La dernière partie de la saga The Lost Crowns (les couronnes perdues) est désormais disponible. Après un Sunken King empoisonné et un Old Iron King enflammé, l’heure est venue d'affronter la neige et le blizzard dans sa plus belle armure en moumoute. Salués pour leur qualité globale, les deux premiers DLC avaient su réinjecter à Dark Souls II toute l'ingéniosité du level design propre à la saga depuis ses débuts. Cette conclusion parvient-elle à suivre le même chemin ? Que penser au final de cette trilogie à parution mensuelle proposant de récupérer l'une des couronnes des anciens rois ?
A l’origine, les développeurs de Dark Souls II ne souhaitaient pas proposer de contenu supplémentaire pour le jeu. On imagine aisément une partie de leur esprit tournée vers d’autres projets et en particulier le prochain Bloodborne prévu pour février prochain sur PlayStation 4. Mais c’était sans compter sur les projets de Bandai Namco. Après un Artorias of the Abyss au souffle épique indéniable, l’éditeur a opté ce coup-ci pour une extension morcelée en trois parties vendues 9,99 € l’unité ou via un season pass proposé à 24,99 € tout de même.
Cold Cold Heart
Pour accéder au DLC, direction le sanctuaire de l’hiver et son dernier autel aux trois têtes de serpents coupées. Trois serpents pour trois couronnes synonymes de péchés, le symbolisme made in From Software est toujours aussi présent dans ces extensions. L’ambiance est posée dès l’arrivée, un blizzard opaque réduit la visibilité, il laisse tout de suite imaginer les pires embuscades et les horreurs gelées qui se mettront en travers de notre route. Voici que se dresse devant nous la majestueuse cité d’Elum Loyce, ville immense aux faux airs d’Anor Londo sous la neige. Quitte à introduire l’hiver pour la première fois, autant transformer ses spécificités glaciales en mécaniques de gameplay. Tout ou presque tournera donc ici autour du froid et de la glace. Sous leurs airs de soldats empêtrés dans le givre, les ennemis de base disposent presque tous de capacités spéciales en rapport avec le climat des lieux. Magie hivernale et armes gelées composent ainsi leur arsenal. Mention spéciale aux golems de cristal pouvant matérialiser différentes armes dans la glace et aux roulés-boulés mortels des agaçants hérissons-lapins de givre. Bref, même si le bestiaire réemploie encore et toujours certains modèles éculés, il parvient tout de même à nous surprendre.
Cette même glace est d’ailleurs à la base de notre progression dans cette immense cité paralysée par le froid. Si Sunken King misait beaucoup sur les espaces étriqués pour créer la tension, Ivory King joue cette fois-ci la carte de l’ouverture avec ses larges remparts majestueux. Perdu au beau milieu de ces étendues blanchâtres, il se dégage une très forte impression de solitude, accentuée par le dépouillement presque total des lieux en matière de décoration. Lors de notre première exploration, on constate avec frustration que la plupart des chemins et des coffres sont bloqués par la glace. Notre objectif sera donc évident : trouver un moyen de faire cesser le blizzard. Car une fois la tempête calmée, s’offre à nous la possibilité de redécouvrir la zone sous un nouvel angle. On prend alors conscience de l’immensité des lieux et de toutes les ficelles de level design une nouvelle fois mises en oeuvre avec brio dans cette dernière extension. From Software n’a d’ailleurs pas lésiné sur l’intégration de la neige au gameplay du jeu. Attention donc à ne pas trop se rouler dans la poudreuse au risque de faire d'horribles fat rolls à cause de la neige sur notre armure. Ce sera une question de goût, mais ce dernier DLC propose à n'en pas douter le meilleur cheminement des trois extensions. Il parvient à renouveler le plaisir de l'exploration par des mécanismes transformant l'habituelle corvée des allers-retours en redécouverte totale des lieux.
La reine des neiges
L’absence remarquée de PNJ avec lesquels interagir dans les deux premières extensions s’achève enfin ici avec la présence d’Alsanna, l’oracle d’Eleum Loyce. Il s’agit d'ailleurs de la seule et unique "personne" avec qui discuter au cours de toute l’aventure des couronnes perdues. Même si une nouvelle fois ce DLC soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses, de nombreux éléments narratifs en rapport avec le background de la saga viendront alimenter les spéculations chez les amateurs de lore. La voix d’Alsanna nous demande de vaincre l’ancien roi des lieux, en exil au plus profond d’une majestueuse cathédrale entravée par des racines de glace aux allures de Foyers du Chaos de Dark Souls I. On a pu reprocher aux boss des deux premières extensions de manquer d’originalité et de souffle épique. C’est ici chose oubliée tant deux des trois rencontres renouent avec la mise en scène soignée des combats les plus mémorables de la saga. Je me suis fendu d’un “Ah ouais, quand même !” sur le dernier boss tant sa mise en scène en met plein les mirettes. Sauf peut-être pour la phase optionnelle Mon Petit Poney sous le blizzard aveuglant, la difficulté globale de ce DLC reste plutôt homogène avec celle de ses prédécesseurs. Son ambiance, en revanche, le tire incontestablement vers le haut.
Pour conclure son triptyque en beauté, From Software n’a pas lésiné sur les loots dans ce dernier épisode. Les aventuriers talentueux dénicheront donc une ribambelle de nouveaux objets glacés aux effets parfois surprenants. Je pense ici par exemple au Poing d’Os et son moveset transformant le personnage en maître des arts martiaux adepte de l’Hadoken. On pourra toutefois regretter l’obligation de devoir farmer bêtement certains ennemis une fois le dernier boss vaincu pour libérer l’accès à l’âme d’un PNJ permettant de forger une arme. Que penser au final de cette trilogie The Lost Crowns ? On ne le répétera jamais assez, mais son level design global est bien plus inspiré que celui du jeu de base. L’exploration retrouve dans ces trois nouvelles zones - et plus particulièrement dans ce dernier DLC - la place qui lui était accordée dans le premier volet de la saga Dark Souls. Dommage que sur les neuf boss ajoutés certains se reposent, sans véritable prise de risque, sur les schémas connus de rencontres déjà vécues par le passé. On passera sur les réutilisations flemmardes de quelques modèles d'ennemis pour y retenir plusieurs affrontements très réussis dont l’apothéose réside dans cet Ivory King. Toutefois, Artorias of the Abyss allait plus loin dans ses ambitions en proposant une histoire plus riche. Si vous vous attendiez à une révélation finale, il faudra encore vous contenter ici des fragments d’un scénario nébuleux n’apportant presque aucune réponse sur le but de cette chasse aux trois couronnes.
Points forts
- La neige très bien intégrée au gameplay
- La beauté froide d'Elum Loyce
- Des boss au souffle épique retrouvé
- Du loot dans tous les recoins
Points faibles
- Une conclusion qui nous laisse carrément sur notre faim
- Des arrière-plans toujours aussi bas de gamme
- Ces satanés chevaux du blizzard...
The Lost Crowns s’achève donc sur un très bon Crown of Ivory King à l’ambiance glaciale maîtrisée. Comptez quatre bonnes heures pour visiter les vastes étendues gelées d’Elum Loyce. Intégrées intelligemment au gameplay, les mécaniques autour du froid redonnent tout leur sens à l'exploration des lieux sous divers angles. Les combats de boss ne sont pas en reste puisqu'on y retrouve le souffle épique des plus belles rencontres de la saga. Un regret persiste cependant quant à l'absence remarquée de véritable conclusion pour ces extensions. Certes, notre inventaire dispose maintenant de trois couronnes associées à un background particulier, mais l'articulation entre nos trois périples semble bien ténue et aurait sans doute mérité une fin plus consistante. Quoi qu'il en soit, l'heure est venue pour Dark Souls II de refermer le livre d'une aventure couronnée de succès.