En dépit d'une première ligne de pitch intéressante qui aurait pu offrir aux joueurs une approche un peu originale de la Seconde Guerre mondiale, Enemy Front échoue magistralement sur tous les points.
Sur le papier, il y avait quelque chose de séduisant dans Enemy Front. Si la Seconde Guerre mondiale, à force d'être surexploitée dans les FPS, est presque devenue une bête noire des joueurs, le titre de CI Games avait l'avantage de se pencher sur le cas de l’insurrection de Varsovie et de nous la faire vivre dans la peau d'un reporter de guerre américain. Hélas, avec sa mise en scène et sa réalisation paresseuses accompagnées de cinématiques qui n'en peuvent plus de fourmiller sous le poids d'une compression barbare, on a rapidement cure de ce background. Dès la séquence d'introduction pour tout dire, qui nous gratifie d'un discours radiophonique effarant de platitude donnant un aperçu parfait de la qualité des doublages dont on aura droit durant toute la campagne : plats, sans conviction et avec de déroutantes velléités d'accents de l'est qui disparaissent parfois en pleine phrase. Quant au reporter de guerre, il se change en as du fusil de snipe et de l'infiltration tout aussi doué dans la fusillade pure et dure et surtout le récit de ses souvenirs du front. Enemy Front est donc une suite de flashbacks qui nous font quitter la Pologne pour rejoindre la campagne française ou les côtes norvégiennes entre deux combats au cœur de Varsovie.
Qu'est-ce qu'on sauve ?
Malheureusement pour lui, Enemy Front ne souffre pas uniquement d'un background massacré. Présenté comme un jeu en monde ouvert, il serait plus juste de parler d'un soft linéaire qui vous laisse choisir entre deux chemins autour d'un même bâtiment. Vous pouvez selon votre envie adopter une approche classique mitrailleuse à la main, ou au contraire choisir la voie de la discrétion en vous faufilant de couverture en couverture pour zigouiller du soldat ennemi au canif ou à l'aide d'un pistolet à silencieux monstrueusement puissant. Si c'est de ce côté que votre cœur balance, vous le regretterez assez vite. C'est que l'IA de Enemy Front est passablement douteuse, les Allemands pouvant sans aucun problème vous repérer à 10 kilomètres, le dos tourné et par temps de brouillard. En outre, les animations des assassinats furtifs sont atrocement longues et laissent tout le temps à des soldats en patrouille de faire 15 fois le tour de la pièce pendant que vous réglez votre petite affaire avec leur pote. Si vous en rester à la fusillade lambda avec couverture et et arme lourde, vous passerez là aussi un moment fort privilégié, profitant d'une IA tout aussi idiote capable de se planter contre un mur, de tirer du mauvais côté ou de foncer droit sur votre canon. Et c'est sans parler du feeling des armes inconsistant et donc bien peu plaisant.
… Rien
Non, les deux meilleures façons de jouer à Enemy Front sont celles qui suivent. Le titre étant développé par les créateurs du déjà bien moyen Sniper Ghost Warrior, le fusil de snipe est largement mis en avant et se montre d'une redoutable efficacité. Le mieux est donc tout simplement de se trouver une planque et de dégommer tout le monde, vos ennemis ayant une tendance naturelle à se cacher comme des flancs derrière un cailloux pour attendre la mort, ou mieux pas trop loin d'un bidon rouge. Si d'aventure il leur prend l'idée de tenter un assaut vers votre position, une bonne astuce consiste à sciemment se faire repérer et à bêtement bloquer son viseur vers le chemin qui mène à vous. On peut de la sorte assez facilement enfiler les frags 5, 6 voire 7 fois d'affilée. Et si un personnage vous suggère d’échanger votre fusil de sniper contre un shotgun sous prétexte que vous allez vous battre en intérieur, envoyez-le bouler, le fusil fonctionne parfaitement en toutes circonstances. Une fois que vous en aurez assez, ce qui a de fortes chances de se produire, il vous restera un joker inattendu mais pourtant courant dans les productions de ce calibre : courir comme un dératé vers le prochain checkpoint afin de sortir de la zone d'action de l'IA. Comme elle est à peu près incapable de toucher une cible en mouvement, si vous gérez bien votre timing, vous pourrez comme par magie vous en sortir.
L'ennemi de vos rétines
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S'il est déjà difficile de se remettre d'un gameplay complètement dans les choux et dépourvu d'intérêt, Enemy Front enfonce le dernier clou venant clore son cercueil en se montrant non seulement pénible à jouer mais également douloureux à regarder. Un framerate famélique et un aliasing violent s'assurent en effet que vos yeux soient bien mis à l'épreuve par un affichage trop lent et scintillant au point d'en être fatiguant et qui en prime rend parfois la détection des ennemis délicate. Mais c'est probablement le clipping ultra violent qui attire le regard en premier lieu. Des morceaux de décor apparaissent soudainement sous les yeux du joueur et il est même très fréquent que ce que l'on voit dans la lunette du fusil soit radicalement différent de ce que l'on observe à l'oeil nu. Au point que certains soldats adverses puissent sembler à découvert "de loin" et disparaissent derrière des sacs de sable à la lunette. Plus improbable encore, il arrive que des ennemis eux-mêmes vous popent sous le nez. Formidable, heureusement qu'on nous rappelle fièrement sur la boîte que le CryEngine est de la partie.
Points forts
- Le pitch de départ
Points faibles
- Framerate asthmatique
- Clipping monstrueux
- Aliasing à s'en rayer la rétine
- IA pratiquement inexistante
- Gameplay poussif
- Doublages rigolos
- Background pas du tout exploité
- Multijoueur anecdotique et désert
On voit mal ce qu'on pourrait sauver de Enemy Front en dehors de son idée de départ, à savoir évoquer l'insurrection de Varsovie, ce qu'il fait mal de toute façon. Entre son gameplay poussif, son IA lamentable et ses problèmes d'affichage physiquement pénibles, le titre devient une véritable purge que l'on a hâte de lâcher. Si vous avez des envies de snipe en pleine Seconde Guerre mondiale, on vous recommande de vous tourner vers le bon vieux Sniper Elite V2 dont Enemy Front n'est qu'une vague ombre.