Logan
Bien que les débats passionnés tournant autour du jeu vidéo concernent souvent l'aspect technique, on oublie parfois que sans musique, sans bande-son, un diamant binaire peut très rapidement se transformer en bout de charbon. De fait, l'industrie vidéoludique s'est depuis quelques années offerte les services des plus grands compositeurs d'Hollywood pour offrir une nouvelle dimension à ces oeuvres qui nous font oublier le quotidien le temps d'une partie. Citer tous ces génies de la croche et de la ronde serait vain tant ils abondent. Cependant, étant donné mon irrésistible passion pour la cinématographie, je dirais que quelques artistes et séries me parlent plus que d'autres.
La première saga à laquelle je songe est bien évidemment Metal Gear Solid, la plus cinématographique des sagas vidéoludiques. Ainsi, Kojima a vite compris l'importance de l'élément sonore pour donner vie à ses jeux, films interactifs diront les plus coquinous d'entre vous. Si on ne reviendra pas sur les indéniables qualités musicales des premiers segments, le fait d'avoir engagé Harry Gregson-Williams (un des poulains du vénérable Hans Zimmer) pour les troisième et quatrième opus dénote clairement de la volonté du réalisateur nippon de se rapprocher encore un peu plus du monde du cinéma. Certes, Gregson-Williams n'aura finalement fait que reprendre les sonorités de son maître à penser en apposant l'étiquette Media Ventures (le studio de Zimmer) sur les créations de Kojima mais comment rester de marbre devant une telle prestance sonore ? Si Metal Gear Solid 3 : Snake Eater avait parfaitement su nous plonger dans les années 60, fief des premiers James Bond, via, notamment, le suave Snake Eater de Cynthia Harrell, la bande-son du quatrième opus aura privilégié les ambiances intimistes pour coller au ton plus personnel de l'histoire vécue par Old Snake. D'ailleurs, le thème muscial éponyme reste à mon sens un des meilleurs morceaux de l'OST tout comme l'émouvante et langoureuse reprise du morceau de Ennio Morricone et Joan Baez, Here's to you, par Lisbeth Scott, donnant au final de Metal Gear Solid 4 une dimension d'infinie tristesse nous renvoyant en pleine figure le destin tragique de Snake... Et par extension celui de Sacco et Vanzetti.
Si on pourrait également citer le travail de Tyler Bates (compositeur de The Devil's Rejects, Watchmen, du remake du Jour où La Terre S'arrêta, etc.) sur Rise of The Argonauts, pour consolider la relation quasi fusionnelle entre le 7ème art et le jeu vidéo, on pourra aussi retenir des titres aux accents résolument similaires à ceux de n'importe quel long-métrage épique. De fait, quoi de mieux que le Zeus' Wrath Devine de God of War (qui aurait très bien pu avoir sa place dans le 300 de Snyder) ou le Main Title de Freedom Fighters pour saisir toute l'importance des cuivres puissants et des percussions montantes ? A ce petit jeu, les Japonais s'en sortent également très bien comme le démontre le somptueux Main Title de Kingdom Hearts par Yoko Shinomura ou celui de Xenogears par le vénéré Yasunori Mitsuda. D'ailleurs, cet artiste génial signera moult B.O. de jeux dont celle de Chrono Cross comprenant entre autres le tribal thème principal d'une incroyable justesse. Comment oublier également un de mes compositeurs nippons préférés, Hitoshi Sakimoto (Final Fantasy Tactics, Vagrant Story, Odin Sphere, Valkyria Chronicles...) dont la moindre partition suffit à embellir n'importe quel jeu. Il en est de même pour le ténébreux Akira Yamaoka qui a su offrir à Silent Hill ses lettres de noblesse, cette patte inimitable faite de sons stridents, métalliques ou bien encore terriblement mélancoliques synonymes de riffs de guitare sèche à jamais liés à la bourgade maudite. Chacun de ses morceaux peut ainsi être aisément perçu comme un acteur à part entière de l'horrifique saga de Konami. Et pour ceux qui en douteraient, la simple écoute de Tears of (Silent Hill), Promise (Silent Hill 2), You're not Here (Silent Hill 3), Room of Angel (Silent Hill 4) ou bien encore O.R.T. (Silent Hill Origins) devrait les convaincre.
J'aurai enfin pu vous parler pendant de longues heures du travail de Nathan McCree sur Tomb Raider mais plus que des mots, les notes parleront pour moi à travers cette planante variation du thème principal de la saga. Le même constat s'impose concernant le récent Bioshock dont l'atmosphère steampunk aura profité des compos surannées, voire surarmées, de Garry Schyman. Evoquant parfois les violons de Mark Snow (X-Files) ou de John Williams (La Liste de Schindler, Star Wars, Jaws...), cette BO est une véritable porte ouverte sur un monde tombé en pleine apogée et dont le morceau Welcome to Rapture se veut forcément le maître de cérémonie.
C'est un fait, la musique adoucit les (game)moeurs et si depuis quelques années elle devient de plus en plus importante au sein du média jeu vidéo, c'est qu'il y a une raison toute simple à cela : l'image est bien moins percutante sans le son, celui-là même qui, à travers une note, un cri, un simple écho à peine audible, est capable de faire passer le plus blasé des joueurs par toute une gamme d'émotions diverses et variées.