Chaque année, le studio Double Fine met de côté tous ses projets et demande à chacun de ses membres de proposer de nouvelles idées de jeux, histoire de toujours pousser la créativité. Ces quelques jours de brainstorming intensif, appelés Amnesia Fortnight, ont déjà donné naissance à d'excellents titres comme Costume Quest ou Iron Brigade. Hack 'N' Slash fait partie de la cuvée 2012. Arrivé en septembre 2014 sur Steam, l'heure du verdict a sonné.
Hack 'N' Slash repose sur une et une seule idée, ou plutôt sur un jeu de mot. Car non, Hack 'N' Slash n'est pas un vrai hack and slash à la Diablo ou Titan Quest, mais un jeu où il faudra hacker comme un vrai petit pirate informatique au lieu de frapper comme un barbare. Le tout dans un univers largement influencé par la légende de Zelda, ce qui éveille donc une grande curiosité.
A Link to the Hack
Les premières minutes de jeu sont même très plaisantes puisqu'on est rapidement plongé dans le gameplay où il est possible de hacker un peu tout et n'importe quoi grâce à une épée / clé USB. Une grille vous empêche de passer ? Hackez-la et réglez sa valeur sur "ouverte" pour libérer le passage. Même chose pour les ennemis. Un petit coup de hacking et les voilà devenus aussi doux que des agneaux. En ajustant leurs paramètres, on peut même exiger qu'ils nous redonnent des points de vie lorsqu'ils nous touchent. Les rochers sont aussi à pirater. Il est possible de définir le nombre de cases qu'on souhaite les voir parcourir si on les pousse, sachant qu'on peut assigner des valeurs négatives pour les voir se déplacer dans le sens inverse. Les premiers pas dans Hack 'N' Slash sont réellement très rigolos. On se sent un peu tout-puissant et l'idée maîtresse est plutôt bien exploitée.
La critique est aisée, mais le hack est difficile
Puis le scénario progresse, les situations se compliquent et le gameplay, s'il propose sans cesse de nouvelles idées pour développer son propos, s'embourbe dans une difficulté excessive. Dans une certaine mesure, il semble que Double Fine ait un peu oublié que nous ne sommes pas tous des développeurs dans l'âme. Bidouiller du code informatique, ça va lorsque les commandes sont simples et explicites, mais Hack 'N' Slash sombre rapidement dans le côté obscur de la programmation. Les développeurs déjà habitués à manipuler du code n'éprouveront probablement aucun problème, mais le commun des joueurs peinera réellement à déchiffrer les boucles de codes, comprendre ce qu'elles permettent de faire et trouver ce qu'il y a à modifier pour finalement résoudre le problème. Malgré une traduction visuelle plutôt maligne de chaque mécanisme (des terminaux envoient des signaux de couleur à des processus, ce qui permet de suivre le flux des commandes), les éléments à pirater deviennent de plus en plus complexes, et ouvrent eux-mêmes dans des sous-éléments qu'il faut d'abord modifier avant de pouvoir accéder à l'élément de base. Un peu à la manière du film Inception, on s'enfonce ainsi de plus en plus loin dans le code d'un objet à bidouiller, en tâtonnant toujours pour trouver la ou les valeurs à modifier. La routine devient difficile, laborieuse et même pénible, d'autant que la moindre erreur peut entraîner le crash du jeu, ce qui nous ramène à l'entrée de la dernière salle visitée.
Le fait que le jeu soit entièrement en anglais n'aidera pas forcément les joueurs français. L'écriture est d'ailleurs bien en dessous de ce à quoi nous a habitués Double Fine. En dépit de quelques passages réellement amusants, l'histoire est finalement trop convenue, les dialogues trop plats et le fait qu'ils ne soient pas doublés (petite production, petit budget) tire le jeu un peu plus vers l'ennui. Et c'est avec beaucoup de regret que j'écris cela. J'avais vraiment envie de l'aimer ce Hack 'N' Slash, avec sa promesse de gameplay original, son univers improbable, sa direction artistique très marquée et ses musiques très réussies. Hélas, passé la moitié de l'aventure, les défauts du titre deviennent trop apparents et finissent par prendre le dessus sur l'enthousiasme initial. Dans un sens, Hack 'N' Slash tombe dans son propre piège. La promesse de pouvoir hacker le jeu est poussée assez loin, et finit par perdre de vue que nous ne sommes pas tous familiers avec la discipline. Et plutôt que d'accompagner les novices sur le chemin de l'apprentissage, le titre nous sert des séquences de codes compliquées qui se dressent comme autant d'obstacles insurmontables. Pour ne rien arranger, Hack 'N' Slash peine à livrer le moindre indice pour nous mettre sur le chemin de la compréhension. A la place, il préfère lâcher des blagues, qui tombent forcément à plat face à la frustration de ne pas pouvoir progresser dans la quête.
Points forts
- Un gameplay très atypique et rigolo au début…
- Une réelle identité graphique
- Les clins d'œil à Zelda et autres
Points faibles
- … mais qui devient pénible et laborieux par la suite
- La difficulté mal dosée
- Ecriture un peu convenue
- En anglais uniquement
Hacker au lieu de trancher. L'idée est séduisante, elle est même bien exploitée dans Hack 'N' Slash avec toujours de nouvelles trouvailles pour creuser le sujet, telle une loupe permettant d'entrer directement au cœur de chaque processus. Ceci dit, le jeu accuse un gros problème d'équilibre et voit sa difficulté grimper en flèche vers le milieu de l'aventure pour nous laisser sur le carreau devant des sessions de piratage complexes et contraignantes. Le fun du début s'évapore ainsi peu à peu pour laisser place à un gameplay, certes malin, mais victime de ses propres ambitions.