Quelques mots simples suffisent à résumer l'idée qui se cache derrière King Kong : immersion, cohérence et double effet King Kong (si, si, vous verrez). Vous l'aurez sans doute déjà noté en scrutant les screenshots, il n'y a aucune indication affichée à l'écran. Ni viseur, santé, nombre de munitions et encore moins une boussole, tout cela afin de plonger le joueur dans une expérience crédible et immersive. Tenez, un exemple idiot, si vous souhaitez savoir combien il vous reste de munitions, une pression sur la touche idoine et c'est le héros lui-même qui jaugera à haute voix ses réserves. Et cela n'est que le premier pas vers une plongée profonde dans l'aventure King Kong. Connaissez-vous cette méthode journalistique qui consiste à raconter ses expériences de jeu à la première personne et en toute subjectivité ? Et bien s'il y a un titre pour lequel cette astuce a pu être inventée, c'est sans doute King Kong lorsque le jeu vous plonge dans la peau de Jack, un pauvre être humain perdu sur une île hostile en train de sombrer dans l'océan, lancé à la poursuite d'un gorille géant ayant kidnappé la belle Ann, actrice hurleuse de son état.
Désireux d'être un prolongement du film mais pas une simple transposition, King Kong le jeu, bénéficie évidemment d'un grand soin dans sa mise en scène mais sans se montrer aussi dirigiste que certains titres tentant la même approche. Il sera d'ailleurs possible de trouver de multiples solutions à un même problème et les réactions de la faune environnante s'adapteront à vos faits et gestes. Il n'empêche que le jeu est ponctué de rebondissements et de temps forts. Jihem, au retour de l'E3, vous a déjà raconté certaines scènes marquantes du jeu, comme le début de l'aventure qui nous voit ligoté et impuissant face à l'enlèvement de Ann par Kong suivi de notre fuite sous les flèches enflammées des autochtones, ou bien la descente des rapides poursuivi par deux T-Rex belliqueux. Des scènes d'actions haletantes. Mais deux autres éléments clefs des phases de jeu en tant que Jack méritent notre attention : l'exploration et la survie. Précisément, la question de l'exploration m'amène à vous parler de celle de la cohérence. Pour plonger le joueur dans la fable fantastique de King Kong, il ne suffit pas de l'impressionner en lui faisant croiser le chemin d'un troupeau de brontosaures et de le perdre dans leurs pattes immenses, encore faut-il rendre tout ce monde crédible (et non réaliste). L'un des choix de game design présidant à King Kong est donc de ne pas disséminer des clefs à travers un niveau et encore moins de planter un mécanisme qui fera s'ouvrir une porte sans que l'on comprenne comment alors qu'il se trouve à 3 kilomètres de là. Ici les leviers sont directement liés par des cordages aux poulies qui actionneront un objet. L'exemple est trivial, mais illustre l'idée d'un monde cohérent et auquel on peut croire, même s'il a toutes les apparences de la plus grande fantaisie. Avec un tel parti pris, le simple ravitaillement en munitions devient évidemment problématique. Là où de nombreux jeux disposent des caisses remplies de fournitures dans tous les coins et recoins d'un niveau sans se soucier de savoir ce qu'elles font là, il aura ici fallu imaginer qu'un des membres de l'expédition resté sur le bateau vienne larguer au hasard des caisses au-dessus de la jungle afin de porter secours à ses camarades. Mais n'espérez pas trouver là autre chose que quelques balles ou des armes. Si vous voulez survivre, c'est en vous débrouillant qu'il faudra le faire. Pour cela, la jungle a un avantage : elle regorge de lances ou d'ossements pointus que l'on pourra ramasser un peu partout et qui font des trous disgracieux dans les animaux hostiles. Malheureusement pour vous, vous n'êtes pas Superman, alors mieux vaudra éviter de penser qu'il est possible de faire la peau d'un T-Rex comme ça, comme un esquimau s'attaque aux ours polaires avec un canif. De fait, en tant que Jack, vous ne pouvez supporter d'être touché que 3 fois de manière consécutive, vous devrez donc tout faire pour vous mettre à l'abri quelques secondes, le temps de récupérer si on vous frappe une ou deux fois. Un temps que vous pourrez mettre à profit pour trouver une meilleure tactique de défense. Mobilité et promptitude à se dégotter des trous de souris seront donc deux qualités indispensables à votre survie, mais l'intelligence pourrait bien en être une autre.
L'île de Skull Island est peuplée de prédateurs et de créatures diverses. Même si ces dernières sont, de l'aveu même des développeurs, peu variées, leurs comportements sont suffisamment complexes pour offrir une diversité de situations et de facteurs que le joueur peut exploiter. A commencer par le fait qu'un prédateur cesse toute poursuite si on lui offre un plat tout prêt. Poursuivi par un monstre plein de dents, n'hésitez pas à tuer une chauve-souris géante sous son nez pour l'occuper, au lieu de tenter vainement de l'attaquer, ce qui ne fera souvent que l'énerver. De même, comptez sur l'animosité qui peut exister entre deux races pour qu'elles préfèrent soudainement s'entre-tuer au lieu de s'intéresser à vous. Et si une armée d'araignées de la taille d'un 33 tours vous bloque le chemin, essayez donc de planter un poisson au bout d'une lance et de le balancer au loin, ça devrait vous dégager la route. La seule question étant de savoir pour combien de temps. Difficile en effet de savoir combien de temps il faudra aux bestioles pour trouver leur repas et le digérer avant de revenir dans leur tanière. A tout moment et d'une manière ou d'une autre, ce concept de chaîne alimentaire et de comportement animal devra rester à l'esprit du joueur. Une idée aussi originale que jouissive à exploiter. Sur cette base, simple en apparence, s'élabore un gameplay ouvert donnant liberté au joueur d'opter pour des approches frontales un peu risquées ou bien des tactiques plus réfléchies mais sous le conditionnement de facteurs assez aléatoires, les réactions des créatures n'étant pas parfaitement prévisibles. Toujours est-il que pad en main, quoi que l'on choisisse, la première chose qui nous sautera au visage c'est la fragilité des personnages face à cette nature peu hospitalière. Oui "des" personnages puisque Jack sera rarement seul dans l'aventure mais bien souvent secondé par ses compagnons d'infortune, tel Carl qui n'aura de cesse de filmer tout ce qui se passe, au mépris des risques encourus par lui comme par ceux qui l'accompagnent. Si les protéger n'est pas votre but premier, leur mort vous vaudra cependant un petit game over. Typiquement le genre de problèmes que l'on n'aura pas en jouant avec Kong.
La première fois que l'on découvre ces temps de jeu, on ne peut qu'être frappé par la fluidité de la transition entre la vue subjective de Jack et la troisième personne qui sert de focale à Kong. Il faut s'imaginer jouant le plus normalement du monde et voir soudain apparaître ce grand gorille venu s'interposer entre vous et une bande de bestioles affamées et là, sans qu'on ait vraiment compris comment ou pourquoi, on se retrouve avec le grand Kong dans les mains. C'est le deuxième effet King Kong.