Préparez-vous à souffrir, préparez-vous à mourir ; un pitch de départ qui pourrait tout à fait coller à de nombreuses productions actuelles lorgnant vers des prises en main "réalistes" pour ne pas dire lourdes. L’exemple le plus souvent cité serait bien entendu la série des Souls des Japonais de From Software dont le succès a incontestablement influencé une partie de l’industrie. Dès son annonce, Lords of the Fallen s’est vu étiqueté "Dark Souls like" agrémenté d’une touche de Darksiders, lui-même souvent comparé à un Zelda en plus sombre. Des influences que les développeurs allemands et polonais de Deck13 et de CI Games ne renient pas du tout. Mais faut-il s’arrêter à ces comparaisons pour juger le titre ? Parvient-il à se forger une personnalité propre tant dans son gameplay que dans son univers ? Notre réponse dans ce test.
Lords of the Fallen narre les aventures d’Harkyn, un ex-taulard bourru et barbu au visage orné de tatouages lui conférant une allure badass indéniable. Le passé obscur du héros est auréolé d’une épaisse couche de mystère que le scénario aura la tâche de balayer. On sait seulement que notre ami a été libéré de prison malgré ses crimes car il est le seul à pouvoir rivaliser avec les Rhogars, des abominations démoniaques menées par les fameux lords of the Fallen. Dès le départ, le ton est donné, le titre est empreint d’une esthétique Dark Fantasy médiévale sans concession au service d’une ambiance glaciale où tout espoir semble envolé. Pour les amoureux de comparaison, on y retrouve une ambiance à la Darksiders à la fois dans le style des décors et dans le chara design des personnages aux armures et armes imposantes. On pourra aussi y dénicher des influences venues de Castlevania Lords of Shadow ainsi qu’un petit côté Warhammer dans la carrure et la démarche d’Harkyn.
Combats en mode Permis C
Côté gameplay, les habitués de la saga Souls ne seront pas dépaysés pour un sou. Le mapping des boutons à la manette est en effet dans la pure tradition des contrôles propres aux action-RPG. On y retrouve ainsi les actions sur les gâchettes gauches et droites, attaques légères ou lourdes, blocage, ambidexterie, etc. Le reste se résume à des esquives, à l’utilisation de consommables ou encore de magies. Toutefois, Lords of the Fallen annonce de suite la couleur en dotant ses combats d’une prise en main teintée de "réalisme". Vous trouviez le gameplay des Souls lourd à manier ? Ajoutez-lui donc quelques kilos supplémentaires pour vous faire une idée du maniement d’Harkyn. Loin d’être un défaut, cet aspect confère une première touche de personnalité au jeu. On a bel et bien affaire ici à un action-RPG lorgnant du côté du hack’n slash néanmoins focalisé sur des duels techniques au corps-à-corps bien plus que sur l’affrontement de troupes entières d’ennemis. La maniabilité du héros est d’ailleurs influencée par le poids équipé, on préférera alors souvent s’alléger quelque peu pour améliorer notre mobilité et profiter, par exemple, de quelques backstabs bien saignants.
Trois archétypes vous attendent à la création de personnage : Guerrier, Clerc et Voleur. Signalons dès maintenant qu’il n’est pas possible de jouer archer, un manque contrebalancé par la présence d’un gantelet doté de trois modes de tir aux effets largement influençables par le joueur. Il faudra ensuite piocher parmi trois écoles de magie que seuls les builds au score de foi assez élevé pourront explorer en profondeur. Rien ne sera toutefois figé pour Harkyn puisqu'au loisir de la dépense des points d’expériences, le joueur pourra améliorer les caractéristiques de son choix (force, agilité, foi, endurance, etc.). Elles sont essentielles au maniement de certaines armes et magies dotées de prérequis spécifiques. L’équipement possède en ce sens un réel impact sur notre façon de jouer. Car si le guerrier est doté de l’agilité d’un parpaing, il compense son manque de mobilité par une capacité à bloquer de nombreuses attaques. Les clercs boosteront leur réserve de magie pour accéder à un plus vaste panel de sorts. Quant aux voleurs, leur gameplay basé sur l’esquive oriente peut-être plus la classe vers les joueurs plus chevronnés.
Boss ton pattern
Tous partagent néanmoins le même risque de crever à chaque rencontre. Qu’on se le dise, le bestiaire a été taillé pour nous en faire baver. Excepté les larbins démoniaques de base, la plupart des rencontres se basent sur un timing d’attaques, de blocages ou d’esquives à comprendre et exécuter avec brio. D'autant que le laps de temps durant lequel porter un coup se résume souvent à quelques secondes à saisir avec aplomb. Le personnage dispose bien sûr de quelques potions de soin qu’il est possible de recharger grâce à de nombreux cristaux rouges faisant office de checkpoint. En ce sens, le jeu ne tombe pas dans l’excès de punition car le respawn et le repop d’ennemis restent plutôt cléments. Et on en aura bien besoin tant les affrontements, et plus particulièrement les boss se révèlent exigeants. Exigeants voire frustrants pour certains. Il n’est pas rare de passer de très longues minutes à grappiller de maigres portions de vie à des ennemis aux patterns prévus pour changer en fonction de leur pourcentage de santé. On touche à ce qui fait à la fois la force et la faiblesse du jeu. Les combats de Lords of the Fallen sont certes techniques, longs et gratifiants, mais trop souvent laborieux à cause de quelques défauts de gameplay assez gênants à la longue.
La faute à des patterns laissant peu de place à la mise en place de stratégies personnelles. Les développeurs ont prévu des fenêtres d’attaque très courtes entre lesquelles il sera souvent trop risqué de faire mouche. Le principe n’est pas nouveau, mais force est de constater que sa mise en oeuvre conduit ici à une forme d’insatisfaction qui, à force de répétition, finit par plomber l’envie de combattre certaines créatures. La faute à un gameplay souffrant de trop nombreuses imprécisions. Entre les coups ne faisant parfois aucun dégât, la gestion des collisions un poil buggée, le système de ciblage peu réactif et les angles de caméra souvent mal fichus, on sent que le jeu aurait mérité quelques phases supplémentaires de peaufinage. Pourtant, les combats ne manquent pas de bonnes idées avec par exemple un système de combos lié au timing entre nos attaques ou bien la présence d’un gantelet - très Darksiders dans le rendu - conférant un panel d’attaques à plus ou moins longue distance capable de changer l’issue de nombreuses rencontres. Le tout souffle malheureusement le chaud et le froid et fait alterner les phases plutôt plaisantes à des moments assez rébarbatifs.
Alone in the Grey
Le périple d’Harky le mènera à travers quelques décors pas forcément des plus variés donnant parfois quelques espoirs d’ouverture avant de nous remettre sur le droit chemin. En effet, Lords of the Fallen s’articule autour d’une progression assez linéaire guidée par quinze combats de boss répartis entre le monde des humains et celui des démons. Tout se déroule dans des décors semi-ouverts interconnectés où la recherche de trésors occupe une place non négligeable. La composante hack’n slash du jeu s’exprime donc par un joli panel de loot allant de l’arme ou de l'armure unique en passant par une foule de runes à sertir dessus pour gagner quelques stats ou capacités supplémentaires. Un système de multiplicateur de chance permet d’ailleurs de conserver son expérience acquise dans la douleur afin d’augmenter le taux de drop des adversaires. Entre deux rencontres musclées, on croisera quelques PNJ chargés de faire progresser un scénario dont le background s’étoffe au travers de parchemins à dénicher ici et là. S’il est bien évidemment question de sauver le monde - nous sommes dans un jeu vidéo après tout - la volonté de rendre le tout sombre et mature transpire à chaque instant grâce à la présence de quelques choix moraux à l’influence plus ou moins notable en fin de partie. Quel dommage cependant que la qualité des doublages français ne soit pas au rendez-vous, au point de friser le ridicule sur certains textes lus par des doubleurs au jeu douteux. Fort heureusement, il est possible de passer le jeu en anglais en changeant les paramètres de la console.
Techniquement maintenant, tout n’est pas rose sur consoles. La version PS4 souffre par exemple d’un problème de tearing atténué par un gros patch de 5 Go à télécharger avant d’envisager toute partie. Un écueil qui ne semble pas affecter la Xbox One qui, de son côté, bénéficie d’une résolution plus faible mais pas vraiment gênante à l’usage (900p contre 1080p sur PS4). Le framerate quant à lui reste plutôt stable avec néanmoins quelques chutes dans les environnements chargés en effets climatiques (tempête de neige, fumée, etc.). La version PC s’en tire logiquement mieux avec ses 60 fps et ses options graphiques. On pourra reprocher au titre son manque de variété dans les décors. Car entre les intérieurs sombres et gris et les extérieurs pas vraiment mieux lotis, le jeu souffre d’une constante impression de déjà-vu noyée dans une ambiance terne parfois nuisible à la lisibilité générale. En revanche, la direction artistique nous semble toutefois cohérente avec la trame scénaristique du jeu, les armes et armures bénéficient entre autres d’un bien joli rendu dans un pur esprit à la Joe Madureira. Et si la bande-son ne décolle jamais vraiment de son inspiration épique générique, les bruitages quant à eux restituent au mieux toute la brutalité du métal qui s’entrechoque lors des combats.
Points forts
- Système de combat technique à la lourdeur assumée
- Des loots nombreux et assez classe
- Le système de runes modifie vraiment notre manière de jouer
- Liberté dans la construction du build du personnage
- Ambiance apocalyptique bien rendue
- Le gantelet, un élément à ne pas laisser sur le banc de touche
- De multiples fins influencées par nos actions
Points faibles
- Angles de caméra mal fichus
- Mécaniques de combat parfois frustrantes
- De nombreux bugs de collision
- Manque de renouvellement dans les décors
- Système de verrouillage des adversaires peu réactif
- Doublages français au rabais
Véritable mélange d’influences, Lords of the Fallen s’avance en faisant le parti pris d’un certain réalisme lors des combats. Si la progression du personnage permettra de gagner en fluidité et en technicité tout au long du périple, le titre n’arrive cependant pas à se démêler de ses défauts de gameplay. Comme si une couche supplémentaire de lourdeur dérangeante était venue plomber la lourdeur assumée à la base d’un système de jeu pourtant truffé de bonnes idées. Les amoureux d’action-RPG exigeants y trouveront toutefois de quoi y passer une quinzaine d’heures avant de se lancer ou non dans les deux modes New Game + prévus pour les plus acharnés. Bref, de par ses sources d’inspiration évidentes, Lords of the Fallen payera sans doute un peu trop les frais de comparaisons (justifiées ou non) à la concurrence. Ce qui n'est pas forcément bénéfique pour se forger sa propre image dans le secteur.