Affalé entre une adaptation honorable sur consoles de salon et un portage malheureux sur 3DS, The Amazing Spider-man 2 n'avait d'autre choix que de s'avachir sur IOS pour satisfaire l'appétit d'ogre de la marque. Séduisant en vitrine, le produit servi par Gameloft a un drôle de goût, et il vous faudra au choix avoir les tripes bien accrochées ou un portefeuille bien garni pour digérer cette misère de créativité avariée.
Dans une cohérence tragique avec la suite du jeu, le commencement présente le super-héros jeté comme un cheveu sur la soupe devant trois ennemis, sans aucune autre explication. En effet, lors de ce tutoriel au cours duquel on apprend la mort dans l'âme qu'il va falloir faire avec le pad simulé par l'appareil d'Apple, le joueur n'a pas l'ombre d'un indice concernant la raison de la présence du super-héros dans la ville. En dépit de ce qui ne ressemble a priori qu'à un léger flou scénaristique, vous voilà condamné à poursuivre cette pénible expérience.
Agréable à l’œil, dur au toucher
S'il est normalement d'usage de s'attarder d'abord sur le cœur du jeu et ce dont il en retourne, il est difficile de traiter de cette version IOS sans évoquer en premier lieu le pad virtuel, tant son utilisation insupporte. Dans les faits, le système imposé par le tout tactile du support est peu précis et souvent instable au toucher : on prend très peu de plaisir à se déplacer dans la pourtant très belle ville de New York. Le joueur, en revoyant ses exigences légèrement à la baisse, pourrait cependant se contenter de la maniabilité approximative lors de ses déplacements en plein air à large marge de manœuvre. Mais cette indulgence ne va qu'un temps, et l'on perd très rapidement son sang-froid devant des phases de gameplay aussi simples que l'escalade d'une structure ou l'atterrissage sur un toit à la surface resserrée. A cela s'ajoute une sensation de vitesse mal rendue qui donne parfois l'impression de diriger un super-héros aux semelles de plomb, surtout lors des phases au sol. Cerise sur le gâteau, vous pouvez joindre à tout ceci une caméra trop souvent capricieuse pour frôler régulièrement la crise de nerfs. Et ce n'est pas le système de jeu autrement plus énervant qui risque de faire retomber votre tension.
Malaise scénaristique
Trêve de suspense, la structure du jeu déplaît elle aussi. Bêtement, il s'agit de venir à bout des missions dites « événements » (car l'on considère ici, à titre d'exemple, que la signature d'un autographe auprès d'une fan fait office d’événement) afin de voir sa jauge de réputation augmenter jusqu'au curseur synonyme de mission relative à la trame. Mission qui, il est important de le mentionner ici, porte si bien l'absence de scénario qu'elle semble en tout point identique aux missions secondaires infligées au joueur. Alors, en répétant non sans une certaine lassitude le processus, la jauge de réputation de Spidey finit par atteindre 100%, révélant au grand jour l'identité du boss de fin de chapitre. Les combats de clôture dont il est question constituent d'ailleurs l'un des rares points respectables de l'opus, accompagnés à chaque fois d'une mise en scène particulière. Quelque peu en marge de la trajectoire du jeu, les défis en ligne avec système de classement proposés aux joueurs viennent clôturer cette liste bien trop courte d'idées convenables. Car si le système de jeu pèche largement par manque de travail et de créativité, les forces vouées aux entreprises les plus malhonnêtes au sein de cette version IOS sont quant à elles parfaitement disposées.
Le nerf de la guerre
Pour mieux dépeindre l'escalade indigne des développeurs, il convient de commencer par évoquer les rouages mis en place pour les moins roublards. Plus triste que révoltant, la progression des compétences de Spider-man s'établit en relation avec des spider-points délivrés à la suite de chaque événement ou lors de prouesses liées aux défis en ligne : une fois le citoyen secouru ou les voleurs entoilés, comptez en moyenne une récompense d'une quarantaine de points. Seulement, le joueur est régulièrement contraint d'activer une ou plusieurs compétences spécifiques sous peine de ne pas pouvoir poursuivre l'aventure, réclamant par là-même plusieurs milliers de points. L'opération est vite faite, il vous sera demandé de recommencer les missions secondaires un nombre incalculable de fois afin de pouvoir remplir la jauge de réputation de l'homme-araignée. Nous voilà confrontés, au mieux, à une tentative désespérante de rallongement de la durée de vie, au pire, à un stratagème des plus vicieux invitant le joueur vers une solution de facilité bien connue du milieu du jeu vidéo...
Le tout début du premier chapitre aurait dû effectivement vous mettre la puce à l'oreille : plutôt que de perdre un temps précieux à exposer un semblant de trame, une démarche du meilleur goût incite plutôt le super-héros à se rendre vers la boutique la plus proche où lui sont proposés entre autres costumes et quantité de spider-points contre monnaie sonnante et trébuchante. De 1,79 € à 89,99 €, les montants de la caution de l'ennui sont pensés pour toutes les bourses. Voici l'éventail de prix à payer pour les joueurs qui n'auront ni la présence d'esprit de se détourner de ce jeu, ni la clairvoyance de ne pas s'y intéresser en premier lieu. N'étant pas tout à fait un pay to win et ne s'attribuant même pas le mérite navrant d'être un pay to enjoy, le produit proposé ne présente aucune ambition vidéoludique, si ce n'est redoubler d'effort dans la mise en scène des items payants. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Et de soutirer un bon paquet d'argent aux joueurs.
Points forts
- Les combats de boss, mis en scène de manière correcte envers et contre tout
- L'environnement plutôt bien modélisé
Points faibles
- Le pad tactile tout à fait inapproprié
- Le nombre déplacé de propositions d'achats
- La caméra qui fait des siennes
- La redondance du système de jeu
A fuir de toute urgence, The Amazing Spider-man 2 est l'archétype du jeu trompeur présenté dans son plus bel emballage. Pourvu de trop peu de bons éléments, le manque de scrupule affiché et le travail quasi inexistant apporté au plaisir de jeu font de cet opus malade une véritable punition. Bien au-delà de l'indifférence habituelle que peut procurer un mauvais jeu, celui-ci indigne, et aura au moins le mérite de s'interroger sur le phénomène vicieux du pay to win poussé à outrance.