Plus que de raconter une histoire, Secrets of Rætikon nous conte l'histoire avec un grand H, du monde mystérieux dans lequel on évolue. Tout en sachant qu'une grande partie de l'intrigue se base sur le ressenti du joueur plutôt que sur un scénario à proprement parler, il faudra se passer de grandes scènes explicatives ou de monologues dramatiques qui nous mâcheraient le travail. A nous donc de tout découvrir, au gré des stèles et des ruines parsemant les montagnes désolées que l'on explorera au fil de notre périple, profitant ainsi du sentiment de dépaysement à la fois reposant et diablement intrigant. Quoi qu'il en soit, il serait dommage de gâcher la découverte du monde en en disant trop, voire même d'imposer notre ressenti de celui-ci, car il revient à chacun de bâtir sa propre histoire à partir des indices disséminés ici et là.

Si on est spirituellement contemplatif, on n'est pas pour autant manuellement inactif. Car si la beauté des décors est subjuguante, nous y reviendrons plus tard, l’exploration n'y est pas de tout repos. La majorité de la faune présente sur place n'étant pas forcément très amicale, il conviendra de virevolter avec grâce dans les airs afin de fuir pour éviter le danger, ou d'y mettre un terme une bonne fois pour toutes avec plus ou moins de subtilité selon l'humeur du moment. Pour ce faire, les possibilités sont nombreuses : de la simple esquive qui fera que l'agresseur essayera de picorer un mur ou des ronces, jusqu'à la tactique du fourbe consistant à organiser une séance de speed dating entre le prédateur et quelqu'un de plus bas que nous sur l'échelle alimentaire. Quelle que soit la façon utilisée, la voie de la manière forte sera souvent judicieuse et couronnée de succès. Mais il faut savoir que le combat ou la fuite ne sont pas les activités principales, loin s'en faut. On passera le plus clair de son temps à récolter les fragments dorés, nécessaires à l'activation de tous les mécanismes se dressant sur notre chemin, ou encore à reconstituer des totems afin de débloquer de nouveaux passages, menant à autant de zones inédites à explorer. De plus, étant donné que l'on est un oiseau, il est très simple de se saisir d’à peu près tout ce qui passe à porter de serres, qu'il s’agisse d'autres animaux, de rochers à déplacer pour se forger un passage, de mécanismes à actionner ou encore d'arbrisseaux à déraciner pour gratter un peu de vie. Là encore, la maniabilité se montre exemplaire, des plus simples mais des plus agréables.

La direction artistique de Secrets of Rætikon, dont les créatures semblent faites de papier mâché, renforce encore le sentiment d'évoluer dans un rêve lorsque l'on prend le jeu en main. Et malgré leur apparente simplicité, les environnements fourmillent de détails et sont entièrement animés : la plupart des objets présents à l'image sont affectés par le moteur physique, et peuvent ainsi être tirés, traînés ou soulevés dans une certaine mesure. Pour ne rien gâcher, le tout est porté par des effets sonores toujours justes, que ce soit le bruissement des feuilles, le souffle du vent qui s'engouffre dans un passage étroit ou encore le battement des ailes qui se réverbèrent dans les vastes ruines souterraines. Au final, tous participent à cette ambiance onirique, irréelle, véhiculée par les montagnes que l'on traverse de part en part, en quête d'on ne sait vraiment quoi, à la découverte de cette première culture dont on imagine l'histoire à mesure que l'on déchiffre les stèles. En parlant de cette dernière activité, il s'avère que la traduction des différents écrits se révèle beaucoup trop simple. En effet, de nombreuses runes sont assez proches de la lettre latine qui leur correspond et il ne sera pas très compliqué de déchiffrer les autres afin de lire le texte dans son intégralité, et cela même sans avoir déniché les items dévoilant toutes les correspondances de l'alphabet. La durée de vie s'en retrouve donc assez affaiblie et ce n'est malheureusement pas le seul point sur lequel Secrets of Rætikon pèche. En effet, les premières fois, on est tout émerveillé du magnifique ballet aérien qui se profile devant nous, lorsque l'on poursuit une pie nous ayant chipé un objet que l'on essayait maladroitement de transporter. Mais les étoiles que l'on avait au début dans les yeux sont vite remplacées par des poignards qu'on aimerait bien utiliser pour épingler ces saletés de volatiles au mur, surtout quand ils s'y mettent à quatre pour voler ce fameux item que l'on s'est fatigué à récupérer. La difficulté s’en retrouve donc assez disparate, avec des moments de résolutions plutôt calmes et d'autres complètement rageants où votre dextérité aviaire sera vite remplacée par du matraquage de touches des plus basiques.

Finalement, même en ayant perdu tout ce temps à faire mumuse avec les pies, on arrive malheureusement au terme de l'aventure, au bout de seulement trois petites heures. C'est un peu court, même pour un jeu vendu une dizaine d'euros, surtout que la rejouabilité n'est pas fameuse. Cependant, rien ne vaut le plaisir de l'exploration, de pouvoir flâner et virevolter à sa guise, au gré des courants d'air et de pouvoir profiter de la découverte d'un monde dans lequel on est lâché, sans contexte ni explications et que l'on doit appréhender par soi-même.