Parce qu'il est sans doute l'un des moins connus, mais aussi l'un des plus difficiles et l'un des plus éloignés des autres opus, Zelda II : The Adventure of Link est un peu le mal aimé des fans de la Légende de Zelda. Ce jeu étant pour moi l'épisode ultime de la saga, je vais tâcher de vous montrer en quoi ce titre constitue à mon sens l'un des volets les plus intéressants de la Légende de Zelda. Et dans la mesure où Nintendo vient d'ailleurs tout juste de le ressortir sur GameCube dans le DVD Zelda : Collector's Edition, offert dans le pack Mario Kart : Double Dash et disponible sur le catalogue VIP du site de Nintendo, je ne saurais que trop vous conseiller, non pas d'y jeter un oeil, mais de vous y investir complètement pour appréhender vous-même tout le potentiel ludique de ce titre mythique.
Sorti en janvier 1989 sur NES (Nintendo Entertainment System), la console 8 bits de Nintendo, Zelda II : The Adventure of Link avait pour lourde tâche de ne pas décevoir les joueurs qui, deux ans plus tôt, avaient découvert avec tout l'émerveillement que l'on peut lire dans les yeux des nostalgiques aujourd'hui, un jeu au concept ultra simple et en même temps d'une efficacité telle que le poids des ans n'est même pas parvenu à lui faire perdre sa saveur encore aujourd'hui. La gageure était donc difficile pour le second volet de la série qui devait prolonger la Légende de Zelda en renouvelant les bases mises en place dans le premier opus. Pour Shigeru Miyamoto, il n'était clairement pas question de se reposer sur le concept génial de Zelda 1, en s'échinant simplement à imaginer de nouvelles cartes et de nouveaux donjons labyrinthiques. Le créateur a pris le risque de bouleverser de façon radicale le système de jeu, pour un résultat qui n'aura pas manqué de déstabiliser ceux qui s'attendaient à une simple évolution de Zelda 1, mais qui n'en renferme pas moins une richesse de jeu hors du commun.
Nous retrouvons donc le jeune elfe Link âgé de 16 ans dans une nouvelle série d'aventures en Hyrule, dans une quête qui aura encore pour aboutissement le salut de la princesse Zelda et la défaite de Ganon. Mais cette fois, pas d'affrontement direct avec l'infâme Ganon, car l'histoire dit que Ganon pourra être ranimé si Link est sacrifié et son sang répandu sur ses cendres. Le combat final réserve bien des surprises et la belle Zelda est visible dès le départ, en sûreté dans un temple qui constitue le point de départ de chaque nouvelle partie et où elle repose inanimée, victime des maléfices de Ganon. Pour la sauver, le valeureux Link devra explorer l'immensité d'Hyrule à la recherche de six palais au fin fond desquels il lui faudra déposer les six cristaux qui sont en sa possession. Bien sûr, lesdits palais sont vastes, bourrés de pièges et peuplés d'ennemis, et les statues destinées à recevoir les cristaux sont protégées par de redoutables gardiens. La quête est déjà immense pour l'époque, et la cartouche du jeu est l'une des premières à comporter une sauvegarde intégrée qui permet de ne pas avoir à tout recommencer à chaque fois. Ainsi, en cas de Game Over, le joueur a la possibilité d'enregistrer sa progression pour conserver les objets acquis lors de sa prochaine partie. Toutefois, le point de départ est toujours le même après un Game Over et l'expérience acquise n'est pas conservée.
Oui, vous avez bien lu, Zelda II est le seul opus de la série à prendre en compte des points d'expérience, comme dans un RPG. Chaque ennemi vaincu permet en effet d'acquérir un certain nombre de points, que l'on peut également engranger en dénichant des sacs de 50, 100 ou 200 points, et qui permettent de faire évoluer les trois aptitudes de Link : l'attaque, la magie et la vie. Lorsque l'une de ces caractéristiques passe au niveau supérieur, ce niveau est sauvegardé mais l'expérience intermédiaire revient à zéro à chaque Game Over. Zelda II comporte donc un système de points d'expérience, mais dans une certaine limite puisqu'il n'est pas possible de dépasser le niveau 8 pour chacune de ces caractéristiques. L'aspect RPG ne se limite toutefois pas à cela puisque les conversations avec les autochtones dans les villages permettent d'obtenir divers renseignement importants, certains habitants étant enclins à vous régénérer tandis que d'autres vous apprennent des attaques spéciales ou de nouvelles magies. On peut ainsi mémoriser jusqu'à huit magies qu'il s'agit d'utiliser avec parcimonie car la jauge de magie s'épuise très vite. Parmi celles-ci, on en retiendra quelques-unes de particulièrement intéressantes ou originales, comme la transformation en fée ou le bouclier reflet. La jauge de magie et la jauge de vie peuvent également évoluer en trouvant des réceptacles de magie ou de vie, peu nombreux et souvent très bien cachés. L'exploration est véritablement le maître mot de cette aventure où il faut parfois se creuser la tête pour savoir comment faire apparaître un village et où trouver tel ou tel personnage. On peut ainsi récupérer une dizaine d'objets spéciaux pour pousser toujours plus loin l'exploration d'Hyrule : un radeau pour traverser la mer, des bottes pour marcher sur l'eau, une clé pour ouvrir toutes les portes, ou même une croix pour voir les ennemis invisibles.
Etrangement, si Zelda II est le seul jeu de la série où l'on gagne des points d'expérience, c'est aussi le seul où l'on perd des vies. Link dispose en effet de trois vies à chaque partie, ce qui nous laisse trois chances de continuer l'aventure dans l'écran où l'on est mort avant de se retrouver face à l'écran de Game Over où l'on ne peut sauvegarder que les principaux objets acquis et les niveaux d'expérience obtenus. Certes, il est possible de trouver des 1Up en passant au peigne fin les contrées d'Hyrule, mais dans la mesure où leur nombre est plutôt réduit et parce que ces vies supplémentaires disparaissent à jamais une fois qu'on s'en est emparé, on préférera les garder pour la phase finale du jeu : la traversée de l'enfer d'Hyrule. Ceux qui y sont allés ne peuvent que s'en souvenir. La dernière étape du jeu est d'une difficulté apocalyptique. Il faut traverser les zones les plus dangereuses du jeu, affronter les pires ennemis, pour finalement atteindre le septième et dernier palais. C'est d'ailleurs le seul moment où l'on peut reprendre la partie après un Game Over ailleurs qu'au temple où repose Zelda, et on dispose alors à nouveau de trois vies pour surmonter les pièges du dernier palais et défier le boss final : Thunderbird. Mais le pire est à venir, puisqu'après toutes ces péripéties, Link doit affronter son ombre, un adversaire totalement imprévisible qui se bat de la même façon que Link, et qui constitue sans doute le boss le plus difficile à battre de toute la série.
Il y a tellement de choses à dire sur Zelda II que je n'ai même pas encore eu le temps d'aborder le plus important : les particularités de gameplay de cet épisode. Comme nous l'évoquions plus haut, Shigeru Miyamoto a complètement revu le système de jeu pour ce deuxième volet. La progression se distingue ainsi en deux phases : les phases en vue de dessus lors des déplacements sur la carte du monde d'Hyrule, et les phases en scrolling horizontal lors de l'exploration des villages et des palais. Les déplacements sur la carte font intervenir des rencontres aléatoires qui se traduisent par l'apparition de monstres qui tentent de vous barrer la route, ce qui donne alors lieu à des affrontements en scrolling horizontal contre des ennemis divers. La nature des rencontres aléatoires dépend du type de terrain traversé : bois, marais, déserts, ponts, plaines, cimetières, etc. Sur la carte, on peut donc soit chercher à limiter la casse en allant soi-même vers un monstre faible pour éviter de se faire prendre par un monstre fort, soit essayer de regagner la route pour éviter tout affrontement, soit foncer sur une fée qui redonne de la vie si jamais elle a le bon goût d'apparaître. A noter que certains objets agissent directement sur la map, comme le marteau qui détruit les arbres ou les rochers. Dans les palais, la progression se fait selon un scrolling horizontal dans de vastes donjons labyrinthiques où il vous faut trouver des clés pour ouvrir des portes, récupérer des objets spéciaux, déjouer les attaques des monstres et terrasser un redoutable boss. Non seulement la progression dans les palais est passionnante, mais c'est surtout la terrible efficacité du gameplay qui fait tout le plaisir de jeu. Assez limité dans ses actions au début, Link devient un véritable régal à jouer une fois qu'il dispose de tous ses mouvements. En plus du super saut, de l'épée qui lance des boules de feu et du bouclier reflet, Link peut apprendre à donner des coups vers le haut et vers le bas pour trancher tout ce qui arrive à portée de son épée. Il faut vraiment avoir la manette entre les mains pour se rendre compte à quel point le système est ingénieux et immersif. Cela permet notamment d'aborder n'importe quelle situation de façons différentes. Vous êtes face à un monstre trop difficile à affronter de face, à vous de voir si vous voulez renforcer la défense de Link en enfilant la tunique rouge, utiliser le sort Jump pour contourner l'ennemi en passant par des plates-formes ou carrément vous transformer en fée pour survoler l'écran, ou bien tenter une esquive en faisant un saut vers le bas pour rebondir sur son casque ou un saut vers le haut pour le frapper par en-dessous si jamais il saute. C'est difficile à décrire mais je peux vous dire que c'est bien ce gameplay génial qui fait la force de Zelda II, un jeu où le moindre duel contre un chevalier relève d'une joute épique où l'on bataille dur pour parer les attaques de l'ennemi avec son bouclier tout en baissant sa garde pour contre-attaquer dès que l'on pressent un ouverture. Indescriptible !
Terminons cet aperçu de Zelda II en signalant que la boîte du jeu sur NES comportait un index anglais/français et un fascicule comprenant la traduction de tous les textes en français. Si le jeu demeurait en anglais, il était donc permis à tout le monde de comprendre les dialogues. Même si ceux-ci n'étaient pas très nombreux dans le jeu, ils étaient souvent d'une importance capitale pour trouver tous les secrets, souvent bien cachés, du jeu. Il était notamment possible d'effectuer diverses interactions à des endroits inattendus, d'entrer dans un bâtiment par des moyens détournés et de résoudre des énigmes impossibles à deviner autrement qu'en interrogeant les personnages du jeu. Mais si certains sont prêts à vous inviter chez eux, d'autres n'apprécient pas de se faire interroger et quelques-uns peuvent même se transformer en chauve-souris si vous les approchez. Zelda II comportait ainsi de nombreuses subtilités qu'on ne pouvait découvrir qu'en fouillant le jeu dans tous les sens, et même des bugs qui ne se limitaient pas seulement aux fameux ralentissements qui survenaient lorsque vous affrontiez trop d'ennemis à l'écran. Par exemple, à vouloir trop explorer la ville de Darunia, on pouvait se retrouver projeté dans un village parallèle et finir coincé dans une case au beau milieu de la mer, ce qui ne laissait pas d'autre alternative que le bouton Reset sans sauvegarde possible. A l'instar de son prédécesseur, on retrouve même l'erreur de traduction du nom de Shigeru Miyamoto dans les crédits, où Miyamoto devient Miyahon, "hon" et "moto" étant deux lectures possibles du même kanji. Quoi qu'il en soit, si vous aimez Zelda et que vous ne connaissez pas encore cet opus, ne passez surtout pas à côté et profitez de la sortie du DVD bonus Zelda : Collector's Edition pour le découvrir sur GameCube. La version qui y est proposée est la même que la version NES et elle n'a pas pris une ride.