Annoncé sur fond de Bach dans une vidéo riche en hémoglobine, The Evil Within a su ranimer la flamme dans le regard de nombreux amateurs du survival-horror. Ces derniers n'attendent qu'une chose, poser leurs mains sur un titre qui a l'ambition de redonner ses lettres de noblesse à un genre que se sont approprié depuis plusieurs années les studios indépendants. Le nom de l'homme derrière le projet n'est certainement pas étranger à cet engouement, puisqu'il s'agit de Shinji Mikami lui-même, le créateur de la série Resident Evil.
Nous sommes en 2014, époque où les survival-horror à la troisième personne puisent autant dans les racines du genre que dans les TPS popularisés au milieu des années 2000. Si certains s'en accommodent sans peine, de nombreux joueurs pleurent encore devant la direction prise par les derniers opus de Resident Evil et Dead Space ou regrettent que la série Silent Hill n'ait que trop rarement su dépasser le coup de poing procuré par le scénario de son deuxième épisode. C'est dans ce contexte morose que débarque The Evil Within, un titre qui semble tout droit sorti d'une autre époque sur bon nombre de points allant de son gameplay un tantinet rigide aux décors visités qui évoquent certaines productions nées dans les années 1990.
Le mal intérieur (et extérieur)
C'est donc dans la peau de Sebastian Castellanos que vous faites vos premiers pas dans le jeu. Chargé d'enquêter sur une zone où tous les occupants semblent avoir été massacrés, celui-ci va rapidement être assommé avant de se réveiller dans une pièce inquiétante qui vous place directement dans l'ambiance : désarmé, blessé, vous allez devoir observer attentivement l'environnement et trouver un moyen de vous sortir de cette situation sans vous faire repérer. Une erreur, et c'est la mort assurée pour votre détective, qui ne pèse à ce stade de l'aventure pas bien lourd face à ses ennemis. Les premières heures de l'histoire pourront sembler bien obscures pour les joueurs, qui vont découvrir un Sebastian tourmenté, en proie à de violentes migraines et qui se retrouvera parfois sans raison à passer d'un couloir obscur à une forêt inquiétante. Si ce point peut paraître rebutant, il permet toutefois de placer le joueur dans un sentiment permanent d'inconfort, ce qui est plutôt une bonne chose pour un survival-horror. La seule véritable zone apaisante n'est autre que l'asile, un ensemble de pièces relativement calmes uniquement accessibles via des miroirs dissimulés dans les niveaux (suivez le son du « Clair de lune » de Debussy, et vous les trouverez). En dehors des passages entre les chapitres, il s'agit d'ailleurs du seul endroit où vous pourrez sauvegarder manuellement votre partie, une sauvegarde automatique se chargeant également de vous éviter d'avoir à refaire un chapitre entier en cas de mort. L'un des rares points sur lequel le titre s'avère un peu plus souple, et on ne s'en plaindra pas.
L'histoire prend peu à peu son envol et s'avère déjà bien plus intéressante dans la seconde partie de l'aventure, lorsque les premiers éléments de réponse apparaissent au sujet de l'étrange Ruvik. Malgré cette montée en puissance qui maintient le joueur en haleine, elle va toutefois connaître un léger coup de mou sur la fin et ne restera finalement qu'intéressante et convenue, alors que l'on pouvait l'espérer un poil plus surprenante. Dommage, mais le titre ne manque pourtant pas d'intérêt, et l'on retiendra surtout que les développeurs ont tiré profit du scénario mystérieux pour nous proposer une aventure d'une durée tout à fait correcte (comptez entre 15 et 20 heures) et nous faire explorer une très grande variété d'environnements présentant chacun leurs codes. Certaines zones semi-ouvertes poussant à la discrétion évoqueront le récent The Last of Us, les couloirs étriqués d'un asile abandonné réveilleront les vieux souvenirs de Silent Hill, sans oublier une séquence dans un village qui nous rappelle en partie celui de Resident Evil 4. Il y en a pour tous les goûts, et on ne peut que saluer la variété des situations proposées qui évite de sombrer dans la monotonie... Malgré la faiblesse technique de certains environnements, qui vient noircir le tableau d'une réalisation artistique pourtant intéressante et qui plaira assurément aux défenseurs du cinéma d'horreur nippon.
Une réalisation plaisante, plombée par une technique insuffisante
Vous pourrez difficilement passer à côté des deux immenses bandes noires situées en haut et bas de l'écran, un choix audacieux qui confère au titre un petit aspect cinématographique fort agréable. On ne peut toutefois s'empêcher de penser aux joueurs qui ne disposent d'un écran de taille moindre et qui pesteront de voir ainsi leur confort de jeu réduit par un choix purement artistique, qui ne fera pas l'unanimité. Il n'est pas encore possible de les enlever, mais rassurez-vous, un patch devrait bientôt vous offrir ce choix. Couplées à la vue rapprochée du personnage façon caméra sur l'épaule, ces deux bandes noires contribuent à mettre le joueur mal à l'aise puisqu'elle lui offre un point de vue plus restreint sur son environnement. Certains trouveront le procédé artificiel, d'autres s'en accommoderont vite et je fais partie de cette seconde catégorie puisqu'en dehors de quelques couloirs où la vue rapprochée peut rendre une séquence brouillonne, je n'ai guère eu à pester contre la caméra lors de mon aventure. C'est une question d'habitude, sans nul doute.
Il y a en revanche de quoi s'énerver contre d'autres défauts du jeu, à commencer par un framerate en dents de scie qui n'est certes jamais véritablement gênant, mais difficilement acceptable. Un défaut d'autant plus surprenant que le titre ne brille que trop rarement du point de vue technique, malgré des éclairages et une modélisation des personnages réussie pour un titre dédié aux plates-formes d'ancienne génération. Le mal vient surtout des environnements extérieurs qui manquent de finesse, dévoilent régulièrement au détour d'un sentier de bonnes grosses textures baveuses, sans oublier celles qui mettent une bonne seconde à apparaître lors d'une cut-scene faisant directement suite à un temps de chargement. Quelques bugs sont aussi à déplorer malgré l'installation du patch initial, puisque mon cher inspecteur s'est retrouvé deux fois à un mètre de ses cheveux (sic) et qu'un hanté a eu la bonne idée de se mettre à nager dans le vide suite à une mauvaise chute d'échelle. Amusant, certes, mais le titre manque tout de même un peu de finition et l'on espère que tous ces petits défauts seront corrigés via un nouveau patch. En revanche, on appréciera la possibilité de modifier à sa convenance l'effet de flou activé par défaut qui donne un aspect vieux film à votre épopée morbide.
Aux armes, Sebastian
Pour survivre face aux nombreux dangers qui le guettent, Sebastian dispose d'un arsenal limité qui s'étoffera au fil de l'aventure tout en restant chiche au niveau des munitions distribuées. Sans être totalement rigide, son déplacement s'avère moins souple que les productions récentes et nous évoque davantage ceux de Resident Evil 4. Il peut toutefois compter sur ses capacités d'infiltration, puisqu'une simple pression sur une gâchette lui permet d'avancer à pas feutrés pour se faufiler derrière un ennemi sans être repéré afin de lui asséner un coup fatal. Et croyez-moi, l'idée n'est pas superflue tant le titre peut s'avérer exigeant : comptez pas moins de 6 coups au corps-à-corps pour tuer un ennemi lambda en début de partie, même en mode détente. N'espérez pas non plus bénéficier d'une vue spéciale omnisciente ou une régénération automatique de la santé, puisque Sebastian ne pourra compter que sur vos yeux et des seringues distribuées avec parcimonie pour détecter ses ennemis et régénérer sa vie. Et histoire de bien vous compliquer la tâche, le sprint est limité et il n'est pas possible de l’utiliser quand votre personnage est trop blessé. Dernier point, pour changer d'équipement il vous faudra passer par un menu radial qui ralentit le temps mais ne l'arrête pas, ne traînez donc pas trop si vous commencez à être entouré de vilaines bestioles. Inutile de vous dire qu'une fois submergé par plusieurs adversaires, votre espérance de vie chutera en flèche.... et qu'il faudra privilégier la discrétion et économiser vos balles ou carreaux autant que possible. Justement, parlons bien, parlons flingues : rien de bien original à l'horizon puisque The Evil Within vous offre un panel diversifié allant du revolver de base au fusil à pompe, en passant par le fusil de précision ou l'arbalète. Cette dernière dispose de plusieurs types de carreaux à utiliser en fonction de la situation (immobilisant, électrique, harpon, explosif entre autres) et que vous pourrez crafter vous-même en utilisant les pièces de mécanismes dissimulées dans l'environnement.
Un peu de gel pour se faire beau ?
Certaines de ces pièces seront récupérables simplement en fouillant les zones, d'autres en démontant les pièges qui jalonnent votre parcours. Gardez les yeux bien ouverts, car les mines murales reliées par un fil ou placées derrière une caisse destructible sont monnaie courante et vous risquez de finir coupé en deux en moins de temps qu'il n'en faut pour dire Boum. Vous pourrez également en tirer profit pour attirer les monstres dans celle-ci. Quelques énigmes sont aussi de la partie et apportent encore davantage de variété à un univers qui n'en manque déjà pas, tout en restant abordable pour les non-initiés au genre. Mais Sebastian n'est pas qu'un simple humain vulnérable, il peut ainsi améliorer ses aptitudes en récupérant une gelée verte sur ses ennemis et dans le décor. Chaque compétence nécessite un certain montant de gelée pour être améliorée et vous serez donc bien inspiré d'explorer les moindres recoins des niveaux pour éviter à votre inspecteur de ne pas se retrouver en position d'infériorité face à ses adversaires. En mode détente, vous pourrez vous sortir plus facilement de certaines situations, mais améliorer vos compétences en mode survie ne vous permettra que de retarder l'échéance face à des ennemis toujours plus forts au fil de l'aventure. Les masochistes apprécieront. Il est également possible de gonfler son arsenal ou son stock de gel (C'est Cristiano Ronaldo qui va être content) en cassant des statuettes dissimulées dans l'environnement, qui cachent des clés ouvrant des casiers remplis de ces petites merveilles et qui peuvent être trouvés dans un recoin de l'asile. Mais si, rappelez vous, la zone seulement accessible via le système de miroirs et dans laquelle vous vous sentez en sécurité. Enfin, la plupart du temps.
Les bêtes sans la belle
Difficile de parler de The Evil Within sans évoquer son bestiaire, tout aussi varié que les environnements proposés. La encore, le titre joue avec vos nerfs et ne vous laisse jamais vraiment le temps de vous habituer aux mécanismes de ces derniers. Vous commencez à comprendre le comportement des hantés après quelques heures passés sur les premiers niveaux ? On vous colle un ennemi invisible qui peut vous prendre par surprise. Le danger peut venir d'en haut d'en bas, d'en face, ou même de derrière, et encore une fois le titre vous place dans une situation d'insécurité permanente, un domaine qu'il maîtrise à la perfection et qui nous pousse à apprendre de nos échecs et improviser face à l'adversité. Vous disposerez d'ailleurs d'allumettes en nombre limité pour brûler les corps se trouvant à terre afin d'éviter d'utiliser plus de munitions pour les achever, ou que ceux-ci se réveillent et viennent vous causer des soucis plus tard, tout simplement. Il est difficile de parler de l'ensemble du bestiaire sans vous gâcher la surprise de la découverte, alors nous nous contenterons de préciser que des combats contre des boss sont également de la partie et feront davantage appel à vos neurones et à votre sang-froid qu'à votre sens du headshot. Un point plutôt positif qui tend à rendre ces affrontements stressants et aboutissent souvent à des scènes d'auto-satisfaction une fois la séquence réussie. Ne vous emballez pas trop quand même, la mort peut tout aussi bien vous attendre dans le couloir suivant. Le sadisme n'a pas de limite, et vous ne serez donc jamais trop prudent.
Points forts
- L'ambiance malsaine
- Sentiment d'insécurité permanent
- Réalisation inspirée du cinéma d'horreur
- Des combats de boss bien stressants
- La variété des situations et des lieux explorés
- Bonne durée de vie (15 heures au minimum, 20 heures en survie et un mode new game +)
- Scénario qui monte en puissance...
Points faibles
- … Puis retombe sur la fin
- Des ennemis au pathfinding raté
- Framerate pas toujours stable
- Dialogues peu inspirés
- Impossible de choisir la VO
- Temps de chargements assez longs
The Evil Within est une aventure prenante, portée par son ambiance malsaine, maîtrisée et remplie de références aux ténors du genre. Chaque séquence, chaque zone que vous visiterez n'est créée que dans un seul but, habiter le joueur d'un sentiment de malaise permanent et lui faire comprendre que la moindre erreur peut être fatale. Mais le titre n'est hélas pas exempt de défauts, en témoigne ses dialogues peu inspirés, ses soucis techniques parfois gênants et son scénario certes intéressant mais au final moins bluffant que ce que l'on pourrait penser. Avec un zeste de finition supplémentaire et un final mieux chapeauté, il aurait pu prétendre au titre de chef-d’œuvre. The Evil Within reste toutefois un excellent survival-horror que l'on ne peut que conseiller aux amateurs des belles années de Resident Evil, Silent Hill et autres Forbidden Siren. Pensez tout de même à prendre vos cachets pour le cœur et quelques trousses de soins pour le voyage... Vous en aurez besoin.