The Binding of Isaac, c'est un peu le fleuron du Rogue-like moderne... Derrière ses petits airs de Zelda-like pour enfant dérangé se cache en secret un jeu profond, doté d'un contenu gargantuesque et d'un concept aux petits oignons. C'est donc avec le plus grand plaisir que l'on accueille la refonte de The Binding of Isaac, sous-titrée Rebirth, puisqu'elle reprend l'intégralité du contenu du précédent et de son add-on, en l'augmentant au passage de pas mal d'ajouts. La question est : ce Rebirth s'adresse-t-il uniquement à un public nouveau et saura-t-il séduire les joueurs hardcore ayant retourné l'opus initial ?
Après quelques années d'exploitation, The Binding of Isaac revient dans une version "plus plus" qui peut se vanter d'apporter entre autres un moteur graphique et du multijoueur à l'aventure marquante de notre cher Isaac. Petit ovni du jeu indépendant, la création d'Edmund McMillen s'offre donc une seconde jeunesse que nous vous conseillons vivement, que vous soyez amateur du genre, curieux, ou même sceptique, puisque le jeu s'avère être tout aussi addictif, jouissif et rageant que son aîné.
Un peu d'histoire...
Expliquer The Binding of Isaac n'est pas une mince affaire, c'est un jeu qui se vit et qui se découvre seulement au bout de quelques heures, le temps que notre cerveau puisse imprimer chacune de nos erreurs et matérialiser les règles en vigueur afin que l'on puisse optimiser nos aventures futures, à la manière d'un jeu de plateau bien coriace. Pour ce qui est du scénario, sachez que vous incarnez Isaac, petit enfant sans histoires vivant seul avec sa mère. Cette dernière, un brin extrémiste et grosse consommatrice de télévision religieuse, commence à entendre des voix, et pas n'importe lesquelles puisqu'il s'agit de Dieu en personne. Sous ses ordres, la mère d'Isaac enferme son rejeton dans sa chambre, sans jouets et sans habits, puis veut carrément le sacrifier, couteau en main. Vif d'esprit, Isaac s’échappe de sa chambre grâce à une trappe au sol, apparue comme par magie. Commence alors l'aventure de notre héros des temps modernes, qui doit traverser une demi-douzaine de sous-sols avant d'affronter sa Némésis finale : "Maman". Attention cela dit, le jeu ne se termine pas dès que vous tuez le boss final. En effet, le titre propose une tonne de contenus et certains niveaux, boss, personnages jouables, salles secrètes et objets ne se débloquant uniquement que grâce à vos performances en jeu ou à votre capacité à terminer ce dernier sous certaines conditions. Ainsi, après avoir terminé votre première partie, vous aurez par exemple le plaisir de découvrir un stage supplémentaire, qui découlera sur un boss de fin différent. Tout le jeu se base sur cette logique et, rassurez-vous, vous allez mourir un paquet de fois avant de terminer l'aventure.
Un concept aux petits oignons
The Binding of Isaac présente un gameplay simpliste. Les contrôles se font au stick de gauche ou au clavier avec ZQSD, et les tirs se font dans 4 directions différentes, grâce au stick de droite ou aux flèches directionnelles. Il faudra un peu d'entraînement avant de réussir à combiner les deux avec brio pour donner une certaine orientation à ses tirs tout en évitant ceux des ennemis. Car oui, l'enfer est un chemin semé d’embûches et de choses glauques. Au menu de chaque « niveau », des monstres par dizaines, lesquels ont leur propre patern (schéma d'action) et n'hésiteront pas à vous attaquer dès que possible. Le design de ces derniers est plutôt soigné et modernise au passage le look des anciens monstres. Outre les ennemis « de base » qui deviendront de plus en plus variés et forts au fur et à mesure de votre progression, on retrouve les mini-boss et les boss de niveaux qui, pour cette version Rebirth, ont gagné en variété, tout comme le bestiaire global.
Il faudra donc bien penser à votre optimisation du niveau dès votre arrivée dans un nouvel étage. En premier, je vous conseille de trouver la pièce dorée qui renferme un objet (un parmi les quelques centaines d'items plus ou moins efficaces que comporte désormais le jeu). Une fois en possession de cet objet, vous devrez donner rendez-vous au boss du niveau pour l'affronter, en vous assurant au passage de votre bonne santé et de votre équipement. Une fois le taulier de l'étage tué, un nouvel objet vous sera donné, libre à vous par la suite de continuer votre exploration du niveau à la recherche de pièces d'or, de clés, de bombes, d'aller dans la salle du commerçant pour dépenser vos deniers contre de nouveaux objets, mais vous pouvez également vous rendre immédiatement à l'étage suivant en faisant une croix sur d'éventuelles nouvelles rencontres parfois très utiles. Vous vous en doutez bien, après 6 ou 7 niveaux, votre Isaac sera possiblement suréquipé et deviendra une arme de destruction massive. Ça tombe bien car vous aurez amplement besoin de ça pour les derniers étages... Le concept du jeu se base donc intégralement sur un savant mélange de cette prise de risque, de votre capacité à gérer des salles chaotiques où le moindre demi-coeur peut faire la différence, de vos choix en matière d'optimisation et, évidemment, de l'impitoyable côté aléatoire que vous impose chaque partie.
Il existe pas mal de façons de jouer à The Binding of Isaac et chacun trouvera son chemin préféré, d'autant plus que les niveaux, les objets, les monstres et les boss sont générés aléatoirement dès le début de la run (votre partie). Chaque tentative sera donc différente de la précédente et votre Isaac pourra avoir une tête et des pouvoirs variables d'une partie à l'autre, ce qui augmente considérablement la durée de vie du titre et votre propension à vous dire "bon allez, une dernière et j’arrête, je vais juste à la salle dorée pour voir l'objet que l'on m'offre dans cette run". Et comme si cela n'était pas assez pour étoffer un concept accrocheur, sachez qu'il vous est possible d'avoir des "trinkets" qui influencent de manière passive vos compétences, mais aussi des pilules dont l'effet est inconnu jusqu’à ce que vous les ayez essayées au moins une fois dans votre run, des cartes de tarot aux effets bien particuliers, et une multitude d'autres petites idées qui rendent le titre vraiment complet et complexe à maîtriser.
Les atouts de Rebirth
Rebirth offre aux joueurs une flopée de contenus et d'ajustements. Outre le moteur graphique qui permet désormais d'oublier une structure Flash pas forcément très pratique pour les développeurs comme pour les utilisateurs, on découvre une volonté ferme de rendre le jeu plus accessible aux néophytes, et c'est tant mieux. Cela se traduit par une interface plus ergonomique avec une mini-map extensible, des descriptions d'objets plus fournies qu'avant (qui vous feront presque oublier l'utilité d'un wiki), un système de sauvegarde et la présence d'un mode Hard. Du coup, avec une telle option, on comprend logiquement que le titre soit de base un peu plus simple que l'original, puisqu'il nous propose assez souvent des objets puissants en début de partie, comme si l'équipe de développement voulait dire au joueur « Regarde cet objet ! Tu as clairement tes chances pour finir le jeu ! », chose qui arrivait plus rarement avant. Le mode Hard est quant à lui un véritable challenge et représente plutôt efficacement la difficulté parfois rebutante de l'opus de base.
Attention toutefois : le titre vous propose des objets avantageux en mode Normal, mais le challenge reste présent, puisque les grandes salles, peuplées de monstres, font leur apparition avec Rebirth, et renforcent ainsi la variété des zones explorées, en plus de devenir des zones à très haut risque. On saluera également un mode co-op en local qui fonctionne très simplement. Si un ami veut vous rejoindre, il n'a qu'à presser Start sur une seconde manette et il prendra alors possession d'un familier à côté de vous. Ce familier n'a qu'un cœur de vie, cœur que vous lui offrez généreusement en échange de son aide. Le jeu à deux offre pas mal d'avantages en termes de coopération et introduit des mécaniques nouvelles puisque votre ami (qui ne possède souvent qu'un seul coeur) peut attirer les ennemis dans des zones où il est invulnérable, puisqu'il vole, et attendre que vous ne fassiez qu'une bouchée des occupants de la salle concernée. Il vous faudra pas mal de pratique pour jouer efficacement à deux et la communication reste la clé de la réussite. Sur quel ennemi se focaliser ? Quel déplacement allons-nous faire en sachant que dans les grandes salles, la caméra est mobile et fixée sur Isaac, ce qui pourra gêner le familier... A quel moment réapparaître et donc priver d'un cœur notre héros ? Le développeur a fait de l'excellent travail sur ce pan du jeu et arrive à rendre le tout fun et prenant, sans pour autant détruire le principe de son jeu. Aucune co-op online n'est prévue à l'heure actuelle, mais ce n'est pas bien grave. Avec vos amis à distance, il est possible de faire exactement le même niveau en utilisant le système de "seed", bien connu des amateurs de procédural et de Minecraft. Pour ce faire, un simple retour au menu vous donnera votre code "seed" qui résume l’algorithme de création de votre monde. Après quoi, il vous suffira de le donner à un ami qui le rentrera avant de commencer sa partie. Grâce à cela, il vous est possible de comparer vos runs faites séparément... Bon, on est loin de l'efficacité de la co-op locale, mais on ne peut pas tout avoir !
Le rapport aux ennemis change également avec Rebirth puisque ces derniers peuvent stocker des formes. Par exemple, si vous apercevez un ennemi de type Fatty, prenez garde car sa nature peut changer au fur et à mesure qu'il encaisse des dégâts. Ainsi, le personnage pourra perdre la moitié de son corps et changer de mode de tir, il faudra donc être constamment sur le qui-vive. Rebirth introduit aussi diverses altérations d'état pour les ennemis qui pourront désormais être ralentis, figés ou empoisonnés (ce qui existait déjà dans l'original), mais aussi apeurés ou charmés. Ces altérations peuvent être administrées par le sol puisque Isaac et ses copains pourront laisser des traces derrière eux, ce qui ajoute une nouvelle dynamique dans la gestion de vos déplacements. Isaac devient donc plus complet, plus complexe, plus fun et plus fouillé qu'avant, ce qui est, au final, ce que l'on demande d'une bonne refonte de jeu.
Points forts
- Le concept de base, inchangé et toujours aussi jouissif et addictif
- Le nouveau moteur qui nous fait oublier le triste Flash et ses ralentissements
- Le contenu supplémentaire (objets, altérations d'état, boss, niveaux, personnages, monstres, salles, coffres, machines, cœurs...)
- Les grandes salles, dangereuses au possible
- Le mode Hard pour les vieux de la vieille !
- Les sauvegardes et un mode Normal plus généreux qu'avant, idéal pour les débutants
- La co-op, vraiment très prenante
Points faibles
- Il faut une certaine résistance à la frustration et aux crises de nerfs...
- Refonte graphique et musicale pas toujours au top
- Pas de refonte de l'introduction et des saynètes entre les niveaux
- Si vous avez terminé à 100% l'original et que la co-op ne vous intéresse pas, l’intérêt est limité
Avec ses nombreux atouts et son socle solide, la version Rebirth de The Binding of Isaac est un must-have du Rogue-like. Son contenu impressionnant offrira des heures et des heures de jeu, en solo ou en co-op. Cette dernière apporte une véritable plus-value au soft qui peut désormais se vivre à deux. L'accent mis sur l'accessibilité du titre ravira les sceptiques qui pourront désormais tenter l'aventure en toute sérénité, avec des items souvent avantageux, et pourront même sauvegarder leur partie pour la reprendre quand les nerfs seront calmés. Quant aux vétérans de The Binding of Isaac, le contenu supplémentaire et les divers ajouts devraient leur faire suffisamment de gringue pour les persuader de tenter l'aventure... Ça a été mon cas et j'en suis satisfait.