qui le poussera à alléger un peu ses relations avec les éditeurs tiers qui menaçaient de couper les ponts. Ces rapports tendus, on les retrouvera tout au long de l'histoire de Nintendo et ils lui ont coûté très cher.
Pour la petite histoire, sachez que Nintendo va également mettre en place le zonage des jeux au lancement de la NES afin de lutter contre le piratage et de renforcer son contrôle du marché.