Lorsqu’il y a quelques années, les premières vidéos d’ArcheAge ont commencé à apparaître sur la Toile, de nombreux regards se sont penchés sur ce MMO coréen au concept atypique. Entre sandbox, commerce et guerres ouvertes, ArcheAge revendiquait une orientation résolument originale. Comme bien souvent avec les productions asiatiques, on s’est alors demandé si le jeu débarquerait un jour sur nos PC. C’est début 2013 que Trion Worlds annonce avoir acquis les droits d’exploitation occidentaux du titre, ajoutant à son catalogue un nouveau venu aux côtés de Rift et de Defiance. Après de longs mois d’alpha fermée et quelques week-ends de bêta où les joueurs ont pu se familiariser avec les mécanismes du jeu, ArcheAge a officiellement ouvert ses portes il y a deux semaines maintenant. Quelques dizaines de milliers de points d’artisanat dépensés plus tard, de centaines de poulets nourris au grain et de forêts abattues, l’heure est venue de porter un premier avis sur ce MMORPG atypique.
Si à la base ArcheAge est un titre coréen développé par d’anciens membres de la team Lineage, Trion s’est assuré d’avoir une main de fer sur son exploitation dans nos contrées. Cela se traduit en jeu par une occidentalisation de nombre de ses mécanismes, secondée par une gestion totale des serveurs et de la boutique du jeu. ArcheAge est proposé sous deux formules, un accès free-to-play qui, vous le constaterez dans le dernier paragraphe, est quelque peu limité et une formule d’abonnement mensuel à 13 € environ permettant aux joueurs de bénéficier de tous les aspects sandbox du jeu, d’une régénération accrue de leur ô combien capitale jauge d’artisanat, d’un bonus d’expérience et de quelques facilités dans le cash shop interne. Pas de serveurs français pour le coup mais des serveurs européens multilingues où règne la fraternité entre les différentes nations (enfin, quelques minutes par jour seulement).
Je suis un demi-elfe-nain quadri-classé... à la fois guerrier, nécromant, druide, avec option assassin...
ArcheAge propose de suivre la destinée de deux factions fraîchement débarquées sur un immense continent après avoir fait machine arrière dans la trame temporelle afin d’éviter une terrible catastrophe. Pour faire simple, on fait table rase de toutes les erreurs du futur pour retrouver la page vierge d’un passé bien utile à la fondation d’un jeu sandbox. On l’aura compris, c’est à nous qu’incombe la tâche de refaçonner le monde. Pour son lancement, le jeu propose d’incarner l’une des quatre races disponibles. D’un côté les Nuiens, représentant une race humaine occidentale associée aux Elfes. De l’autre les Haranis, race asiatique main dans la main avec les Firrans, sortes de félins humanoïdes. Le choix d’une race déterminera notre continent de départ, une partie de la trame scénaristique et bien entendu notre faction d’appartenance. Si du côté de Nuia, l’ambiance se veut médiévale baroque, elle sera plus exotique du côté d’Haranya, le second continent. Une évidence apparaît après quelques heures de jeu, si vous êtes à la recherche d’une trame scénaristique complexe et immersive alors ArcheAge n’est probablement pas le jeu vers lequel vous tourner. La faute à un scénario bien trop évasif que la plupart des joueurs finissent par zapper par désintérêt. Bref, le jeu nous fait bien comprendre que son intérêt ne réside pas dans cet aspect. ArcheAge est un monde ouvert à la progression libre. Aux joueurs donc de construire leur propre histoire grâce à leurs actes.
Première étape obligatoire, la création de personnage. Cette dernière propose quelques fonctionnalités avancées permettant entre autres de modifier les traits du visage ou de changer l’orientation et la taille des marques sur le visage. Dommage qu’il ne soit pas possible d’influer sur la taille ou la corpulence du personnage. Une fois masqués sous leurs pièces d’armure, tous les joueurs tendront malheureusement à se ressembler. La finalisation de la création passera par l’étape de sélection d’une première vocation. Au départ limitée à six Arts (Guerrier, Mage, Archer, Animiste, Nécromant, Assassin), la spécialisation du personnage empruntera dès le niveau 10 des voies bien plus riches et complexes. Car à la manière d’un Rift, il est possible de choisir 3 écoles pour créer sa classe personnalisée parmi les 10 spécialisations disponibles. Cette tambouille accouche de plus de 140 archétypes de classes qu’il sera possible de tester à tout moment via une simple respécialisation auprès d’un PNJ. Combinez par exemple la branche des Guerriers, celle des Protecteurs et des Animistes pour obtenir un Paladin, ou osez quelques associations plus originales pour créer des Archers Mages ou des Voleurs Soigneurs si la perspective d’un tel gameplay vous enchante. Quoi qu’il en soit, chaque triplette aura le droit à son petit nom : Hiérophante, Persécuteur, Noyeur du Fléau, Anarchaos ; une belle variété de classes que l’on prendra plaisir à observer chez les autres joueurs. Toutefois, ne nous voilons pas la face, pour être véritablement efficaces en combat, la plupart des joueurs choisiront certaines associations inévitables de talents comme Archer et Assassin ou Guerrier / Protecteur. Très libre, le système d’ArcheAge permet à n’importe quel personnage de porter tout type d’armes et d’armures quelle que soit sa classe. Un sorcier pur aura tout intérêt à porter du tissu, mais rien ne l’empêche au final de se balader en armure ou de porter un gros marteau s'il souhaite jouer de la sorte.
Moi je bondis comme ça, et je vous arrive dessus en piqué diagonal
Côté gameplay, ArcheAge ne joue pas la carte de l’innovation et se contente d’avancer un système de jeu quelque peu daté basé sur un ciblage manuel. Après avoir baroudé sur des titres à l’action plus dynamique tels que Tera, Wildstar ou même TESO, il est assez déstabilisant de revenir à ce type d’affrontements plus classiques. Néanmoins, classique ne veut pas dire dénué d’intérêt puisque les combats s’avèrent tout de même plaisants à prendre en main grâce à l’ajout de combos déclenchés par l'enchaînement de certaines capacités. Toutefois, la véritable finalité de la chose s’exprime lors des affrontements entre joueurs. Joueurs PvE ou autres Carebear, passez votre chemin. L’essentiel du contenu End Game d’ArcheAge est basé sur le PvP. Dès le niveau 30, la petite promenade de santé que constituait votre pexing contre des créatures à l’IA banale commence à se transformer en lutte pour la survie dès lors que la zone explorée entre en état de guerre. A partir de ce moment-là, seule la loi du plus fort compte. Tout le monde a alors le loisir de se mettre sur le coin de la tronche pour récolter des points d’honneur ou tout simplement se divertir. Si la faction adverse représente l’essentiel du danger, il faudra aussi se méfier des joueurs de notre propre faction puisque ces derniers pourront choisir de passer en mode PK (Player Kill) dans les zones atteignant le niveau contesté. A partir de ce moment, fini la paix et les petits oiseaux, la chasse à l’homme est déclarée. Si cette option entraîne inévitablement quelques abus de pouvoir (comme des joueurs de haut niveau s’en prenant à d’autres de niveau plus faible), elle apporte à la phase de leveling une tension toute particulière. Certains s’en délecteront tandis que d’autres pesteront sévèrement sur ce système, ceux-là ne feront pas long feu sur le jeu.
C’est ici qu’entre en jeu l’une des particularités d’ArcheAge : sa justice entre les mains des joueurs. Lors d’une agression ou d’un vol, des traces sont laissées sur les lieux du crime. Les joueurs peuvent cliquer dessus pour signaler le méfait, ce qui aura pour incidence de faire monter la jauge d’infamie du coupable. Arrivé à 50 points de crime, le “coupable” est automatiquement conduit devant un juge à la mort de son personnage. Deux choix s’offrent alors à lui, accepter une sentence automatique ou tenter de défendre sa cause face à un jury composé de cinq autres joueurs de sa faction. C’est ici que les choses amusantes commencent puisque les procès publics (les discussions sont visibles par tout le monde sur un canal spécifique) font étalage d’une grande théâtralité teintée de mauvaise foi évidente, de patriotisme exacerbé et de vaines tentatives de défense face à un jury animé par le plaisir sadique d’envoyer un coupable en prison pour une durée allant de quelques minutes à de longues heures selon la tête du client. La prison sera l’occasion pour le joueur de se repentir en jouant au football dans la cour commune ou en cassant des cailloux pour passer le temps, à moins de trouver une méthode pour s’évader (ce qui n’est pas bien compliqué avouons-le). Les joueurs multirécidivistes pourront même être bannis de leur propre faction. Considérés comme indésirables, ils se retrouveront alors dans une troisième alliance, celle des pirates. Une carrière risquée pouvant toutefois rapporter gros puisque basée sur l’attaque et le vol des précieuses ressources des autres joueurs.
Vous avez tué ma poule ?! Non mais est-ce que vous êtes pas un peu marteau, vous ?
La pierre angulaire d’ArcheAge, ce qui fait son originalité, c’est le commerce. Tout ou presque se base sur les échanges et l’artisanat. Très tôt, le joueur est conduit sur le chemin chronophage du craft et des échanges. Entre culture, élevage, housing, voyages commerciaux et fabrication d’objets, cet aspect occupera une grande partie de notre temps de connexion. La plantation de ressources et leur récolte se veut la base d’un système économique laissé entre les mains des deux factions. Si les gisements de minerai se trouvent en abondance dans les différentes régions du jeu, il en va par exemple tout autrement pour le bois, matériau pourtant essentiel dans la plupart des constructions. Le but sera alors de devenir propriétaire terrien pour exercer ses fonctions d’agriculteur et d’éleveur en toute sécurité. Car s’il est tout à fait possible de planter ce que l’on veut où l’on veut dans le monde, rien ne peut en revanche garantir au propriétaire légitime la récolte de ses ressources puisque tout élément placé hors des limites définies des propriétés privées pourra être ramassé ou arraché par le premier joueur venu. Il en résulte son lot d’activités parallèles comme les fermes dites “illégales” où les joueurs profitent du moindre endroit un peu planqué des immenses cartes pour faire croître d’énormes quantités de ressources à l’abri des convoitises.
Pour éviter la fauche, il convient donc de s’affairer à la tâche pour débloquer sa première ferme personnelle puis, plus tard, sa propre maison. Un système qui, vous vous en doutez, entraîne une course effrénée à la moindre parcelle disponible. Revers de la médaille, les zones habitables étant limitées, des petits malins profitent de leur connaissance des mécanismes du jeu pour rusher les étoiles de Gilda (la monnaie servant à acheter la plupart des plans de housing) afin de réserver au plus vite la plupart des meilleurs emplacements. Résultat, dès les deux premiers jours de lancement, trouver un terrain libre commençait déjà à devenir une tâche compliquée. Attention toutefois la moindre action d’artisanat consommera une certaine quantité de points de labeur, une jauge d’une importance capitale dans le jeu se régénérant plus ou moins vite selon votre statut d’abonnement.
Vous l’aurez donc compris, chaque région dispose de ses propres zones de construction sur lesquelles les joueurs peuvent réclamer une ou plusieurs parcelles. Au-delà des commodités apportées par les vendeurs et les établis de craft souvent placés à proximité de ces espaces réservés, tous les territoires disposent de leur propre climat. Cela aura une influence directe sur le type de culture possible. Notre maison sera ainsi l’endroit idéal pour placer un coffre de stockage, un bon lot de décorations à crafter ou des ateliers d’artisanat. On y placera idéalement à proximité ses cultures dans lesquelles, un peu à la manière d’un Farming Simulator, il conviendra de planter, d’entretenir, d’élever ou de récolter des fruits, des fleurs, du coton, des animaux à plus ou moins grande échelle selon la parcelle disponible. Tous ces matériaux alimentent un vaste et profond système d’artisanat composé de 18 métiers permettant de fabriquer les armes et armures les plus puissantes du jeu, des potions, des meubles, des engins de travail et toute une variété d’objets à la base de la complexe machine économique du jeu basée sur les échanges entre joueurs. Des échanges qui prendront aussi la forme de Trade Runs, sortes de parcours commerciaux de zone en zone pendant lesquels les joueurs devront transporter de lourds paquets sur leur dos pour les remettre à certains PNJ marchands. Alourdis et ralentis, ils seront à la merci des créatures et des autres joueurs. Ce système risqué représente toutefois un moyen de choix pour s’enrichir. Pour plus de sécurité, il invite implicitement les joueurs à coopérer entre eux afin de créer de véritables escortes de guilde ou d’alliances traversant les terres et les mers à bord des véhicules construits en collaboration. C’est un peu ça, l’esprit ArcheAge.
Mi-sandbox, mi-themepark et re mi-sandbox derrière !
Ces éléments confèrent incontestablement à ArcheAge une identité propre au beau milieu d’un marché saturé de MMORPG classiques. Si la concurrence s’apprête à pointer le bout de son nez (Black Desert Online, Bless, The Repopulation, Star Citizen, Albion Online, Shroud of the Avatar, Life is Feudal, etc.), seul EVE Online semble aujourd’hui brasser une forte communauté dans le monde du MMO sandbox (ce n’est pas le seul, bien entendu). ArcheAge offre un immense panel d’outils permettant de revendiquer lui aussi son statut de MMO sandbox. Il s’offre même le luxe de dépasser ses ambitions grâce à son immense panel de possibilités ouvrant la voie à certaines formes de gameplays émergents. Toutefois, n’allez pas pour autant croire que le titre soit 100% sandbox. Il aurait même plutôt l’arrière-train coincé entre la chaise du themepark et celle du sandbox. Revenons par exemple sur les zones d’habitation proposées aux joueurs. Si ces dernières sont nombreuses, il reste impossible - sauf en de trop rares endroits - de poser sa maison au beau milieu de la nature pour espérer prospérer loin de la foule.
Il faudra se contenter d’espaces bien délimités, surchargés d’habitations toutes quasi identiques et agglutinées les unes sur les autres. Cette limitation confère aux zones résidentielles d’ArcheAge un sentiment très impersonnel de banlieue étouffante gouvernée par un urbanisme chaotique où chaque centimètre carré exploitable est automatiquement occupé par un champ, une batterie de dindons alignés en régiment militaire ou par les fondations d’une maison posée à la hâte par un joueur trop heureux d’avoir pu trouver quelques mètres carrés encore disponibles. Dans le même ordre d’idées, les arbres peuplent les différents paysages mais seuls certains spécimens naturels seront récoltables quand bien même le joueur se trouve au beau milieu d’une forêt. Si ces limitations visent à contrôler l’aspect visuel des territoires afin d’éviter d’aboutir sur des zones défrichées et saturées de maisons de toutes parts, elles éloignent tout de même le jeu de la définition d’une pure expérience sandbox. Conjuguer sandbox et massivement multijoueur impose donc certaines restrictions.
Le leveling par les quêtes quant à lui ne cherche pas à faire dans l’original. Il propose un système baignant pour le coup dans un aspect themepark vu et revu (et encore revu). Qu’on se le dise, les quêtes ne brillent pas par leur originalité. Elles plongeraient même la tête la première dans tous les travers décriés par les joueurs depuis de nombreuses années. Alors que la tendance actuelle du MMO à l’occidentale se dirige vers des systèmes plus libres favorisant l’immersion, ArcheAge dévoile toute sa nature asiatique avec son lot de bashing no brain et ses missions constituées de nombreux allers-retours. Fort heureusement, pexer de cette manière n’est pas la seule option pour progresser. On finit d’ailleurs par bénir les longues minutes passées dans les champs ou devant les tables de craft pour leur gain très intéressant en termes d’expérience. Notons toutefois la présence d’un ingénieux système concernant les récompenses de quêtes permettant de faire varier le bonus d’expérience en dépassant ou non leurs objectifs. Quelques donjons viendront aussi ponctuer la progression mais l’accent n’est clairement pas mis sur cet aspect du jeu.
Pourtant l’exploration du vaste monde est loin d’être désagréable et les moyens de déplacement bien adaptés à l’immensité des lieux. Assez tôt dans l’aventure, on récupérera notre fidèle monture. Elle dispose de sa propre barre d’expérience et peut même être conservée à nos côtés durant les combats afin d’augmenter son niveau. Ce transport terrestre est secondé un peu plus tard par l’un des moyens de locomotion les plus agréables qu’il m’ait été donné d’essayer dans un MMO depuis de nombreuses années : le planeur. Cette aile portable autorise en effet le joueur à flotter dans les airs sur de longues distances. Il en résulte un grand sentiment de liberté associé à des transitions entre les zones soumises à aucun temps de chargement. Plus intéressant encore, la mer ne sert pas de frontière mais participe pleinement à la vie économique du MMO. Et quoi de mieux pour la traverser que de se construire son propre bateau. De la modeste barque offerte en début de périple au navire de guerre, les possibilités sont nombreuses et permettront aux structures les plus ambitieuses de se lancer dans des batailles navales épiques contre d’autres équipages voire contre certains monstres marins dont le terrible Kraken. Des maisons sur pilotis et des fermes aquatiques sont d’ailleurs disponibles pour quiconque serait attiré par une vie sous la fraîcheur des embruns. Bref, l’exploration est une composante majeure d’ArcheAge et tous les moyens sont mis à la portée des joueurs les plus motivés pour conquérir le monde... à condition d’être dans une grosse structure non ?
Taillé pour les grosses structures organisées ?
Après quelques mois passés sur l’alpha et maintenant que le jeu est disponible pour tous depuis deux semaines, une question se profile : ArcheAge pourra-t-il retenir sur la durée les joueurs esseulés et les petits comités d’amis ? Ses mécanismes ne l’orienteraient-ils pas plus vers les grosses structures plus organisées ? Pour vivre une expérience MMO dans les meilleures conditions possibles, il convient de faire partie d’un groupe de joueurs rassemblés sous la bannière d’une guilde. C’est d’ailleurs ces mêmes grosses guildes qui profiteront sans doute le plus de ce que propose ArcheAge à haut niveau. Auroria, le continent lvl 50 du nord (partiellement fermé pour le moment) est tout entier conçu pour être le théâtre d’affrontements de grande envergure entre structures très organisées. Ces dernières auront la possibilité d’investir beaucoup de ressources et de temps pour conquérir une région afin d’y installer leurs propres domaines autour d’un trône à défendre par la suite.
En contrepartie, elles accéderont à de nombreux matériaux rares et seront libres de définir le montant des taxes pour les habitations avoisinantes. Ces mêmes guildes auront aussi moins de mal à amasser suffisamment de matériaux pour construire les navires les plus puissants et contrôler le marché de certains produits rares. Les petites structures trouveront sans doute aussi leur compte dans ArcheAge. Toutefois, à moins de convenir à des alliances, elles n’auront pas accès à tous les aspects du jeu. Quant au joueur solitaire, il s’occupera de sa maison et de ses récoltes, participera à certaines batailles, mais finira peut-être assez vite par tourner en rond une fois le niveau maximum atteint. A voir donc sur la durée si ArcheAge parvient à conserver l’intérêt du public pour son système atypique et complexe. C’est bien là toute la difficulté rencontrée par les derniers MMO sortis sur le marché : retenir des joueurs butinant de toutes parts mais ne prenant plus trop le temps de se poser de manière durable.
Cry Me a River
Graphiquement parlant, ArcheAge exploite les capacités du Cry Engine 3 pour un rendu des plus plaisants sur la plupart des régions. Ce “la plupart” n’est pas anodin puisqu’on ne peut pas parler d’une réussite graphique homogène pour toutes les zones du jeu. Techniquement dans le haut du panier de la production actuelle, ArcheAge souffle néanmoins le chaud et le froid sur certains aspects. L’eau par exemple bénéficie d’un rendu splendide rendant très agréable les virées en bateau le long des côtes ensoleillées. A propos de soleil, les effets de lumière sont réussis et font par exemple ressortir le côté bucolique des campagnes nuiennes. Malheureusement, le charme n’opère pas partout. Certaines régions semblent en effet ne pas avoir bénéficié du même soin apporté à leurs voisines, les textures sont plus grossières, les environnements plus vides. Les phases nocturnes souffrent elles aussi de cet essoufflement graphique, une zone superbe de jour pourra ainsi devenir assez quelconque de nuit. Du travail reste encore à fournir du côté de l’optimisation du moteur notamment en matière de réduction du clipping et d’amélioration des performances dans les zones résidentielles.
Gageons qu’Xl Games et Trion travaillent sur cet aspect pour nous proposer quelques correctifs au cours des prochains patchs. ArcheAge est aussi l’un des rares MMO à intégrer un moteur physique permettant aux véhicules de subir les aléas de la route ou aux bateaux de rentrer en collision entre eux. L’animation des personnages est quant à elle plutôt convaincante, on ressent le souci du détail apporté aux mouvements de combat ou aux emotes. Un point important ici concerne l’ambiance générale du titre qui ne lorgne pas trop du côté des standards asiatiques. Même si certains objets arborent un côté anachronique et décalé, la plupart des armures, des armes et des décors sont inspirés du monde médiéval occidental et oriental et ne pèchent pas par excès de détails farfelus. La bande-son est dans l’ensemble agréable à écouter mais on coupera bien vite les agaçantes musiques de combat. Si la localisation en français est de bonne facture, la plupart des marchands s’expriment encore en coréen. ArcheAge est donc un jeu agréable à parcourir avec son monde immense, sans temps de chargement, aux zones séduisantes et variées pour la plupart d’entre elles.
Un vrai-faux free-to-play ?
Abordons maintenant le détail qui fâche une partie des joueurs : l’aspect free-to-play du jeu. L’ambition de Trion en acquérant les droits d’exploitation d’ArcheAge en Occident était de proposer un jeu basé sur un double modèle : free-to-play d’un côté et à abonnement premium de l’autre ; le tout en répondant aux exigences de leur slogan “No Tricks, No Traps”, pas d’arnaques, pas de pièges. Mais comment alors motiver les joueurs à passer à la caisse ? La réponse réside dans les restrictions mises en place du côté du housing et de l’artisanat par les joueurs gratuits. Si les abonnés mensuels ne souffrent d’aucune restriction tant au niveau de leur accès à la propriété que de la régénération de leur jauge d’artisanat, les joueurs en mode gratuit n’auront tout simplement pas la possibilité de réserver un terrain, de payer des taxes ou de mettre en vente des biens à l’hôtel des ventes.
Pour faire simple, ArcheAge free-to-play offre à l’heure actuelle une expérience plus themepark que sandbox, une sorte d’offre de découverte bridée amputant le jeu de ce qui fait pourtant son charme. Une restriction néanmoins compréhensible puisqu’elle permet d’éviter la prolifération de certaines pratiques douteuses tout en garantissant aux abonnés un accès plus sécurisé aux zones habitables. La boutique en jeu a subi une cure d’occidentalisation made in Trion pour éviter de tomber dans les travers du pay-to-win. Entre les divers objets décoratifs, les costumes et les apparences de planeur, il y est possible d’acheter des extensions d’inventaire (aussi disponible via l’or du jeu), des montures ou encore quelques élixirs de régénération des points de travail ou d’augmentation d’expérience de craft. Au final, un joueur souhaitant profiter pleinement du jeu devra passer par la case abonnement mensuel au risque de se retrouver face à un MMO mi-PvE, mi-PvP sans grandes innovations. Trion promet néanmoins de revoir la formule free-to-play dans les mois à venir afin d’ouvrir un peu les vannes du sandbox aux joueurs les plus investis.
Un point sur le lancement
Pour conclure, faisons un point sur le lancement d’ArcheAge. Si ce paragraphe n’est pas appelé à influencer notre avis sur le jeu, il est toujours intéressant de savoir comment les serveurs se sont comportés lors des premiers jours d’exploitation. Je crois que le mot approprié serait ici tumultueux pour ne pas dire chaotique. En effet, dès la pre-release du vendredi 19 septembre (ouverte uniquement aux personnes ayant acheté un pack fondateur), les soucis ont commencé à apparaître. Serveurs surchargés, files d’attente interminables, zones habitables saturées en quelques heures à peine, gold spammeurs tenaces sur les canaux de discussion, objets de précommande non livrés, le lancement ne s’est pas fait sans douleur. Les choses se sont d’ailleurs aggravées lors de l’arrivée des joueurs free-to-play le mardi suivant avec une augmentation de la durée d’attente dans les files, le tout agrémenté de nombreuses attaques DDOS à l’encontre de l’éditeur.
Bref, il fallait s’accrocher pour espérer se connecter en soirée. L’apothéose semble avoir été atteinte lorsqu’une grande partie des abonnés a perdu son statut premium pendant plus de 48 heures. Un problème que Trion a eu bien du mal à résoudre. Les messages de clients mécontents commençant à prendre des proportions inquiétantes, l’éditeur s’est décidé à sortir l’artillerie lourde à grand renfort de support client supplémentaire et d’aide accrue des équipes d’XL Games. La situation semble néanmoins être rentrée dans l’ordre depuis la mise en place d’un filtre anti-bot plus puissant, des nouveaux serveurs et d’une mesure drastique mais nécessaire déconnectant automatiquement tout joueur inactif depuis quelques minutes. Victime de son propre mécanisme de régénération de points d’artisanat plus important en ligne que déconnecté (ce qui ne motive personne à sortir du jeu), les équipes de Trion ont dû passer une semaine assez stressante et mesurer la quantité de travail que peut engendrer la gestion d’un titre provenant d’un développeur tiers. Mais elles semblent tenir le bon bout maintenant.
Points forts
- Système sandbox riche, complexe et addictif
- Artisanat gargantuesque faisant vivre une économie gérée par les joueurs
- Housing complet
- Monde ouvert sans temps de chargement
- Parcourir les océans sur son propre bateau
- Un PvP au cœur du système de jeu
- Une grande combinaison de classes
- La justice laissée aux mains des joueurs
- Système original de progression des montures
- Un rendu graphique dans l'ensemble très agréable...
Points faibles
- ... mais inégal selon certaines zones ou textures
- Scénario anecdotique, quêtes ultra standards
- Système de combat trop classique
- Zones résidentielles saturées et impersonnelles
- Mode free-to-play restrictif
- Une création de personnage qui manque un peu d'options
ArcheAge débarque sur un marché 2014 du MMORPG saturé d’offres avec de solides arguments en sa faveur. S'il n’usurpe pas son étiquette sandbox, il contient toutefois de nombreuses composantes themepark classiques à même de faire grincer des dents les joueurs n’y voyant qu’un simple passe-temps ponctuel. Car le MMO édité par Trion ne dévoilera son véritable potentiel qu’aux joueurs investis et motivés par le fait de participer activement à la vie économique des serveurs. Doté d’un système d’artisanat d’une très grande richesse et d’un gameplay fortement orienté vers le PvP, ArcheAge fera le bonheur des structures organisées voyant en lui une fantastique page vierge à remplir grâce à leurs efforts combinés. Reste maintenant à voir si Trion assouplira quelque peu les restrictions de son mode free-to-play qui, en l’état, prive les joueurs gratuits de ce qui fait le charme de ce sandbox audacieux et réussi.