Si vous n'avez pas suivi les sorties épisodiques de la saison 1 de The Walking Dead ou que vous comptez l'acquérir sur l'un des nouveaux supports qui l’accueillent à présent, ce test vous offre un tour d'horizon de son contenu, un récit interactif touchant qui cherche plus à chatouiller vos émotions que vos méninges ou vos réflexes. Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter les tests des épisodes individuels.
La saison 1 de The Walking Dead n'est pas une adaptation directe du comics original ou de la série TV, elle se déroule avant les événements relatés par l'une et l'autre puisque son point de départ est le premier jour de l'épidémie qui provoquera la zombie apocalypse mais sans bond en avant vers une date plus avancée par la suite. Pour vous, l'aventure commence à l'arrière d'une voiture de police, celle qui conduit Lee Everett en prison. Un trajet qui sera interrompu par la rencontre inopportune entre la voiture et l'un des tout premiers infectés. Accident, fuite, panique et incompréhension finiront par conduire Lee dans le jardin d'une petite maison abandonnée où il fera la connaissance du véritable personnage principal du jeu : Clémentine, une fillette de 8 ans qui deviendra l'objet de toutes vos attentions, car vous êtes dans la peau de Lee, nouvelle figure paternelle et protectrice. Durant toute la saison 1 de The Walking Dead, la plupart de vos actes et choix auront pour but final de veiller au bien-être de cette fillette apeurée, perdue dans un monde en déliquescence, brutal, inhumain. Tout cela en compagnie d'un groupe de survivants avec qui la cohabitation ne sera pas toujours évidente.
Le jeu d'aventure sauce Telltale
The Walking Dead n'est pas à proprement parler un point'n click classique. En premier lieu, les puzzles et énigmes sont simples et sont plus là pour faire un peu de remplissage que pour mettre vos méninges à l'épreuve. Le gameplay de The Walking Dead repose sur deux mécaniques principales. Pour l'action, le jeu compte sur des QTE qui demandent d'appuyer à plusieurs reprises sur une touche ou une direction. On pourrait craindre le recours à une mécanique simpliste et répétitive, mais Telltale a toujours su maîtriser son usage et l'emploie avec parcimonie ou à une fréquence plus élevée selon les épisodes. Le résultat est efficace et certaines rencontres avec des infectés peuvent provoquer une bonne dose de stress. Mais les QTE ne sont pas réservées qu'aux scènes de combat, elles interviendront également dans certains choix que l'on devra effectuer à toute vitesse, en étant prêt à les assumer. Car The Walking Dead, c'est avant tout une histoire de culpabilité, de morale, d'humanité, des éléments qui passent essentiellement dans sa seconde mécanique : les dialogues. Là où un point'n click classique vous laisse tout loisir d'éplucher les différentes possibilités de dialogues à choix multiples, The Walking Dead adopte une autre voie : non seulement chaque réponse est définitive, mais vous devez en plus la donner dans un temps limité. En tout cas durant certaines conversations dont l'issue aura un impact sur la perception que les autres membres du groupe de survivants auront de Lee, ou sur Clémentine.
Réactions à chaud
Cette limite de temps peut paraître intrusive de prime abord, mais c'est en vérité le sel du jeu puisqu'elle impose souvent aux joueurs de réagir plutôt que d'agir après une mûre réflexion pesant le rapport risques / bénéfices. En quelques secondes, on doit décider d'être franc, direct, diplomate, de mentir, d'être agressif, bienveillant, de pardonner ou de crucifier... On choisit souvent à chaud ce qui nous semble être la réponse la plus évidente sans prendre le temps de réfléchir aux éventuelles conséquences à long terme sur nos rapports avec le groupe. Cette simple astuce amène une implication rarement vue dans un jeu, l'obligation d'assumer des mots que l'on pourrait regretter, un mensonge qui nous reviendra en pleine figure plus tard ou une franchise finalement malvenue. Les dialogues font ainsi évoluer nos rapports avec les autres membres du groupe, nous pouvons forger un Lee honnête et droit ou dissimulateur et égoïste, bref choisir la façon dont on imagine que l'on doit se comporter dans un monde comme celui de The Walking Dead. Et quoi que vous fassiez, vous ne plairez pas à tout le monde, et tout le monde ne vous plaira pas... mais serez-vous pour autant prêt à sacrifier un être humain simplement parce qu'il vous insupporte ? Car ne vous imaginez pas que les choix que l'on vous demandera de faire se limitent à la façon dont on vous perçoit. Vous serez amené à choisir directement ou indirectement qui vit et qui meurt et à prendre des décisions qui seront de véritables crève-cœur. Certes, The Walking Dead est un jeu très linéaire, mais il existe plusieurs façons de parcourir le chemin et de parvenir au final, en compagnie de personnages et avec un "bilan moral" différent.
Drame interactif
Pour que cette formule fonctionne, il fallait néanmoins que l'écriture soit au niveau. Avec cette première saison, Telltale a su prouver qu'il était capable d'écrire un drame après avoir donné dans la comédie. Les personnages qui accompagnent le joueur sont tous forts, dotés de personnalités propres, on les adore ou on les déteste mais ils laissent rarement indifférent. C'est ce qui permet au système de dialogue et de prise de décision rapide d'être aussi efficace et de pousser le joueur, à l'occasion, à commettre des actes sous le coup d'une véritable colère. Telltale n'hésite pas à torturer le joueur en lui imposant des choix cornéliens ou en s'en prenant aux personnages auxquels il est susceptible de s'être attaché, sans parler de l'exploration des plus sombres aspects de la nature humaine quand la morale se change en relique du passé... La qualité des personnages va de pair avec des situations et une progression de l'intrigue maîtrisées qui n'ont rien à envier à une série TV. Certaines scènes du jeu sont encore gravées dans la mémoire des joueurs 2 ans après la sortie de sa version épisodique et Telltale sait ménager ses effets et prendre son spectateur-joueur au dépourvu. On oscille entre confiance et défiance, pris dans des conflits interpersonnels où prendre parti peut coûter aussi cher que choisir de rester neutre.
Et bien sûr, il y a Clémentine sur qui on garde un oeil en permanence, à qui on réserve la moindre miette de barre chocolatée, que l'on choisit de consoler en se demandant si son innocence ne sera pas à terme un fardeau qui empêchera d'avancer. Que fait-on d'une gamine de 8 ans dans un monde en train de mourir ? Entrer dans les détails serait gâcher le plaisir de la découverte, mais on peut au moins dire une chose : Clémentine deviendra rapidement votre plus grande préoccupation. Les jeux qui parviennent réellement à capitaliser sur l'émotion du joueur sont rares et ont de plus tendance à verser dans le pathos un peu facile. The Walking Dead n'est pas de ceux-là. Ni tout blanc, ni tout noir, mais dramatique et prenant, capable de vous choper par les tripes alors que vous pensiez qu'un jeu ne vous toucherait jamais et encore moins avec une histoire de gamine pleurnicharde à couettes.
Points forts
- Des personnages forts et attachants (ou détestables)
- Clémentine !
- Le système de dialogue et de prise de décision rapide
- Une véritable implication émotionnelle du joueur
- L'écriture maîtrisée
- L'évolution des rapports avec le groupe
- Un gameplay léger mais au service d'une nouvelle manière de raconter une histoire
Points faibles
- Quelques bugs graphiques
- La gestion du clavier en QWERTY sur PC
- Quelques temps morts
- Les choix qui impactent les relations mais pas vraiment le dénouement final
En guise de conclusion, je me permets de glisser celle qui avait sanctionné le denier épisode de la saison, qui revenait sur l'ensemble de cette dernière : au terme de cette première saison de The Walking Dead, difficile de ne pas penser que Telltale a trouvé le moyen de faire date avec son approche. Que de chemin parcouru depuis le premier Sam & Max épisodique suivi par les premiers essais du studio en matière de narration interactive sortant des mécaniques classiques des jeux d'aventure. Laissant de côté les puzzles, les énigmes, et même le gameplay finalement, la formule patiemment développée par le studio a fini par porter ses fruits, donnant corps à une immersion et une implication dans l'histoire qui n'ont pas vraiment d'égales, faisant réagir le joueur et pas simplement agir. Le tout mis au service d'un talent d'écriture indéniable qui aura conduit à un final magistral...