Que de chemin parcouru depuis cette voiture de police qui a conduit Lee à rencontrer Clémentine, à échapper à une bande de cannibales avant de fuir d'un motel changé en place-forte pour atterrir dans un train en direction de Savannah, petite ville de Géorgie qui n'a plus rien d'un lieu de villégiature pour retraités férus d'architecture coloniale.
Après la fuite éperdue en train et les drames traumatisants de l'épisode 3, voilà que notre petit groupe de survivants, agrémentés de quelques nouvelles têtes débarque enfin à Savannah, gonflé d'espoir à l'idée de trouver un fichu bateau ou, concernant la petite Clémentine, de retrouver ses parents. Mais comme certains sont abonnés aux problèmes, il va sans dire que le port de la ville a depuis longtemps été vidé de la moindre coquille de noix et qu'il rôde de surcroît quantité de menaces et faits étranges dans le coin. A commencer par l'identité d'un mystérieux sonneur de cloches qui trimballe les zombies d'un quartier à l'autre comme dans une version gore du joueur de flûte de Hamelin. Comme ce fut le cas sur les trois premiers épisodes, Telltale explore de nouvelles façons de raconter son histoire et change de thème. Après le choc du début des événements, l'horreur de la découverte sordide du second épisode ou les traumatismes enchaînés de Long Road Ahead, on a ici droit à un groupe qui oscille entre la couardise de l'un, le détachement de l'autre ou encore l'anéantissement d'un troisième. Ben, votre nouveau "copain" qu'on a un peu envie de jeter par dessus bord sera ainsi l'un des pivots des dialogues dans ce quatrième chapitre, alors que votre relation avec Kenny, pris entre une sévère dépression et une rage destructrice, pourrait s'avérer délicate à entretenir. Quant à Clémentine, il vous faudra décider si vous allez continuer à la protéger coûte que coûte comme une enfant ou si l'heure est venue de la confronter à la triste réalité du monde, quitte à devoir serrer les dents.
De nouvelles rencontres sont également au programme, avec des gens "normaux", qui vous aideront même à vous en sortir quand vous serez paumé dans les égouts, errant dans les rues ou découvrant les vestiges d'une école. En outre, si cet épisode marque un net retour des walkers et des scènes d'action, l'arme au poing, assiégés de tous les côtés, la thématique des survivants qui se déchirent est de nouveau mise en avant, mais d'une façon qui diffère de ce qu'on a pu voir dans Starved for Help. Ici, c'est par le discours et les souvenirs qu'on laisse le joueur donner forme à une tentative malsaine de reconstruction d'une société d'élite. Par ailleurs, à travers dialogues et actions rapides, le joueur est de nouveau confronté à des choix et à des problèmes d'éthique et sa propre capacité à réagir rapidement sera même déterminante dans le destin de l'un de ses compagnons.
Tout semble donc réuni pour renouer avec les qualités des volets précédents, et pourtant, il y a un petit air "d'épisode de transition" ici. Quelques problèmes de rythme se font sentir, laissant planer des longueurs dans la progression qui filtrent ça et là via une scène un peu trop longue ou des redites pas forcément utiles. On s'étonne aussi, côté mise en scène, de certaines bizarreries dans les réactions de Lee qui semble parfois trop impliqué ou au contraire complètement détaché, comme après une découverte dans les égouts qu'il ne nous est même pas proposée de partager avec les autres membres du groupe alors même qu'ils sont parfaitement concernés. Et non on ne vous dira pas de quoi il s'agit. Cette tendance à traîner est toutefois largement compensée par une fin en cliffhanger nettement plus agitée et qui promet un grand final qui sera de toute évidence particulièrement intense. En outre, l'évolution des relations avec les autres personnages prend tout son sens dans ce dénouement qui va de plus piocher assez loin dans vos choix passés, déterminant ce que sera le groupe final. En somme, Around Every Corner est essentiellement un chapitre de mise en place de la conclusion toute proche, avec tout ce que cela comporte de points positifs ou négatifs.
- Graphismes14/20
Le cel shading mis en place par Telltale est décidément particulièrement bien adapté et parfaitement maîtrisé. Le style graphique est idéal pour cette adaptation d'un comic-book, capable de restituer les moments de tension dramatique ou l'explosion de tête à coup de hache
- Jouabilité14/20
En faisant une sorte de synthèse des trois volets précédents, le jeu alterne dialogues, décisions chronométrées, retour des zombies, scènes d'action et exploration. Un mélange qui pose malheureusement quelques problèmes de rythme et impose des longueurs qu'on ne ressentait pas auparavant.
- Durée de vie14/20
Comme d'habitude, le format reste inchangé, comptez donc entre 2h30 et 3 heures pour terminer ce chapitre pour environ 5 euros si vous n'avez pas directement acheté la saison.
- Bande son16/20
Les doublages sont globalement très bons malgré un ou deux soucis de postsynchro. Les thèmes musicaux sont excellents, discrets mais assurent l'ambiance pesante. On rappelle au passage que le jeu est intégralement en anglais, sous-titres compris.
- Scénario15/20
Si l'histoire de ce quatrième chapitre ne manque pas d'intérêt, c'est sa mise en scène qui pèche par moments. Certaines scènes sont d'une efficacité indubitable, d'autres en revanche ont du mal à faire mouche malgré une charge émotionnelle évidente. Heureusement, le dénouement compense largement et vous fera vous dire une fois de plus que Telltale a pour mission de vous faire souffrir.
Petite baisse de régime pour Walking Dead, il faut dire qu'il n'était pas aisé de passer après la claque du monstrueux troisième épisode. Pour autant, baisse de régime ne signifie pas perte de qualité, Around Every Corner apporte son lot de tension et fait encore évoluer notre vision de Lee et de Clémentine mais peine cependant à garder le joueur captivé de bout en bout. Sa qualité première demeure toutefois de mettre (très) efficacement en place le grand final qui, on le sait déjà, va nous faire beaucoup de mal.