Karl Fairburne quitte la grisaille berlinoise pour profiter du soleil de l'Afrique du Nord, fusil sur l'épaule et poignard à la ceinture. Plus qu'un simple changement de décor, cette escapade touristique permet à la série d'infiltration / snipe de Rebellion d'effecteur quelques progrès bienvenus.
Après avoir arpenté les rues très linéaires de Berlin dans Sniper Elite V2, le tireur d'élite Karl Fairburne change donc radicalement de décor en partant à la poursuite d'une arme secrète nazie bien cachée au fond d'un canyon. Filer en Afrique ne va pas simplement substituer palmiers et dunes au béton allemand mais surtout ouvrir les niveaux traversés, ce qui est indéniablement le principal apport de ce volet qui tente également au passage de revoir son intelligence régulièrement prise en défaut dans le volet précédent, mais avec moins de succès.
Bac à sable pour tireur embusqué
De jour comme de nuit, les 8 missions de la campagne solo de Sniper Elite III se déroulent toutes sur des maps ouvertes regorgeant de passages et de voies détournées qui laissent au joueur le loisir d'aborder les lieux comme bon lui semble et de mettre en place sa stratégie personnelle, de choisir quel objectif il prendra en premier lieu et d'en dénicher de nouveaux à l'occasion (faire sauter une batterie de canons, interrompre des communications, assassiner un officier, etc.). De bonne taille, les cartes offrent donc une belle rejouabilité puisqu'on y découvre assez régulièrement de nouveaux points d'intérêt et surtout des spots de tir nombreux s'ajoutant aux nids de snipers déjà indiqués sur la carte tactique. Rebellion a su offrir une jolie série de terrains de jeu en forme de bac à sable accompagnée de quelques outils de base. Techniquement, on peut faire à peu près ce qu'on veut, en dehors de se lancer dans un affrontement ouvert à la mitrailleuse évidemment, Sniper Elite restant concentré sur l'infiltration et / ou la prise de distance. Une fois que vous aurez scanné un peu les lieux d'un coup de jumelles, libre à vous de vous faufiler à droite, à gauche, au milieu, de faire usage du pistolet Welrod à silencieux ou du poignard pour éliminer quelques gardes, de placer un bâton de dynamite sur un char, puis d'aller vous percher en hauteur pour sortir votre beau fusil. Et là encore, vous aurez le choix entre vous coller près d'une source sonore (un générateur saboté ou une DCA) qui masquera vos tirs, ou bien d'y aller franco et de faire le ménage sans vous soucier de la discrétion, à condition d'avoir au préalable soigneusement miné les alentours, des fois qu'on aurait la bonne idée de venir vous débusquer.
Challenge à la carte
Sniper Elite III sait varier les plaisirs et la liberté qu'il offre est appréciable, tout autant que le plaisir sadique du snipe. Selon le mode de difficulté choisi (dont un mode Custom), l'activité sera rendue plus ou moins ardue par une balistique dont le réalisme varie. D'une physique sans importance à la gestion partielle ou totale de la gravité et du vent, en passant par la présence ou non d'un indicateur d'impact lorsque le tireur retient son souffle pour entrer en mode concentration, le niveau de challenge sait s'adapter à chacun. Testé sous différentes configurations, Sniper Elite III parvient à offrir une expérience différente mais toujours satisfaisante selon ce que l'on recherche au final, un gros challenge ou un fun plus immédiat. Et la kill cam n'est pas totalement étrangère à l'intérêt du snipe, exposant façon scanner détaillé les dégâts causés à l'intégrité physique de la cible. C'est gore, très gore et curieusement, on s'en lasse assez peu, sauf éventuellement lors des séances de tir les plus intenses où son activation systématique peut devenir lourdingue. Elle reste malgré tout particulièrement impressionnante, notamment si on parvient à glisser une balle dans la meurtrière d'un char pour la caler dans le corps de son pilote.
"Nanu ?"
Avec ses cartes ouvertes pleines d'opportunités, ce troisième volet a fait de très beaux pas en avant vis-à-vis de son prédécesseur. Mais à l'image du sympathique Sniper Elite V2, il rencontre encore et toujours pas mal de problèmes de finition. Outre quelques irrégularités dans la réalisation graphique, plutôt honorable ceci dit, et des problèmes de spatialisation sonore qui tendent à rendre délicate la localisation des ennemis à l'écoute des bruits de pas et des conversations, le véritable et principal écueil reste malheureusement l'intelligence artificielle. Si on pouvait reprocher à V2 la manie des soldats à osciller entre l'aveuglement et l'alerte générale transmise par télépathie à l'ensemble du pays, on tombe ici dans un autre travers. Globalement, les soldats allemands et italiens croisés ne s'en sortent pas trop mal pour adopter un comportement à peu près crédible tant que tout va bien. Il est rare qu'ils repèrent le joueur de façon trop absurde ou qu'au contraire ils restent plantés alors qu'on vient de dégommer leur binôme. Les soucis se posent quand l'alerte est donnée. Au premier tir non masqué, ils se cachent, au second, ils vous cherchent, au troisième, ils viennent vous déloger, ou au moins ils essaient. Et là, deux problèmes deviennent évidents.
Comment dit-on "c'était sans doute un chat" en allemand ?
Pour inciter les joueurs à se déplacer comme le fait un véritable tireur embusqué, Rebellion à ajouter à son HUD une barre de déplacement. Si vous êtes repéré, il suffit de se tirer rapidos jusqu'à ce que cette barre soit vide, d'attendre un peu et... pouf, tout revient à la normale. Qu'importe les corps sans vie ou les ruines d'un char ou d'un canon encore fumant, tout le monde reprend sa vie, ses conversations, en enjambant les copains sans tête. Une fois qu'on a pigé le truc, il devient extrêmement facile d'en abuser, surtout si on le conjugue à la seconde faiblesse de l'IA : sa zone d'action. Donner l'alerte dans une zone ne provoque aucune réaction dans une autre. En termes d'immersion, c'est déjà très déroutant, d'autant que la plupart des objectifs secondaires consistent à faire sauter un ou plusieurs atouts ennemis, ce qui ne causera qu'une vague inquiétude alentour et quelques "nanu ?" et autres "was ?". Mais en termes de gameplay, cela signifie qu'en conjuguant la chose avec l'amnésie générale, on peut tout à fait se planter dans un poste de tir difficile d'accès et avec un point de vue assez large et vider une zone sans trop se soucier des conséquences. Une fois le dernier soldat éliminé, l'alerte passe. Un comportement pas très cohérent, qui va de pair avec d'autres éléments sur lesquels il vaut mieux ne pas trop s'attarder si on tient à conserver un semblant d'illusion, comme ces fameux générateurs que l'on sabote à tout va mais qui semblent ne rien alimenter et dont le dysfonctionnement n'inquiète personne. Il aurait été intéressant d'ajouter une dimension gain / perte, "je sabote le générateur pour couvrir mes tirs, mais je sais que je vais attirer l'attention d'un mécano inquiet". Non seulement ça ajouterait du challenge, mais ça éviterait également de donner le sentiment qu'on a placé ces groupes électrogènes çà et là pour faire joli et rendre service au joueur.
Pour profiter au mieux de Sniper Elite III, il faut donc avoir un petit côté perfectionniste plein de bonne volonté, le genre de joueur qui recharge sa partie dans un jeu d'infiltration dès qu'un mec l'a vaguement aperçu. En se "forçant" à ne pas exploiter les faiblesses de son IA, on passe vraiment une dizaine d'heures agréables dans ce bac à sable, même si ces soucis d'immersion et quelques incohérences ne sont jamais franchement oubliés. En sus de cette dizaine d'heures en solo (11h30 sur ma première traversée), les amateurs de compagnie seront ravis d'apprendre que Sniper Elite III ne manque pas de contenu multijoueur. En premier lieu, vous pourrez suivre la campagne principale en compagnie d'un camarade tireur et donc mettre en place de nouvelles tactiques. Un mode Survie est également présents, consistant comme son nom l'indique à ne pas se laisser déborder par une série d'assauts et un mode Observation dans lequel l'un des joueurs se charge de marquer les cibles. Pour le multi plus classique, on trouvera du match à mort en équipe ou en solo avec variantes, notamment la prise en compte des distances de tir. Efficace et ayant l'avantage de remplacer l'IA défaillante du solo par des adversaires moins prompts à l'oubli et au pardon.
Points forts
- Maps ouvertes et riches d'opportunités
- Le snipe efficace, fun
- Gameplay ouvert
- Bonne rejouabilité
- La kill cam
- Pas mal de contenu solo et multi
Points faibles
- L'intelligence artificielle inconstante et incohérente
- Manque de finition (bugs physiques sur les corps, réalisation inégale)
- Problèmes de son et de spatialisation
- Scénario sans grand intérêt
Le passage à des environnements ouverts riches d’opportunités et d'approches variées est un véritable plus pour ce troisième Sniper Elite qui malgré une réalisation inégale se traverse avec enthousiasme en alternant infiltration et séance de camping l'oeil collé à la lunette. Dommage qu'il porte encore quelques stigmates d'une production manquant de finition, essentiellement du côté de son IA dont le comportement un peu "léger" face au danger couplé à de grosses crises d'amnésie peut carrément casser le gameplay et contraindre le joueur à compenser en s'imposant lui-même des contraintes et un challenge. Un effort de bonne volonté qui permet de profiter à plein de la réjouabilité du titre et du plaisir sadique procuré par des tirs bien masqués et bien ajustés.