L'attente fut terriblement longue pour les fans de Zelda qui durent patienter tant bien que mal jusqu'au 11 décembre 1998 pour renouer enfin avec la Légende de Zelda et découvrir avec anxiété comment Nintendo allait réussir à transposer l'univers de la série dans un jeu Nintendo 64. Autant dire que le choc fut énorme tant le changement était radical, mais je ne connais à ce jour personne qui fut déçu par ce fameux Zelda : Ocarina of Time. Bien au contraire, ce titre est toujours considéré à l'heure actuelle comme l'un des plus mémorables de la saga, sans doute celui qui aura marqué le plus le coeur des joueurs. Ce n'est pas pour rien que Nintendo lui a octroyé une version spéciale dans Master Quest, découvert récemment dans l'édition collector de The Wind Waker.

Première cartouche de 256 Mb sur Nintendo 64, Ocarina of Time étonnait par sa réalisation soignée, sans doute l'une des plus belles sur ce support, et ses nombreuses cut-scenes qui permettaient de suivre efficacement le déroulement de l'histoire. Après un bref rappel du mythe de la Triforce, on s'étonne de la présence de Link, un hylien, parmi les enfants de la forêt Kokiri, alors qu'il n'a encore que sept ans et est considéré comme différent car il ne possède pas encore de fée. Après une épreuve initiatique, le vénérable arbre Mojo, gardien spirituel de la forêt, lui assigne la fée Navi et s'éteint, suppliant Link de quitter le village pour rencontrer la princesse Zelda dans le château d'Hyrule. Au terme de sa première véritable quête qui le conduit sur les traces des trois pierres ancestrales, Link retire le sceau des portes du Temple du Temps et extrait de son socle l'épée légendaire, sésame lui permettant de se retrouver sept ans plus tard dans la peau d'un adolescent, mais dans une contrée plus vieille de sept ans, période pendant laquelle il n'a pas vécu.

Cette possibilité de se déplacer dans deux époques différentes n'apporte pas seulement des changements au niveau des capacités de Link, elle permet aussi de voir comment les différents personnages ont grandi et s'ils se souviennent encore de vous. La contrée d'Hyrule ne renferme pas seulement des créatures hostiles, mais aussi bon nombre de peuples prêts à vous aider, comme les Zora, les Goron ou les Sheika, dont Impa, la nourrice de Zelda, et Sheik, personnage mystérieux et emblématique d'Ocarina of Time, sont deux représentants. La véritable quête commence alors, puisque Ganondorf a profité de l'ouverture du Temple du Temps pour enlever la princesse Zelda alors qu'elle était encore une enfant, celle-ci ayant tout juste le temps de vous confier le précieux Ocarina du Temps aux pouvoirs mystérieux. Tandis que Ganondorf est à la recherche des deux parties de la Triforce qui lui manquent, le Triangle d'Or ayant volé en éclat lorsqu'il s'en est approché, Link doit trouver les sages des six temples pour unifier leurs pouvoirs et stopper Ganondorf. Les destins du détenteur de la Triforce du Courage et du détenteur de la Triforce de la Sagesse seront intimement liés pour un final riche en révélations et en émotions et un combat décisif dantesque.

Outre la possibilité d'incarner deux héros, ou plutôt un seul à deux âges différents, Ocarina of Time pousse la gestion du temps encore plus loin en faisant se succéder les jours et les nuits. On peut donc voir le soleil se lever et se coucher à l'horizon, et visiter un même lieu de jour comme de nuit. Bien sûr, les activités des gens diffèrent selon les heures de la journée. Vous ne pourrez donc pas entrer dans le château le soir venu car les gardes auront levé le pont-levis, ni interroger les gens la nuit car seuls les habitants des grottes et le fossoyeur seront debout. L'autre grande nouveauté, c'est la possibilité de monter à cheval. Là encore, il va falloir le mériter avant de parcourir les grands espaces de cette façon. On peut se demander pourquoi l'idée n'avait pas été exploitée plus tôt, mais il fallait pouvoir rendre une chevauchée parfaitement fluide et des sauts réalistes. Le canasson est même doté d'un caractère propre et il n'hésitera pas à se cabrer si vous le brusquez trop. Différents jeux équestres sont même proposés, comme la course, le saut de haies ou l'archerie montée.

Autre innovation, et pas des moindres : l'Ocarina du Temps. Présent dans tous les Zelda, même dans le premier sous la forme d'une flûte, cet instrument de musique prend toute sa dimension ici. Au fur et à mesure que l'on avance dans le jeu, on apprend différents airs qu'il faut ensuite jouer pour se téléporter ou résoudre telle ou telle énigme. C'est au joueur de reproduire une partition affichée à l'écran en jouant chaque note à l'aide des boutons du paddle. Enfin, Ocarina of Time possède un système de combat totalement révolutionnaire et maintes fois copié par la suite. En appuyant sur le bouton Z, il est possible de cibler son adversaire afin de pouvoir lui tourner autour sans jamais lui tourner le dos. Ce système est également très pratique pour atteindre un adversaire à coup sûr avec une arme de jet (flèches, lance-pierre, boomerang). De plus, on peut utiliser le bouclier de façon tout à fait réaliste en l'inclinant dans toutes les directions, bondir en avant pour asséner un coup d'épée sur l'ennemi ou alors sauter sur le côté pour esquiver ou effectuer un salto arrière. Par ailleurs, l'interface est carrément bien pensée puisqu'on peut assigner les objets ou les armes de son choix à n'importe lequel des trois boutons C du pad N64, ce qui rend le jeu très intuitif. La progression fait d'ailleurs souvent appel aux fonctions plus subtiles d'un objet, comme le bâton que l'on peut embraser à proximité d'une torche pour brûler une toile d'araignée.

Ocarina of Time est ainsi fait qu'on ne peut jamais se retrouver bloqué. On peut résoudre la majorité des énigmes simplement en allant faire un tour dans l'inventaire des objets ou en questionnant la fée. A l'intérieur des palais, chaque salle est un véritable casse-tête mais on ne retrouve pourtant jamais deux fois le même au cours de l'aventure. Chaque objet a toujours plusieurs utilités : le bâton peut servir de torche, le marteau et le grappin se révèlent être des armes redoutables. De plus, le rôle de la fée est véritablement important. Elle intervient à travers les dialogues et vous remet sur la voie, mais surtout c'est elle qui vous indique le point faible des ennemis. Car chacun d'eux nécessite une technique de combat particulière, et le moindre objet peut se révéler utile.

A côté de la quête principale, il existe de nombreuses quêtes annexes qui vous enverront à la chasse aux fragments de coeur ou aux Skulltulas d'Or, les araignées de la malédiction. Vous serez ainsi amené à pêcher sur le bord d'un lac, à vendre des masques, à faire la course avec un fantôme, et même à ramener des poules dans un enclos ! Sans ces détails qui font d'Hyrule un monde vivant et pittoresque, Ocarina of Time serait déjà un excellent jeu ; avec, c'est un jeu inoubliable que l'on ne peut s'empêcher de recommencer à chaque fois qu'on le finit, même si ça doit prendre toute une vie. Bien des jeux le prirent en exemple, mais peu furent autant acclamés que cet Ocarina of Time.