Le soleil se lève sur les plages de Copacabana, les coraux géants baignent dans la douce lumière matinale avec en toile de fond la gigantesque épave de l’Arclight. Je sirote un cocktail lorsqu'une bande de crabes belliqueux me saute soudainement au visage. L’heure est venue de revêtir ma tenue de combat ! Armes aux poings et propulseurs dans le dos, je vais en faire de la chair à pâté... de crabe. Surimi pour tout le monde au buffet ce midi. Voilà le quotidien d’un joueur fraîchement débarqué dans Firefall, le “nouveau” MMO-shooter free-to-play de Red 5 en bêta depuis 2011 dont la gestation a débuté il y a plus de huit ans maintenant. Fruit d’un développement un brin tumultueux dirons-nous, cet hybride de MMORPG et de jeu de tir est enfin sorti sur PC.
Pourquoi nos amis les fruits de mer semblent-ils tellement en colère ? Tout est lié au récent crash de l’Arclight, un énorme vaisseau spatial gisant désormais dans la baie de Rio de Janeiro. Une catastrophe accompagnée d’un certain nombre de conséquences fâcheuses. L’espace-temps est déchiré, le monde quasi recouvert d’un brouillard meurtrier (le Melding) et une chute de météores enflammés (le Firefall) a provoqué d’importants ravages. De quoi ruiner un bel été de farniente. Comme si cela ne semblait pas suffisant, une mystérieuse race ennemie, les Chosen, s’invite à la petite fiesta. C’est donc au joueur qu’incombe la tâche de faire un peu de ménage dans ce beau bazar. Direction les plages brésiliennes pour commencer une aventure rythmée par des missions scénarisées, des événements dynamiques, du PvP et beaucoup, beaucoup de récolte de composants.
She’s on fire(fall) !
Il n’y a pas véritablement de classes fixes dans Firefall, mais des armures interchangeables à volonté. Chaque combinaison (ou Battle Frame) est associée à des armes spécifiques et à un gameplay différent. On aura le choix de switcher entre les tenues de soldat, d’ingénieur, de médic, de sniper ou de gros tank à la gattling grâce à un simple passage à l’armurerie. Firefall permet également de basculer à tout moment la caméra entre une vue FPS et TPS. Chacune aura des avantages ; la première est plus immersive en combat tandis que la seconde semble plus adaptée aux phases de plates-formes. Cette absence de cloisonnement confère un vrai plus à la phase de leveling puisque la monotonie engendrée par la répétition des objectifs peut être - dans une certaine mesure - atténuée par un changement régulier de sa façon de jouer. RPG oblige, chaque armure dispose de sa propre barre d’expérience et de ses capacités uniques. Un joueur de niveau 20 en tenue de sniper pourra donc très bien se retrouver niveau 1 s'il décide de changer de tenue en cours de partie. Ce n’est pas un véritable désagrément puisque Firefall ne repose pas sur une course effrénée au leveling.
Contrairement aux premières versions du jeu, la release prend le joueur par la main dès le départ en le guidant via un lot de missions chargées de lui présenter le panel des activités disponibles. Notez que Firefall dispose actuellement de voix en anglais mais de textes traduits en français. Au fil des quêtes, force est de constater que la plupart des objectifs se révèlent assez standards. Tout ça donne le sentiment de tourner autour des mêmes objectifs. Nettoyer une zone, sauver un PNJ en mauvaise posture ou se rendre à un endroit particulier. Fort heureusement, des événements dynamiques ou des phases instanciées ponctuent ici et là la relative monotonie de ces petits périples scénarisés. Toutefois, à cause de ce manque cruel d’originalité, l’ennui guettera bien vite le joueur concentré sur cet unique aspect du jeu.
Petit jogging matinal
Le monde de Firefall est vaste et les outils de déplacement peu nombreux. On dispose dès le départ d’un jetpack pour prendre un peu de hauteur ou fluidifier nos mouvements. Certains bâtiments offrent quant à eux des dispositifs conférant au personnage une paire d’ailes afin de planer majestueusement vers un objectif. C’est un grand plaisir d’utiliser ces deux méthodes de déplacement car la sensation de liberté s’avère grisante en début d’aventure. Néanmoins, trop de missions impliquent des allers-retours incessants entre plusieurs objectifs. Va me chercher des fournitures médicales à 1 kilomètre au nord et reviens me les donner pour ensuite retourner au même endroit afin d’y déployer un radar. Le jeu finit par prendre des airs de véritable jogging. Au mieux, ces trajets seront parfois rythmés de quelques rencontres imprévues, mais dans l’ensemble, ils finiront par devenir de simples corvées rébarbatives.
Le système de combat est en lui-même assez solide même s'il ne prend pas d’énormes risques en matière d’innovation. Le plus gros problème à mon goût apparaît après quelques heures en jeu. Les armes souffrent d’un manque évident de punch. C’est très important pour un FPS ou même un TPS de faire ressentir au joueur le recul, l’impact et la dispersion des projectiles. Firefall échoue pour le moment à transmettre ces sensations. Dommage puisque on ne peut pas dire que le mélange entre shooter et jetpack ne fonctionne pas ici. On retrouve un peu le feeling de Tribes : Ascend avec la dose de fun que cela implique, mais il manque ce petit degré de finition nécessaire à renouveler le plaisir de jeu sur la durée.
Le leveling de Firefall gravite autour de la récolte de ressources servant à alimenter un système d’artisanat assez complet. Le moyen le plus commun de récupérer un bon paquet de composants s’appelle le Thumper. Après avoir sondé le sol à l’aide d’un marteau spécial et trouvé un terrain propice à la prospection, on appelle un Thumper, sorte de grosse foreuse larguée depuis le ciel chargée d’extraire différents minerais durant un temps défini. L’objectif sera de le défendre contre des vagues d’ennemis voulant le détruire. Chose intéressante ici, vous pouvez à tout moment prêter main forte à un autre joueur ou vous faire aider par des inconnus sans nécessité de grouper. C’est tout le principe des événements aléatoires à faire en groupe et c'est sans doute ici que réside le sel de l’expérience proposée par Red 5. L’exemple des grosses tornades de Melding qui apparaissent régulièrement sur la map et invitent tous les joueurs à se rendre dans la zone pour le combat est assez représentatif de cette philosophie de jeu. On y ajoutera les prises de bases, les défenses de zones et les batailles de titans pour comprendre qu’il y a effectivement des choses à faire dans Firefall, mais que le joueur fini tmalheureusement par les répéter en boucle.
On me voit, on me voit plus, on me voit...
Initialement, Firefall lorgnait du côté de l’e-sport. C’était sans compter la réaction du public face à la première version du mode PvP du jeu. Résumons ça en quelques mots : les joueurs l’avaient trouvé inintéressant. De quoi calmer les ambitions de Red 5 et lui faire remballer le mode dans son carton pour le peaufiner avant la sortie. Le PvP a depuis été réintroduit, mais au lieu de plusieurs champs de batailles, il se déroule aujourd'hui sur une seule et unique grande carte. Le principe est simple puisque deux grosses équipes s’affrontent pour le contrôle des points stratégiques et ressources de la map. Ça pourrait fonctionner si un immense problème ne se posait pas actuellement. La carte est très vaste, tout l'intérêt d’un tel mode réside donc dans un nombre élevé de participants. Or, à l’heure actuelle, la zone n’est pas très fréquentée. Une carte PvP vide est le symbole en quelque sorte de l’échec des projets de Red 5 en matière de PvP. C’est dommage, puisque les rares batailles de masse auxquelles j’ai pu participer donnent un bon aperçu des possibilités du mode. Il y a un plaisir frénétique à sauter partout, esquiver les tirs et capturer des points en groupe soudé. Mais le jeu semble payer le prix de son développement chaotique.
Comme la plupart des free-to-play, les articles proposés dans la boutique de Firefall sont cosmétiques et donc tout simplement superflus. Inutiles certes, mais ridiculeusement chers ! Le moindre chapeau, la moindre peinture d’armure atteint souvent les 15 euros. L’achat le plus intéressant serait celui d’une monture permanente (une moto) mais encore une fois, il faut être prêt à mettre la main au portefeuille. La devise utilisée ici s’appelle les Red Bean (Haricots Rouges). Ils permettent au besoin d’accélérer le temps de construction de certains crafts. Comme dans Guild Wars 2, il est possible d’échanger la monnaie du jeu contre ces fameux haricots mais le taux de change a de quoi faire frémir même le plus acharné des farmers. Non pas que Firefall tombe dans le pay to win, loin de là, mais l’équilibre entre l’attrait des objets de la boutique et leur prix affiché souffre du manque de personnalité global du jeu.
Des modèles au rabais
Car côté technique, le titre semble jouer dans deux catégories. D'un côté les paysages dégagent une impression très agréable grâce à leur atmosphère plaisante et colorée. On ne peut pas en dire autant des modèles des personnages, bien pâles en comparaison des décors. Oui Firefall aura de quoi faire penser à Borderlands, mais qu’on se le dise, il n’égale pas la patte artistique de ce dernier. La faute à un cel shading inégal et peu inspiré aux textures assez floues lorsque l'on prend la peine de les regarder de plus près. Les plages ne seront pas les seuls environnements disponibles, on voyagera vers des volcans actifs, des montagnes arides ou encore des étendues gelées. Le moteur du jeu dispose d’ailleurs d’un cycle jour nuit rendant obligatoire l’utilisation d’une lampe lors des phases nocturnes. Phases qui parviennent presque plus à faire ressentir l’intensité des combats que celles en plein jour, grâce à un meilleur rendu des coups de feu dans la pénombre.
Points forts
- Les Battleframe, changer de classe à la volée c'est toujours sympa
- Le jetpack
- Un monde ouvert plutôt agréable à parcourir
- Les gros events en groupe
- Boutique facultative
Points faibles
- Répétitif donc vite lassant
- Le nombre incessant d'allers-retours
- Manque de punch sur les armes
- Map Pvp bien vide
- Les modèles de personnages sont ratés
Firefall contient beaucoup de bonnes idées mais encore de trop nombreux problèmes. La répétitivité des tâches à effectuer et le manque de punch du gameplay n'aident pas vraiment le joueur à s'y projeter sur la durée. Dommage, puisque le jeu offre tout de même son lot de phases agréables. Son monde ouvert, les déplacements avec le jetpack, le flot d'événements surgissant à tout moment, tout ça est suffisant pour passer quelques heures de détente seul ou avec des amis. Au final, Firefall se savourera à plus petites doses que votre MMO habituel. C’est sans doute dans cette optique qu’il prendra tout son intérêt. Toutefois, on peut se demander si après huit ans de développement ce sentiment ne traduirait pas l'échec des ambitions de Red 5. Quoi qu'il en soit, on tient ici un titre dont le potentiel s’exprimera plus en détail lors des futures mises à jour. Mais les joueurs seront-ils encore présents pour le constater ?