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Page Dossier Vers un jeu vidéo moins instrumentalisable

Il est urgent et important que les artistes reconnus et les auteurs conventionnels, voire même les historiens et les savants, cessent de snobber le jeu vidéo, délaissé dans son coin aux techniciens et aux programmeurs. Plutôt que de critiquer de loin la pauvreté intellectuelle de la production, il s'agit pour eux de s'impliquer, pour y laisser leurs traces et pour faire évoluer le mouvement dans la bonne direction, par petites touches, comme ils l'ont fait, auparavant, pour résister à la dictature des gestionnaires et des manipulateurs, à travers tous les autres médias qui ont précédé, tels le cinéma, le livre, la presse écrite, la télévision, l'Internet, la peinture, la sculpture etc. De même, la presse ne peut plus se permettre de laisser le jeu vidéo dans son ghetto et se doit de tenter de mieux comprendre les codes, les référents, les enjeux, les nuances et les subtilités de ce médium, de la même manière qu'elle le fait pour tant d'autres supports ou moyens d'expression dans les innombrables pages « culture » des hebdos, quotidiens et mensuels.

Au Japon, la diversité et la densité des oeuvres vidéoludiques est tout autre, et nombre de vrais auteurs y ont voix au chapitre, ce qui est dû au fait de l'intégration parfaite de ce support dans la culture et dans les moeurs de l'archipel. On peut d'ailleurs établir une comparaison avec la prépondérance des animes et des mangas au pays du soleil levant, qui n'ont pas du tout la même place dans la vie courante que ne l'ont le dessin animé et la bande dessinée dans nos contrées occidentales. La production vidéoludique n'en est que plus dense, ouverte aux « jeux vidéo d'auteur », pas du tout boycottée ou dénigrée par l'ensemble des grands artistes du pays, qu'ils soient graphistes, musiciens, scénaristes ou réalisateurs. Ainsi, comme le mettent en lumière Axel de Velp et Hughes Barrault pour « Le Technicien du Film » (n° 540), un auteur comme Mamoru Oshii n'a pas hésité à laisser son roman « Blood, the Vampire Chronicles » être décliné en animes et en jeux vidéo, participant tous d'une appréhension différente et complémentaire d'un même univers. Ce genre de concept avait déjà été précédemment exploré par Neon Genesis Evangelion et a par la suite été repris à leur sauce par les frères Wachowski pour Matrix (plus d'infos)). Cette tendance multi-support est de plus en plus souvent et de plus en plus intelligemment exploitée dans cette région, comme le démontre la saga « polyvalente » la plus aboutie à ce jour, « .Hack » (à prononcer DOT hack) de Bandai. Les thèmes récurrents de l'art et de la culture Japonais sont ainsi bien présents dans les productions vidéoludiques nationales et y sont développés parfois de manière assez complexe, surtout dans les RPG. D'ailleurs, il est intéressant de voir que le nouveau simulateur de vol annoncé par Taito pour le troisièmre trimestre, basé sur la guerre 40-45, ne vante aucunement l'armée Japonaise mais, au contraire, fait preuve d'un recul et d'une pudeur sur le sujet, propres au sentiment de culpabilité cultivé dans le Pacifique depuis la deuxième guerre mondiale, et en contraste saisissant avec le patriotisme exacerbé perçu aux Etats-Unis.

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Source d'espoir, les générations de joueurs devenus adultes s'insèrent dans les différentes strates professionnelles qui composent la Société. Cette nouvelle génération pénètre l'industrie à différents postes mais engendrera aussi sa part d'artistes et d'auteurs de demain, qui verront sans doute le jeu vidéo avec moins de préjugés négatifs que les auteurs actuels. Nul doute que ces auteurs multi-supports du futur passeront du roman au scénario de cinema avec autant d'agilité qu'ils écriront de temps à autre pour la télévision ou le jeu vidéo. Sans doute aussi que cette nouvelle génération sera influencée par l'exemple des Wachowski ou même directement par le maître Mamoru Oshii (bon nombre de ceux qui ont grandi dans les années 80 et 90 n'ont pas seulement été élevés au jeu vidéo mais aussi au manga et à l'anime, bref, à la culture japonaise) en pensant leurs productions tels des univers complets, avec différents éléments éclectiques et complémentaires. Toujours dans le Technicien du Cinéma n°540, Axel deVelp et Hugues Barrault écrivent «Si Enter the Matrix n'est donc pas une nouvelle expérience dans le monde vidéoludique, et s'il ne réguliarisera pas ce mode de création multi-support, son succès risque de modifier la façon de penser les jeux à licences. Car si l'intérêt en termes de création artistique reste à prouver[NDLR: et reste intrinsèquement lié aux qualités de l'Auteur lui-même], son intérêt commercial est évident et il est probable que les éditeurs de jeux vidéo intègreront à l'avenir des éléments inédits grâce à un partenariat pointu avec la production du film.». A l'ère du multimédia, les différentes industries de contenu explorent de nouveaux horizons, comme le prouve la récente émergence des hybrides « DVD Musicaux », destinée à relancer l'industrie du disque, en perte de vitesse face à la prolifération du piratage. L'effet de synergie permettra sans doute de mieux décoder le jeu vidéo pour mieux le différencier des autres formes d'art tout en l'intégrant à notre culture générale ou à l'inconscient collectif. En outre, les générations montantes engendreront aussi parents, psychologues, professeurs ou sociologues et il est certain que cela participera à une meilleure compréhension et un meilleur encadrement du phénomène « jeu vidéo ». Cette révolution est déjà en marche puisque les 20 – 30 ans d'aujourd'hui ont grandi avec les 8-bits et 16-bits, consoles ou micros.

L'arrivée de la nouvelle génération, l'ouverture d'esprit des journalistes et des auteurs/artistes face à la nouveauté et la poursuite des exemples issus de la culture japonaise seront certes des pré-requis nécessaires à cette révolution, mais, même si tous ces éléments devaient être réunis, celle-ci ne se fera pas sans heurts. En plus des obstacles techniques et des barrières à l'entrée d'ordre financier, dont le jeu vidéo n'a pas la panacée (les obstacles et barrières à franchir étant du même ordre pour un auteur qui se dirigerait vers le cinéma ou la télévision par exemple), qui délèguent un pouvoir discrétionnaire important aux Majors de l'édition (si les industriels ne croient pas à un projet, il est vraisemblable qu'il ne voit jamais le jour), il existe un problème additionnel, tout à fait spécifique au domaine des consoles de jeux : il se trouve que ces dernières sont des applications brevetées, et dès lors, contrôlées par leurs constructeurs. Du coup, Sony, Microsoft et Nintendo sont les seuls à pouvoir accorder une licence de production/diffusion à un éditeur sur la Playstation 2, la Xbox, la GameCube et la Gameboy Advance respectivement. Ceci signifie qu'un jeu déjà réalisé et déjà financé par un éditeur pourrait encore se voir refuser sa licence de commercialisation sur une machine par son fabricant original. Cela signifie qu'à terme, les groupes de pression ou les hommes politiques pourraient lancer leurs croisades contre les sociétés susmentionnées, espérant les lasser et les faire infléchir sur les critères d'admission de jeux sur leur plate-forme. Cela peut paraître utopique, mais il est important de se rappeler que ce schéma de fonctionnement de notre marché a de vraies conséquences, puisque tant Sony que Nintendo ou Microsoft n'ont jamais autorisé de nu, le trio ayant fait savoir que cette politique ne devrait pas changer à court ou moyen terme. Jadis, jusqu'à la fin de cycle de la Super NES, Nintendo refusait systématiquement les jeux dans lesquels il y avait de l'hémoglobine, en plein à l'heure où celle-ci avait fait son apparition dans des productions comme Mortal Kombat ou Doom. Détenteurs d'un droit de regard et d'un droit de veto, les constructeurs n'hésitent pas à contrôler le contenu, lors d'excès de zèle passagers ou ponctuels. C'est encore plus évident, lorsque la production sur consoles est comparée avec le contenu des titres PC CD-Rom, format considéré comme privilégié par les consommateur adultes, mais surtout, plate-forme complètement libre car standardisée. Sur les micro-ordinateurs, le sexe ne fait pas l'objet de tabou ou de censure, et il existe même de nombreux wargames, et même certains jeux d'action, comme par exemple Battlefield : Vietnam, vous laissant le choix du camp militaire que vous désirez incarner. Si ces barrières additionnelles rendront la tâche plus ardue encore sur les consoles qu'elle ne l'est sur PC, elles ne rendent la dynamique d'inflexion de la tendance que plus urgente à mettre en route.

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Sommaire Dossier
  • Censure, puritanisme & jeux vidéo
  • Censure internationale
  • Les dérives propagandistes
  • Des nombreux exemples
  • Vers un jeu vidéo moins instrumentalisable
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