Après deux épisodes au succès d'estime, la série Drakengard revient avec une préquelle étonnante. En effet, elle s'attarde sur l'entredéchirement, au propre comme au figuré, des six Invoqueuses qui ont sauvé le monde de leur chant il y a de cela belle lurette. Un opus qui risque de diviser.
Le joueur incarne Zéro, une des six Invoqueuses en question. L'intro nous fait vite comprendre que l'amour fraternel n'est pas vraiment de mise puisque Zéro a pour intention de tuer ses cinq sœurs pour des raisons qui nous sont, au début de l'aventure, inconnues. Malheureusement, la première « rencontre » va plutôt mal se passer puisque Zéro y perdra un œil et un bras, en plus de Michael, son surpuissant dragon. Un an plus tard, Zéro est enfin en état de se venger, moment où démarre vraiment l'aventure.
Un univers sombre et léger à la fois
Si une partie du gameplay se fera au sol tel un A-RPG (dans un style qui se rapproche un peu de Dynasty Warriors, pour ceux qui ne connaissent pas la série Drakengard), Zéro aura tout de même accès aux airs grâce à Mikhail, son dragon juvénile remplaçant de Michael. Si ce dernier est encore un enfant, sa taille imposante lui permet déjà de voler et de transporter l'héroïne, ce qui autorise les phases de shoot aériennes sur lesquelles nous reviendrons plus tard. Mais je préfère m'attarder auparavant sur les relations qu'entretiennent Zéro et sa monture. En effet, on ne peut pas vraiment dire que vous jouiez une sainte dans Drakengard 3. Zéro n'a de pitié pour personne et n'hésite pas à faire preuve de violence et de perfidie, tant dans ses propos que dans ses actes. Ses compagnons n'y coupent pas, à commencer par Mikhail qu'elle affuble régulièrement de surnoms ridicules et dont elle se fiche royalement. Mais le plus étonnant, c'est que malgré un environnement plutôt glauque, les trois quarts des situations sont traitées avec humour et dérision, affichant un étonnant second degré qui en surprendra plus d'un. Allusions sexuelles à tout-va, franchissements du quatrième mur, il va falloir être ouvert d'esprit pour apprécier ce Drakengard 3. Notons quand même que l'ensemble est assez efficace, donnant ainsi vie aux dialogues, ce qui est plutôt important pour un titre dont le pitch de base ne vole finalement pas très haut.
Sans les yeux !
Mais la réussite d'un jeu ne passe malheureusement pas que par son histoire. En effet, c'est aussi manette en mains que Drakengard 3 doit faire ses preuves. Et c'est ici qu'il échoue de manière catastrophique. Attention toutefois, comprenez bien que le gameplay, de base, possède certaines qualités. Alors que Zéro peut switcher facilement et rapidement entre les armes, elle peut virevolter d'un ennemi à l'autre avec une certaine souplesse. Chaque arme ayant ses qualités et ses défauts (attaques aériennes, multiples, combo contre un seul adversaire, attaques à distance), un bon timing pour se défaire d'un groupe est d'une importance capitale, même si la difficulté n'est pas très grande contre les ennemis de base. Elle se gâte toutefois contre les quelques mastodontes qui vous barreront la route et dont il faudra connaître la panoplie de coups par cœur pour s'en sortir indemne. Mais malheureusement, votre plus gros ennemi n'est peut-être pas sur le champ de bataille. En effet, depuis le passage à la 3D, j'ai rarement eu l'occasion de tomber sur des caméras aussi épouvantables. Dès qu'il y a quelques ennemis autour de vous, ou si vous êtes proche d'une grosse bestiole, c'est à peu de choses près comme si vous jouiez à l'aveugle. Des amas de textures polygonées gigotent dans tous les sens et vous n'avez plus aucune idée de ce qu'il se passe. Si par malchance vous êtes proche d'un mur pendant le combat, ça devient juste du grand n'importe quoi. Malheureusement, le désastre ne s'arrête pas là puisque les chutes de framerate sont tellement affolantes que j'ai d'abord cru que ma PS3 allait planter. Il suffit d'assister à une attaque de notre dragon Mikhail, qu'on peut parfois appeler en plein combat, pour descendre à 5 fps.
Une licence qui prend l'eau
Ces problèmes existent malheureusement dans toutes les phases de jeu, ce qui comprend donc les phases de vol. En plus de contrôles de base assez chaotiques, mais qui auraient pu suffire, il faut donc y ajouter la caméra inadéquate qui rend le gameplay particulièrement pénible. Mention spéciale pour le deuxième gros boss, contre lequel les ralentissements rendent la phase à la limite de l'injouable. Seules les phases en mode "Invoqueuses" (sorte de furie), au sol comme à dos de dragon, restent cool à jouer, ce qui doit avoir un rapport avec l'invincibilité qu'elles procurent. Malheureusement, Drakengard 3 arrive avec d'autres défauts : une structure plate et linéaire couplée à une réalisation technique à la ramasse. Si on aurait pu passer outre les graphismes qui ont bien dix ans de retard (NieR est un bon exemple, du même studio en plus), l'éternelle ligne droite entrecoupée de phases en arène fermée par une magie tant que les ennemis ne sont pas morts, ça commence à faire tache en 2014. La présence de disciples rencontrés au cours de l'aventure aurait pu permettre un gameplay plus profond, mais elle est ici très mal exploitée : ces derniers tapent une fois sur cent et il n'est pas possible d'interagir avec eux. Les occasions de varier les plaisirs sont rares, courtes et pas toujours réussies (phases de plates-formes notamment). Avec de tels écueils, Drakengard 3 prend un sacré coup dans l'aile, pas aidé par le peu de choses à faire en dehors de la trame principale. Booster les armes via l'argent récupéré en combat et ramasser les trois trésors par map ne risque pas de sauver les meubles. Tout au plus, les quêtes données par Accord (c'est son nom) vous permettront d'augmenter un peu la durée de vie (initialement d'une douzaine d'heures), même si ces dernières s'avèrent classiques : on vous colle souvent dans une arène pour tuer tout ce qui bouge dans un temps limité.
Points forts
- Un univers glauque et violent
- Une bonne dose de second degré et d'humour
- Les musiques
- Un character design plutôt efficace
- Les combats sont parfois fun
Points faibles
- Une caméra qui plombe littéralement l'action
- Des ralentissements inadmissibles
- Des contrôles pénibles à dos de dragon
- Une structure des niveaux vraiment lassante
- Des compagnons sous-exploités
- Un aspect visuel repoussant
- Voix japonaises payantes (5 €)
Si Drakengard 3 possède ses qualités en termes d'univers et d'humour, il me semble opportun de ne le conseiller qu'à un public très averti, notamment les fans des opus précédents, quand bien même certains risquent d'être déçus par un épisode qui présente de nombreux défauts. Car s'il n'est pas un échec d'un point de vue artistique (notamment les musiques), il l'est sur le plan technique, ce qui devient problématique quand cela concerne le gameplay, tant au niveau de la caméra que des ralentissements.