Présentation
Metal Gear Solid 2 est sans doute l'épisode le plus complexe de la saga et surtout le plus difficile à appréhender. Kojima, lui-même, avouait que cet opus avait été construit autour du scénario et non pas du gameplay, ce qui ne l'empêchera nullement d'améliorer quantité de choses par rapport au premier Metal Gear Solid. Si résumer l'histoire en quelques lignes tient de l'exercice de style sans filet, disons que le sujet principal de ce segment tourne autour de la génétique, de ses dérives et surtout de ce qui définit l'être humain, son identité. Pour aborder son sujet, Kojima choisit une narration en deux temps. La première partie se déroule sur un tanker dans le port de New York et met en scène l'intrépide Solid Snake. La seconde partie, elle, débute deux ans plus tard sur une plate-forme pétrolière, la Big Shell, en pleine mer. Particularité : cette deuxième moitié ne met plus en avant Snake mais Raiden, personnage inédit, légèrement efféminé (ceci lui valant un petit commentaire d'une personne haute placée durant le jeu) et traînant derrière lui un lourd passé. Signalons d'ailleurs que ce changement de casting ne sera pas du goût de tous les joueurs qui iront même jusqu'à envoyer des missives à Hideo Kojima pour se plaindre.
Nonobstant, le synopsis de Sons of Liberty pose de nouvelles bases ou plutôt étoffe l'intrigue générale de façon quasi chirurgicale en assénant le joueur de complots gouvernementaux, de théories scientifiques, etc. Il va sans dire qu'on aimera ou non, surtout que ce parti pris est synonyme de cinématiques bien plus nombreuses qui trouveront une conclusion à la fin de l'aventure via une succession de séquences qui, mises bout à bout, doivent approcher la demi-heure bien sentie, voire plus. Qu'importe, Kojima a fait son choix et pour peu qu'on soit attentif, on se rend vite compte que l'histoire qui nous est narrée est sans doute une des plus ambitieuses que le jeu vidéo ait connu.
De fait, en parallèle des obligatoires rencontres avec les boss ici regroupés sous l'égide du commando Dead Cell, des séquences hallucinées coulent aussi dans les veines de ce nouvel épisode. On retrouve une fois de plus le talent du réalisateur japonais qui opte intelligemment pour des cinématiques utilisant le moteur de jeu (élément récurrent de tous les épisodes) plutôt que pour des CG, ceci accentuant la fluidité entre le jeu et la partie narrative. D'ailleurs cette partie, tout en faisant état des Patriotes et de leur emprise invisible sur les forteresses financières et politiques du monde entier, expérimente une fois de plus l'immersion du joueur qui se voit ici confronté, tout comme Snake, à des choix, des questionnements. On pourra bien entendu passer à côté de ces réflexions mais comme pour nous rappeler à l'ordre, Kojima, par un truchement très habile, nous renvoie à la figure notre statut de joueur dans un des derniers plans mémorables du jeu durant lequel Raiden jette sa plaque d'immatriculation à notre nom (si tant est que nous l'ayons inscrit dans un ordinateur au tout début de la Big Shell) comme pour nous indiquer qu'il s'émancipe totalement de notre contrôle pour vivre sa propre vie. De fait, la thématique du jeu (la définition même de l'homme) nous revient une fois de plus à la figure tout en nous faisant réfléchir sur notre propre statut de joueur.
De ce postulat philosophique, Kojima ressort un grand titre, jugé bancal par beaucoup en raison d'un manque d'équilibre entre séquences de jeu et cinématiques. Pour autant, ce segment, sous ses dehors d'expérimentation vidéoludique, reste un maillon essentiel de la saga Solid à laquelle il apporte une profondeur insoupçonnée et qui ne trouvera véritablement écho que dans le prochain Metal Gear Solid 4 : Guns of The Patriots.