C'est aux bonnes âmes indépendantes de Oovee Game Studios que doivent s'adresser les remerciements les plus sincères des aficionados de la simulation. Après le couronnement glorieux de leur campagne Kickstater, le studio anglais est dès à présent en mesure de proposer une version définitive de Spintires, le simulateur de camions tout-terrain ayant d'ores et déjà investi le top des ventes Steam.
Si vous n'avez jamais grillé de feux rouges lors d'une partie de Grand Theft Auto, que l'idée de vous jeter en moto du toit de l'immeuble le plus haut de Watch Dogs ne vous a jamais traversé l'esprit ou si vos 60 heures de jeu sur Skyrim se résument au travail de forge, à la revente d'objets et aux longues randonnées, alors le diagnostic est moins grave que vous ne le pensiez : vous souffrez simplement d'un syndrome de simulation aiguë. Une bonne cure de Spintires devrait vous faire le plus grand bien... Pour les bien portants en revanche, le traitement devrait comporter quelques effets secondaires.
Ceci n'est pas un jeu
Représentatif du genre, ce n'est pas le scénario qui retiendra votre intérêt : l'objectif principal du soft consiste tout simplement à livrer huit cargaisons de bois au sein de cinq maps différentes, avec, s'il vous plaît, le style et la manière. Dès lors, simulation oblige, la physique et le réalisme du jeu sont poussés à un point tel que la tâche a priori facile qui vous est confiée réclamera patience, minutie et nerfs d'acier. Pour ne pas trop vite succomber à la crise d'hystérie, il est très largement conseillé d'embrasser le jeu pour la première fois en mode simplifié, offrant une dose de challenge déjà suffisamment relevée. Concernant les différences d'embarras et de contrariétés liées aux cartes, les dissemblances n'ont rien de flagrantes, s'orientant surtout sur des écarts de dénivelés et la présence en plus ou moins grand nombre d'obstacles aquatiques, les décors en eux-mêmes étant relativement semblables avec, à chaque fois, de quoi vous amuser dans la boue. Car c'est notamment dans la saleté que le joueur devra avoir recours à l'ensemble des tenants et des aboutissants du gameplay de manière instinctive, de façon à se sortir des nombreuses situations périlleuses impliquées par le terrain et la physique ultra-réaliste du jeu.
My name is Mud
En évoquant d'abord les éléments essentiels à la préservation de votre santé mentale, l'activation des quatre roues motrices, de la boîte automatique et du blocage de différentiel n'est pas à négliger. Notez par ailleurs que ce dernier outil n'est pas disponible en association avec la boîte automatique en mode simulation, ce qui rehausse considérablement la difficulté. En gardant à l'esprit que les instruments améliorant le confort de conduite consomment naturellement davantage de carburant, il est nécessaire d'étudier précautionneusement l'environnement afin d'utiliser ces options avec parcimonie. Le procédé ultra-immersif s'affine de nouveau lorsque l'on considère l'appréciation des points de dégâts souvent très sourcilleuse du soft : oubliez la résistance à toute épreuve des moteurs automobiles des GTA-like, nous sommes bien dans la simulation pure et (très) dure. En outre, il est difficile de s'attarder sur le simulateur de camions tout-terrain sans songer au treuil, dont l'utilisation vous sera recommandée plus d'une fois. On ne rappellera en effet jamais assez à quel point le joueur a fort à faire pour se sortir des routes en piteux état, véritables combats de boue à répétition, le glamour en moins.
Une fois embourbé jusqu'au cou, il se peut que vous n'ayez d'autre choix que de retourner au garage et ainsi réétudier votre méthode d'approche. L'occasion ici de mentionner les nombreux add-on liés aux quelques types de véhicules présents au garage, allant de l'amélioration de la capacité de transport de carburant au renforcement de la résistance aux points de dégâts délivrés par la nature hostile. Point non négligeable, il vous faudra également modifier les facultés du véhicule en fonction de la taille du chargement des rondins de bois, ce qui constitue, rappelons-le, l'objectif principal du jeu. Finalement, on se rendra compte assez vite que le jeu propose en réalité deux phases de jeu relativement distincte : celle du transport de marchandise, à laquelle on préférera l'utilisation des camions tout-terrain mis à disposition, faisant suite à la phase d'exploration au cours de laquelle la jeep devrait être privilégiée, visant à dévoiler l'entièreté de la carte masquée par un étrange brouillard mais aussi à déverrouiller les véhicules échoués sur notre chemin. On remarque par ailleurs que la diversité relative des objectifs ravive un peu plus le multijoueur coopératif de l'opus, dans lequel chaque conducteur peut œuvrer à sa manière au succès de la mission. Seulement, si la description en question pourrait être associée à un jeu de simulation sans accrocs, l'opus d'Oovee Game Studios n'est pourtant pas totalement dénué de défauts.
Qui peut le plus, peut le moins
D'abord, l'absence de vue cockpit à la première personne semble correspondre au premier point pouvant diviser le petit monde de la simulation : habituel voire conventionnel en temps normal, un tel manque induit naturellement la non-utilisation d'accessoires tels que le volant et l'ensemble des éléments de la panoplie type des joueurs les mieux équipés. Sur un plan plus formel, on regrette très largement le système de jeu ne permettant pas la compilation de progressions au sein des différentes maps, le procédé proposé nous obligeant à écraser la partie précédente au lancement d'une nouvelle partie. Enfin, dernière faiblesse et non des moindres, la déficience de la caméra est une lacune dont on se passerait bien, dans un jeu réclamant déjà suffisamment d'attention pour se concentrer en plus sur le réglage des angles de vue. Globalement, l'expérience de jeu à portée de clavier devrait impacter les joueurs de manière radicalement différente selon qu'ils baignent ou non dans l'univers bien particulier de la simulation. Régal pour les uns, véritable torture pour les autres, Spintires n'est pas un jeu d'initiation à mettre entre toutes les mains.
Points forts
- La physique du jeu bluffante
- Les graphismes délicats
- Les nombreux add-on particuliers à chaque véhicule
- La difficulté qui devrait ravir les spécialistes...
Points faibles
- ... et les spécialistes uniquement
- La caméra qui refuse d’obtempérer
- L'absence de vue cockpit à la première personne
- Le rythme de jeu trop syncopé
Prêchant un public déjà conquis, Spintires ne cherche pas à vulgariser le genre, et ce n'est pas avec le jeu de Oovee Game Studios que le marché de la simulation va l'élargir. Malgré tout, le jeu devrait répondre aux exigences du cœur de cible habituel et contenter le club fermé mais néanmoins actif des amateurs de conduite immersive et pointilleuse, ne faisant l'impasse que sur très peu de détails.