Difficile de passer après le cultissime Ocarina of Time, et pourtant, le curieux Majora's Mask en aura marqué plus d'un avec son ambiance sombre et sa gestion du temps ultra poussée. Sorti en novembre 2000 sur N64, Majora's Mask ne pouvait prétendre créer la surprise, ne serait-ce que par le simple fait que le moteur (auquel s'ajoutent tout de même les bienfaits de l'Expansion Pack) et le système de jeu étaient calqués sur ceux d'Ocarina of Time. Malgré tout, ce second volet Nintendo 64 répond bien à toutes les attentes de n'importe quel fan du précédent opus... enfin presque.

La seule chose qui peut décevoir véritablement dans Majora's Mask c'est le fait que Link ne peut plus passer à l'âge adulte, seul le stade des 7 ans d'Ocarina of Time ayant été conservé. Un fois cette information digérée, on peut profiter pleinement de toute la richesse de ce titre très particulier, radicalement différent des autres par son atmosphère étrange et quasiment glauque. La trame scénaristique se situe déjà bien loin des contrées d'Hyrule. Fatigué des combats qu'il a menés, Link chevauche son fidèle destrier Epona qui le mène en une étrange forêt où il se laisse aller dans les bras de Morphée. Mais un personnage mal intention aux allures d'épouvantail et portant un masque terrifiant profite de son sommeil pour lui subtiliser son ocarina et prend la fuite sur son cheval. Link se retrouve seul, démuni et perdu dans une mystérieuse forêt où il erre sans véritable but jusqu'à retrouver son détrousseur, Skull Kid, qui transforme carrément le jeune hylien en une créature Mojo. Mais Link ne se laisse pas aller au désespoir et profite des atouts de sa nouvelle apparence pour se frayer un passage jusqu'à un moulin où il tombe nez à nez avec un personne encore plus étrange : l'homme aux masques. Ce voyageur itinérant le supplie de retrouver pour lui le masque de Majora que lui a dérobé Skull Kid, et lui promet de lui rendre son apparence initiale. Link pénètre alors à l'extérieur du moulin, dans un village qu'il ne connaît pas mais qui va être le point de départ d'une quête difficile et pleine de surprises.

Avant d'en venir aux nombreuses particularités de cet épisode, je voudrais insister sur l'étrangeté que dégage Majora's Mask, et qui lui confère une vraie personnalité. Le monde de Termina dans lequel se déroule l'aventure n'est pas seulement une contrée hostile, c'est aussi la terre d'asile de peuples aussi nombreux et étranges que dans Ocarina of Time, mais surtout de personnages bizarres, parfois mal intentionnés et le plus souvent effrayant. Presque tout dans Majora's Mask semble avoir été créé dans le but de mettre mal à l'aise le joueur, et pour peu que l'on accepte de s'immerger dans cette atmosphère, cet univers devient rapidement fascinant. Tout commence dès les premières minutes avec le personnage de Skull Kid, un voleur sans scrupules qui se révélera torturé par le poids de sa solitude, puis avec l'homme aux masques, qui en sait beaucoup plus long qu'il ne veut en dire et qui n'hésitera pas à vous jeter un regard noir glacial si vous ne lui rapportez pas ce qu'il demande. Lors de la transformation en créature Mojo, Link semble vivre un véritable cauchemar, poursuivi par des centaines de Mojo géants qui ne peuvent que lui réserver un sort pire que la mort. A l'instar de cette scène qui affiche un effet de flou et de distorsion très efficace, le jeu est bourré de moments où l'image frise l'incohérence, comme lorsque Link pose ses masques contre son visage et hurle à la mort comme si leur contact le faisait souffrir le martyr. La scène sur la lune avec les enfants autour du grand arbre repose entièrement sur la tension que génère le contraste entre l'atmosphère paisible qui règne là et les épreuves terrifiantes que vous demandent de relever ces enfants. Et que dire alors du boss final, incarnation cauchemardesque dont les hurlements et la manière de bouger vont au-delà de tout ce qu'on aurait pu s'attendre à trouver dans un Zelda ? Même si le jeu comporte des quêtes annexes parfois très naïves, c'est bel et bien l'atmosphère étouffante de cet univers atypique qui reste dans les esprits une fois le jeu terminé.

Mais revenons aux nouveautés de cet opus. Si l'on retrouve l'excellent système de jeu d'Ocarina of Time, avec ses affrontements passionnants, ses airs que l'on joue à l'ocarina, ses longues chevauchées et ses scènes d'action ponctuées d'innombrables quêtes annexes, les nouveautés les plus marquantes sont les masques et la gestion du temps. Cette fois, les masques que l'on peut obtenir sont beaucoup plus nombreux et surtout il en existe quatre qui changent l'apparence de Link. A chaque fois, il faut quasiment réapprendre à jouer en tirant parties des capacités de chaque masque, comme si l'on disposait au final de quatre personnages différents. Disponible dès le début, le Mojo ne paye peut-être pas de mine avec ses pirouettes de patineur et son regard de chien battu, mais il se débrouille comme personne pour planer ou envoyer des bulles à la face de ses ennemis. Le Goron dispose d'une force étonnante et peut se mettre en boule pour rouler à une vitesse faramineuse et tout écraser sur son passage. Le Zora confère à Link la capacité d'évoluer et de se battre sous l'eau, et peut se défendre avec des sortes de boomerangs. Enfin, le masque ultime est la récompense de ceux qui sauront trouver les armes pour récupérer tous les autres masques. Il transforme Link en une créature démoniaque, Oni Link, mais qui ressemble étrangement à l'apparence adulte de Link et lui confère une puissante redoutable. Les autres masques possèdent bien évidemment des propriétés utiles, comme le masque de la momie qui empêche Link de se faire pétrifier par les goules lorsqu'il croise leur regard, ou le masque de la nuit blanche qui évite de s'endormir en écoutant les histoires de la grand-mère au coin du feu...

Concernant le temps, on constate vite qu'il ne s'agit aucunement d'un gadget dans Majora's Mask. Pendant tout le jeu, pèse la menace d'une comète au faciès monstrueux qui doit s'abattre de manière inéluctable sur Termina. L'impact aura lieu dans trois jours et Link doit faire en sorte de trouver comment empêcher le drame avant qu'il ne soit trop tard. Ce laps de temps étant beaucoup trop court pour faire toute l'aventure, Link doit accomplir un maximum de choses avant la fin du troisième jour où il doit impérativement jouer le chant du temps sur son ocarina pour être transporté au matin du premier jour. C'est donc un cycle sans fin qui s'enchaîne, et qui impose de ne pas trop lambiner et de ne pas se lancer dans un donjon alors qu'il ne reste plus que quelques heures. Mais le système se complexifie considérablement lorsqu'on sait que le monde de Termina vit au rythme de ces trois jours. C'est-à-dire que les activités des gens varient selon le jour et l'heure, obligeant Link à noter sur un carnet l'emploi du temps de tous les personnages clés pour savoir à quel moment les aborder pour résoudre leurs problèmes. Les quêtes annexes constituent d'ailleurs une grande part de l'aventure, et les fans se feront un devoir de traquer toutes les fées des donjons et de prendre tous les personnages insolites en photo. Les amazones Gerudo sont toujours de la partie pour des scènes d'infiltration mémorables, et les boss requièrent encore plus de stratégie que d'habitude. Finalement on ressort de Majora's Mask plus troublé que dans n'importe quel autre épisode de la série, avec l'impression bizarre d'avoir partagé les angoisses de Link dans ce qui aurait pu n'être au bout du compte qu'un cauchemar terriblement réel.