Pour en mettre plein les yeux, on peut toujours faire confiance à Crytek, le studio allemand sachant à la perfection exploiter les cartes graphiques. Malheureusement, avec Ryse, c'est plus le passé de créateur de benchmarks du studio qui s'affiche plutôt que son présent de game designer.
Ça pour avoir de la gueule, il a de la gueule. Du sol au plafond, Ryse assure le spectacle avec des environnements de haute volée, une végétation luxuriante qui cède parfois le pas à une boue plus vraie que nature, le tout illuminé par des éclairages en temps réel qui tuent la gueule et quelques séquences à la mise en scène épique qui enfoncent le clou de l'inspiration hollywoodienne du jeu. Une qualité technique qui se ressent dans les moindres détails, d'un visage en gros plan, d'une armure en métal ou d'un bouclier dont aucun ornement n'échappe au regard, toutes ces petites choses autrefois réservées aux cinématiques et aujourd'hui fièrement exposées au cœur du gameplay. La magie culminant dans le travail accompli sur les combats, avec leurs animations hyper détaillées et des plans permettant d’admirer le visage tordu de douleur d’adversaires défaits.
Gueule d'amour
Pour qu'on ne loupe rien, Crytek a bien veillé à ce que la caméra ne s'éloigne pas trop de son héros Marius, légionnaire romain cherchant vengeance pour le meurtre de sa famille. On profite ainsi du moindre détail des combats qui, on ne le répétera pas assez, semblent sortir tout droit d'une cinématique. Pas de doute, vous ne prendrez pas le jeu en défaut sur ses qualités esthétiques. Pour le reste en revanche... En tant que beat'em all, Ryse adopte une formule minimaliste qui, malgré quelques bonnes idées, est aussi sa perte. Pour se battre, Marius dispose de 2 atouts : son glaive qu'il brandit avec X et son bouclier qu'il lève avec A ou balance violemment sur son adversaire avec Y pour le déstabiliser. Et son troisième atout, c'est son grand sens du rythme. Hop, on casse la garde d'un barbare avec Y, on balance deux ou trois coups, zou, on appuie sur A au bon moment pour bloquer une attaque qui vient de derrière, on profite de la perte d'équilibre pour distribuer deux coups de glaive, une petite roulade et zou, on revient vers le premier ennemi que l'on esquivera en constatant que, clignotant en rouge, il s'apprête à effectuer une frappe lourde. C'est très dynamique, très fluide et même fort esthétique mais... franchement pas très profond, voire carrément creux à la longue.
Dance Dance Romana Revolution
Après quelques échanges, on parvient à affaiblir suffisamment les malotrus pour les finir avec une exécution sanglante d'une violence honteusement jouissive et à la mise en scène qui décroche la mâchoire de sa victime et du joueur. Une mise à mort qui se réalise le plus bêtement du monde : quand votre ennemi s'entoure d'un halo bleu, appuyez sur X, en jaune, appuyez sur Y, répétez jusqu'à la fin du combo... ou pas, car même si vous ne faites rien, l'action se poursuivra sans vous. Etrange... d'autant que réussir ces QTE n'a rien de franchement difficile mais, là encore, tout se passe comme si Crytek avait peur que les joueurs ne puissent pleinement profiter du spectacle en cas d'échec. Cette drôle d'idée est toutefois suivie par une autre plus intéressante : la possibilité de choisir un atout que l'on remportera à la fin du finish move. Chaque flèche de la croix directionnelle correspond à un atout : gain de de santé, boost d'XP, boost de dégâts ou de Rage. Plus on sera en rythme durant l'exécution, plus le gain sera important. Une petite pointe de tactique loin d'être bête mais qui ne sauvera pas le navire en perdition qu'est le gameplay de Ryse.
Pas repoussant, pas agaçant, le beat'em all de Crytek est tout simplement pauvre et ne doit son intérêt qu'à sa plastique qui lui donne un petit côté jeu pop-corn... on joue sans vraiment se passionner, machinalement et parce qu'on est là. De temps en temps, on participe à une séquence hors des clous (prendre la tête d'une colonne romaine en commandant boucliers et lancers de pilum) et puis à peine 6 heures plus tard, on voit le générique de fin. Le plus regrettable, c'est que même son aspect épique passe à la trappe à cause de cette satanée caméra obstinément collée à l'arrière-train de Marius, le joueur devant composer avec un champ de vision qui ne met pas du tout en valeur les panoramas, on passe à côté de la dimension potentiellement grandiose de ce qui se passe autour de nous. D'ailleurs, ce n'est pas là la seule errance cosmétique de Ryse qui n’hésite pas à cloner ses ennemis dont le nombre total ne doit pas excéder 8 individus, dont la tronche vous hantera encore et encore pendant les 6 heures du solo. Si on précise, c'est parce que le jeu compte également un mode coop qui permet d'enchaîner les combats en arène. Pas franchement de quoi se taper le fondement par terre.
Points forts
- Techniquement bluffant, des visages aux explosions
- Les exécutions détaillées et jouissives
- Quelques scènes impressionnantes
- Les DLC Xbox One directement inclus
Points faibles
- Monstrueusement répétitif
- Gameplay creux
- Les barbares clonés
- Des murs invisibles grossiers
- A peine 6 heures de campagne
Archétype de la vitrine technologique, Ryse : Son of Rome est beau. Mais il est également creux, se laissant jouer sans fol enthousiasme comme on regarde un gros blockbuster qui en fait trop pour justifier son budget et occuper un dimanche trop long, détaché mais admiratif.