Alors que les développeurs de Sting nous ont depuis quelque temps habitués à des jeux atypiques, déjantés, complexes, ces gens-là ne sont pas complètement monomaniaques. Il leur arrive aussi de travailler sur des productions plus classiques et moins détonantes dans le paysage des J-RPG. Hexyz Force fait partie de celles-là et on constate que, parfois, cela fait du bien de ne pas se prendre la tête.
Dans un monde façonné des millénaires en amont par la lutte entre la déesse de la création, Norvia, et le démon de la destruction, Delgaia, le calme est peu à peu revenu. Sauf que, devinez quoi, le moment est venu pour les humains de choisir leur camp entre les deux antagonistes pour éviter le chaos. On nage donc en pleins clichés des RPG, et l'heure fatidique approche. Le hasard faisant bien les choses, ce sont les deux héros du jeu qui, en tant que Hexyz fraîchement confirmés –comprenez élus mais ça fait moins sérieux–, tiennent le destin du monde entre leurs mains.
Pendant ce temps-là à Vera Cruz
Le joueur devra d'ailleurs choisir lequel il suivra d'un bout à l'autre de l'aventure tandis que l'autre vivra ses propres pérégrinations en parallèle. Du côté lumineux du monde (Lustrous Berge), c’est la jeune nonne Cecillia, prototype même de l'antihéroïne flemmarde, enjouée et iconoclaste (donc marrante et attachante), qui se voit confier les pouvoirs d'un sceptre sacré par la déesse elle-même pour lui permettre de déjouer le retour de son pendant démoniaque. Du côté sombre (Dark Berge), c'est le chevalier Levant, droit dans ses bottes et taciturne, soit l'exact opposé de sa consœur, qui se retrouve embringué dans une histoire de trahison, de rébellion et autres joyeusetés qui menacent l'équilibre de son royaume. Le choix importe peu puisqu'en définitive, malgré des buts divergents, les deux héros et leurs équipes se croiseront et se recroiseront fréquemment au fil de leur quête, et les scénarios n'ont au final rien de très enthousiasmant sorti de quelques rebondissements bienvenus.
Hexyz, l'ABC du RPG
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La progression, elle, consiste à suivre les modèles chibi de nos Hexyz au fil de leurs voyages. Au programme, trekking en forêt, téléportations, quelques énigmes et quêtes annexes à résoudre, rencontre de personnages hauts en couleur, donjons peuplés de nombreux trésors plus ou moins bien cachés et d'ennemis visibles à l'écran et combats au tour par tour. Chouette programme qui devra se faire deux fois –une pour chaque protagoniste– pour visionner le scénario dans son ensemble. Pas très enthousiasmant quand les ennemis rencontrés et les lieux traversés se répètent d’une partie sur l’autre, changeant seulement par l’ordre de visite. Heureusement, pour pimenter une seconde partie un mode New Game+ permet de garder intacte une grande partie de ses possessions. La trame des combats, au tour par tour, reste résolument classique à une petite exception près : les attaques de vos personnages ne dépendent pas de leur niveau, mais de leurs armes équipées. La grande majorité des armes du jeu est constituée d'artefacts communs, pouvant être équipés par tous et dotés d'effets variés. Ces Spiritfacts sont spécialisés en techniques offensives, d'autres en magie de soin, d'attaque ou de soutien. On trouve aussi des artefacts très rares munis d'effets puissants. La contrainte du système étant que chacune de ces techniques ne sont utilisables qu'en un nombre limité –parfois une ou deux fois seulement– avant de devenir obsolètes, ce qui en fait au final des consommables. Il faut donc utiliser leurs pouvoirs avec parcimonie pour éviter de se retrouver à poil devant un boss.
En revanche les Ragnafacts, des artefacts divins qui s'obtiennent automatiquement au fil de l’aventure, ou plus rarement au cours de quêtes annexes ou trésors cachés, ne prêtent leurs pouvoirs évolutifs qu'à des Hexyz bien spécifiques. Voyez ça comme un système de classes, où le Ragnafact jouera le rôle d’arme et dotera le porteur d’un type défini de techniques spéciales, généralement un peu moins puissantes que celles que l’on trouve sur les Spiritfacts, mais sans limite d’utilisation cette fois. Ce sont ces skills qui formeront le cœur de votre système d’attaque et de soin, en gardant à l’esprit qu’elles consomment des Ragna Points à l’utilisation et qu’une fois ces points à zéro, le personnage devient incapable d’agir. Heureusement, ces points remontent dès que le personnage est placé en position de garde. Ce n’est pas là toute l’étendu du système de combat qui comprend aussi, pêle-mêle, une gestion plus ou moins pratique des éléments affiliés aux attaques, à surveiller pour booster vos dégâts, une super-attaque spéciale utilisable grâce à une jauge qui se remplit au fil du combat, ainsi qu’une barre d’action à la Grandia pour vous permettre de réfléchir les coups de vos personnages. On obtient donc un système de combat légèrement tactique malgré son air classique, fondé sur des techniques spéciales qu’il faut utiliser de façon réfléchie en gérant la garde en parallèle. Plutôt efficace en vérité.
Atelier Berge
Autre variable qui a son importance dans la gestion de votre équipe, les Force Points que vous obtiendrez en fin de combat ou en démantelant vos pièces d’armure (ou Forcefacts). D’une utilité cruciale pour votre évolution, ces points peuvent aussi bien servir à guérir votre équipe ou à récupérer des objets sur des points de collecte qu’à améliorer son équipement. En effet, les Ragnafacts sont livrés en état brut, et il appartient au joueur de les faire évoluer selon ses envies. Peuvent être améliorés : leur puissance d’attaque, leur panel de techniques, ou –tout aussi utile– la vitesse d’attaque et la quantité de points dépensée par les skills. Chacune de ces évolutions doit être choisie avec soin pour obtenir les personnages les plus puissants possible. Enfin, ces Force Points peuvent également être ingurgités par l’inusable petite mascotte soûlante qui accompagne chacun des personnages principaux. Cela lui permettra de générer des fusions d’objets directement dans votre inventaire, ce qui n’est pas du luxe puisqu’il s’agit du seul ersatz de magasins que vous trouverez dans le jeu. En utilisant vos objets ou même vos Spiritfacts comme matière première, vous pourrez récupérer de meilleurs équipements fort utiles pour le bon déroulement de votre aventure.
Enfer et Paradis
Si encore une fois le scénario n’a rien de passionnant, il sera affecté par divers choix moraux ou actions entreprises durant le périple. Pour faire simple, certaines actions feront pencher la balance du bien et du mal dans l’une ou l’autre des directions, ce qui influera directement sur la fin du jeu. Les choix de dialogues ont bien sûr leur importance en la matière, même si le bouchon est parfois poussé un peu trop loin –on peut se demander par exemple en quoi critiquer la coiffure d’un personnage améliore votre affinité avec un dieu destructeur. Mais ce n’est évidemment pas la seule influence, la résolution des quêtes annexes ou la purification (par l’anéantissement d’ennemis) de certaines sources sur le terrain fera tendre la tendance vers le bien, tandis que l’utilisation de Ragnafacts maudits, la fuite de combats ou la mise K.-O. d’un de vos équipiers fera pencher la balance du mauvais côté. On obtient donc six fins différentes selon l’affinité obtenue (Bonne, Neutre et Mauvaise) et le personnage joué.
On pourrait reprocher à Hexyz Force un certain manque de personnalité, tant le contraste avec certaines des anciennes productions de Sting est saisissant. Malgré des graphismes soignés et techniquement plutôt propres, aucun à-côté ne vient vraiment donner du caractère au jeu qui reste cruellement oubliable. Les personnages bien stéréotypés ont déjà été vus mille fois. Les quelques voix enregistrées se font rares, tout comme les cinématiques animées. Plus gênant, alors que les musiques ne sont pas fondamentalement mauvaises et collent bien aux ambiances, elles ne resteront pas autant dans les mémoires que celles des Dept. Heaven. Enfin, alors que toutes les possibilités de gameplay évoquées ci-dessus auraient pu être mises en application de mille manières, le challenge proposé n’est pas vraiment à la hauteur. Dommage.
Points forts
- Quelques idées bien trouvées pour agrémenter le gameplay notamment en combats
- On découvre finalement un jeu assez complet
- Deux aventures pour une durée de vie correcte, si on aime la redondance
Points faibles
- Scénario classique à l'extrême
- Le gameplay de base l'est tout autant, ce qui détonne dans la ludothèque de ce développeur
- Peu d'aspérités en matière de direction artistique et musicale, dans le bon ou le mauvais sens du terme
Les quelques spécificités d'Hexyz Force ne suffisent malheureusement pas à le sortir de sa condition de J-RPG banal et trop classique. Il n'en reste pas moins agréable à parcourir, plutôt bien fait, et si peu de monde aura le courage de lancer directement la seconde aventure en NG+, le premier parcours se suffit à lui-même. Un bon petit jeu à se faire en période de disette.