Fraîchement débarqué sans crier gare sur Xbox One, D4, pour Dark Dreams Don't Die, suscite la curiosité. Il faut dire que le pitch est aguicheur : un genre de point and click dans la droite lignée d'un Telltale, vêtu d'un univers relativement déjanté et absurde dont seuls nos amis Japonais ont le secret... Motivé ? Ça tombe bien puisqu'il va vous falloir du courage et pas mal d'humour pour encaisser l'aventure. Meurtre, drogue, paradoxes temporels et voyages cathartiques : c'est une enquête très perchée, proposée par Hidetaka Suehiro, alias SWERY.
Proposé pour une quinzaine d'euros en dématérialisé, D4 se présente actuellement comme une première salve épisodique composée d'un prologue d'une trentaine de minutes et de deux épisodes d'environ une heure trente chacun. Le titre vous embarque dans une aventure au scénario plutôt confus mais bigrement entraînant. Bonne nouvelle pour les amateurs de Kinect : D4 est totalement pensé pour l'accessoire de détection de mouvements. Bien évidemment, le jeu est également faisable en intégralité au pad, mais perd alors de sa saveur puisque le gameplay reste relativement basique...
C'est l'histoire d'un mec qui voit une jeune fille dévêtue à la place de son chat
Absurde : c'est sans doute le maître-mot de l'aventure. Sans cesse, dans sa structure scénaristique et dans sa mise en scène, D4 prend plaisir à vous immerger dans un socle sérieux, souvent pompeux, parfois ennuyeux, avant de vous envoyer en pleine face un élément totalement loufoque et inattendu. On explore ainsi au fur et à mesure de l'aventure les déboires de David Young, un ex-enquêteur des stups de Boston, dont la vie a basculé le jour où sa bien-aimée, “Little Peggy”, est retrouvée morte, droguée au Real Blood. Dès lors, le quotidien de notre homme chavire puisqu'il décide d'enquêter sur la mort de Peggy, dont les derniers mots furent “Look for D”.
L'unique homme au monde au courant de ce qu'il est arrivé à la belle se fait donc appelé D. Manque de bol, votre nom est David, et plusieurs personnages clés, aussi charismatiques que dérangeants, portent un prénom commençant par un “D”. Comme un coup dur n'arrive jamais sans une bénédiction, notre héros s'est également fait tirer dessus le soir de la mort de Peggy, par cette dernière d'ailleurs, qui lui offre une belle balafre sur le front. Emmené d'urgence à l'hôpital, David se rend vite compte qu'il a le pouvoir de briser la 4ème dimension (D4) : il peut remonter le temps pour enquêter dans différentes dimensions où les faits sont à chaque fois quelque peu altérés...
Quand The Wolf Among Us rencontre Sliders et Demain à la une
Difficile de vous décrire plus en profondeur la trame sans pour autant spoiler ce qui fait le sel du titre, à savoir cette délicieuse impression d'être emporté dans une scène de théâtre où rien n'est cohérent à part pour les protagonistes au coeur de l'histoire. Néanmoins, s'il y a une chose qui reste constante et solide dans D4, c'est bien son gameplay. Incroyablement rigide et quelque peu vieillot, ce dernier sait très vite poser des bases simples pour que le public puisse adhérer sans trop avoir besoin de se prendre la tête. Un tutoriel rapide expédie l'apprentissage des commandes, et le jeu démarre. D'ailleurs, la compatibilité Kinect offre un confort de jeu et une implication qui est franchement la bienvenue dans un jeu de ce type.
On arrive donc au niveau d'un Heavy Rain au PS Move en ce qui concerne l'immersion par le gameplay. Car si la majorité des QTE reviennent, au pad, à bouger les sticks dans une direction, le tout additionné d'une pression sur une touche, au Kinect en revanche, on vous demandera de mimer certains gestes (un coup de poing, une parade, un mouvement de la main...) de manière assez ingénieuse. On profite donc à 100% du capteur de mouvements et du capteur de commandes vocales (qui ne sert que très rarement mais qui fait son petit effet). Mais alors pourquoi être aussi dithyrambique à l'égard de D4 et ne pas lui offrir une note plus élevée ? Là encore, il y a une raison.
Une oeuvre particulière, pour un public particulier...
Attention, ce jeu n'est pas à mettre entre toutes les mains. Premièrement sa réalisation pourra gêner les yeux les plus exigeants puisque le studio ACCESS Games, en dépit de l'usage de l'Unreal Engine 3, nous propose une esthétique particulière et un peu désuète. A la 3D plutôt sommaire et typique des point and click de Telltale s'ajoute un filtre cel shading qui oscille entre le joli et le franchement dégueulasse. Manque de bol, on note pas mal d'aliasing sur le résultat final, ce qui est assez dérangeant lorsque l'on est sur une exclusivité de 8ème génération. Outre ces petits soucis techniques, il y a évidemment le gameplay par écran, qui rappellera tantôt l'âge d'or du point and click, tantôt le manque d'intuitivité des contrôles au pad, puisqu'il faudra constamment balader un curseur virtuel dirigé au stick, voilà pourquoi nous recommandons grandement l'usage de Kinect sur D4. Pour revenir sur la réalisation, cette dernière est parfois inégale et jongle entre l'épique et le franchement longuet, si bien que l'on se demande parfois si les baisses de rythme et certains dialogues inintéressants de plusieurs minutes ne sont pas là pour faire réagir le joueur concernant l'absurdité du titre... Reste donc à savoir si ces quelques problèmes sauront entacher votre entrain face à cette aventure atypique et franchement marrante à plusieurs, qui vous assurera 3 à 5 heures de poilade et de séquences auxquelles nos homologues d'outre-Atlantique ne pourraient réagir que par un massif : WHAT THE F*** !!!
Points forts
- Une ambiance absurde et savoureuse
- Kinect a (enfin ?) trouvé son genre idéal
- Un jeu à expérimenter à plusieurs
- Des personnages charismatiques
- Une mise en scène au style unique
- Des séquences de QTE très dynamiques
Points faibles
- Peu de rejouabilité (pas d'embranchements dans nos choix)
- Réalisation gênante au début (on s'habitue vite)
- Ne plaira pas forcément à tout le monde
- Format épisodique parfois frustrant (surtout à la fin de l'aventure)
Etrange, ingénieux lorsqu'il le souhaite, souvent drôle, effrayant malgré lui, sciemment ennuyeux par moments : D4 ne laisse pas indifférent. Pensé pour les amateurs de point and click et d'expériences interactives de la trempe des titres de Quantic Dream, le jeu de SWERY nous offre là une bonne dose d'absurdité vidéoludique, marqué par ses défauts mais sauvé par son ambiance, par son accessibilité, et par son confort au Kinect. Une aventure que nous conseillons, surtout aux plus déjantés d'entre vous !