Champ, contrechamp, close-up, split-screen, travelling, contre-plongée, ces termes, Kojima les connaît par coeur et use de toutes les subtilités de mise en scène pour parfaire sa maîtrise narrative. Si Metal Gear Solid est une série à nulle autre pareille, c'est en partie grâce à la maestria de sa réalisation dont l'élégance visuelle n'a d'égale que sa puissance évocatrice. Hideo Kojima a donc très rapidement compris tout le potentiel qu'offrait le jeu vidéo en matière de création et nous gratifie à chaque épisode, d'une succession de scènes à couper le souffle. Pour autant, l'homme verse rarement dans la surenchère gratuite même si Metal Gear Solid, par le simple fait de s'imprégner d'une imagerie véhiculée par l'industrie hollywoodienne et les animes, se permet de mettre en avant des personnages aux étonnantes capacités.
Pour l'anecdote, il suffit de comparer la mise en scène de Metal Gear Solid et celle de Metal Gear Solid : The Twin Snakes, remake GameCube de l'original, confié à Ryuhei Kitamura, l'homme derrière les surprenants Versus et Azumi. Ainsi, si les deux jeux nous content la même histoire, la réalisation virevoltante de The Twin Snakes lui donne un côté beaucoup plus surréaliste. Si certains l'ont jugé "too much", Kojima le premier, signalons tout de même que quelques plans composés de cabrioles en bullet time renvoient délicieusement à un cinéma hong-kongais sous acide. Bien entendu, on citera ici l'influence de Matrix qui lui-même s'inspire grandement de nombreux animes. Le serpent se mordant la queue en quelque sorte pour un résultat proche de l'expérimentation visuelle par moments.
Au-delà du choc visuel, Kojima utilise également sa tête pour faire naître des émotions chez le spectateur/joueur en l'amenant à ressentir une très forte empathie pour Snake. L'exemple le plus marquant de toute la saga se trouve à la fin de Metal Gear Solid 3 où on nous demande de réaliser une action que nous (le joueur et Snake) désapprouvons au plus haut point. L'idée est perverse mais terriblement ingénieuse dans le sens où l'identification est totale. Bien entendu, comment passer sous silence tous ces éléments "interactifs" nous sortant du jeu pour mieux nous y replonger. On pensera ici à Psycho Mantis, dans Metal Gear Solid, sondant notre carte mémoire et ne pouvant être battu qu'en changeant de port manette. Impossible d'oublier également le faux game over de Metal Gear Solid 2 ou les myriades de subtilités de Metal Gear Solid 3 durant les cinématiques, lors de l'affrontement contre The Sorrow ou le désormais célèbre cauchemar de Snake. Étonnamment, on pourra trouver ceci paradoxal dans le sens où au-delà de la jouissance procurée par ces "interludes", le joueur, confronté à sa nature de spectateur, se retrouve, d'une certaine façon, en dehors de l'action. Pour autant, ces passages s'inscrivent parfaitement dans la logique de Kojima qui a toujours su trouver le juste équilibre entre "réalisme fictif" et humour interactif.
En somme, qu'importe qu'on voie chaque opus de Metal Gear Solid comme un film vidéoludique ou un jeu cinématographique, l'important étant qu'on ait l'ivresse d'une grande aventure. Cette symbiose entre cinéma et jeu vidéo est bel et bien le coeur même d'une saga qui n'a jamais démérité depuis son arrivée sur PSone. En asseyant son statut de série culte à travers ses nombreux segments, Metal Gear Solid a su montrer à tout un chacun qu'il était possible de raconter une histoire s'étalant sur plusieurs années en accumulant les protagonistes, événements tragiques sans pour autant perdre la substance originelle, celle qui donne envie au joueur de prendre une manette pour s'amuser, découvrir et frémir.