Pas de jaloux pour les fans de dungeon-RPG sur consoles portables : alors que les possesseurs de 3DS enchaînent les épisodes d'Etrian Odyssey, les joueurs Vita sont invités par NIS America à arpenter les labyrinthes de Demon Gaze. Si le titre comporte bien quelques particularités sympathiques, il n'en reste pas moins un représentant plutôt classique du genre.
L'amnésie étant le fléau le plus répandu chez les héros de RPG japonais, Demon Gaze joue lui aussi la carte de la facilité en mettant en scène un personnage qui ne sait rien de son passé. Doté du « demon gaze », un œil diabolique qui lui permet de capturer les démons majeurs pour les invoquer ensuite à ses côtés, cet avatar, que vous aurez la chance de pouvoir personnaliser, échoue dans l'auberge d'une certaine Fran Pendoll.
Le retour de la « goddess » vénale ?
Sous ses airs de gentille patronne prête à vous venir en aide au moindre pépin, votre jeune et belle logeuse trahira à maintes occasions sa nature vénale, rien ne semblant plus important à ses yeux que le règlement de votre loyer. On ne plaisante pas avec la miss Fran, et si vous ne voulez pas cumuler de dettes vous devrez vous plier à ses exigences en alignant la monnaie à chaque fois que vous rentrerez au bercail. Et comme les sommes requises augmentent de manière drastique tout au long du jeu, on apprend vite à rentabiliser nos sorties en restant le plus longtemps possible dans les donjons pour réduire le nombre d'allers-retours à l'auberge. Tout ceci rappelle d'ailleurs délicieusement le comportement de la « time goddess » dans la série Half-Minute Hero, cette dernière n'acceptant de vous prêter ses services que contre des pièces sonnantes et trébuchantes ! A l'instar de la plupart des personnages du jeu, Fran dissimule clairement son lot de secrets et semble en savoir beaucoup plus que le héros lui-même sur son propre passé. Mais peu importe, les règles du jeu sont claires : il va vous falloir vous constituer une équipe solide si vous voulez écumer tranquillement les labyrinthes des environs, et chaque nouvelle recrue vous coûtera une coquette somme d'argent puisqu'il vous faudra louer une chambre supplémentaire pour elle dans l'auberge. N'espérez donc pas partir à l'aventure entouré dès le départ d'un grand nombre d'alliés, ce n'est qu'à l'issue de plusieurs heures de jeu que votre équipe pourra compter cinq membres soigneusement choisis par vos soins.
Une team de poseurs
Et le choix risque d'être rude tant les illustrateurs ont mis un point d'honneur à soigner le character design des personnages. Demon Gaze compte clairement parmi ces RPG qui attirent en premier lieu pour la qualité de leur chara design, et à moins d'être réfractaire au style manga, on a bien du mal à se décider parmi les 45 portraits déterminant l'apparence de nos héros. Tous appartiennent à l'une des cinq races du jeu : les humains, les elfes, les nains, les migmys (des mystiques de petite taille) et les nays (un peuple aux oreilles de chats). Libre à vous ensuite de choisir leur classe parmi les huit proposées : combattant, paladin, samouraï, ranger, assassin, magicien, soigneur ou demon gazer (pour le héros uniquement). On apprécie surtout de pouvoir effectuer des combinaisons librement entre les portraits, les races et les classes, rien n'étant vraiment imposé à ce niveau-là. Il est d'ailleurs tout à fait possible de changer l'apparence d'un héros déjà existant à tout moment de l'aventure pour le doter d'un portrait complètement différent. L'équipe ne devra quoi qu'il en soit pas compter plus de cinq membres, répartis selon une formation offensive (3 à l'avant, 2 à l'arrière) ou défensive (2 à l'avant, 3 à l'arrière). Et comme chacun a droit à sa propre chambre dans l'auberge, il est possible de booster les stats des persos en y plaçant du mobilier que Fran viendra tout de même confisquer si jamais vous êtes dans l'incapacité de payer votre loyer. D'une manière générale, tous les personnages disposent d'un panel de compétences assez large qui se débloque à mesure que vous leur faites gagner de l'XP, rien d'inhabituel donc à ce niveau-là.
Démons et gemmes
Le point le plus original de Demon Gaze réside plutôt dans la nature du héros qui possède dès le départ le pouvoir de capturer certains démons pour les invoquer ensuite en combat. Plus précisément, chaque labyrinthe est sous la domination d'un de ces démons qu'il faut forcer à sortir de sa cachette en prenant le contrôle de tous les cercles magiques de la zone en question. La première étape consiste donc à placer des gemmes spéciales sur ces cercles pour défier les monstres plus ou moins forts qui en gardent l'accès. Le nombre et la nature des gemmes que vous placerez influeront directement sur les récompenses que vous obtiendrez à l'issue de ces combats. Lorsque tous les cercles d'invocation sont sous votre contrôle, vous n'avez plus qu'à traquer le boss, en l'occurrence le démon majeur que vous voulez capturer, pour tenter de le vaincre. En cas de réussite, ce démon devient utilisable et peut être invoqué à tout moment pour renforcer votre équipe de manières diverses. La bonne idée réside dans le fait que ces démons ne vous obéissent jamais complètement et peuvent même s'invoquer d'eux-mêmes ou se retourner contre vous tant qu'ils ne vous reconnaissent pas comme leur maître. Il faut donc les appeler souvent tout en gardant un œil sur leur jauge d'invocation qui ne doit pas tomber à zéro (elle diminue au fil du combat) afin de les retirer de la bataille avant qu'ils ne deviennent incontrôlables, sans quoi ils n'hésiteraient pas à décimer votre groupe. En tant que « demon gazer », le héros pourra tout de même, à terme, débloquer un talent qui lui permettra de contrôler les démons même lorsqu'ils sont enragés, mais la jauge diminuera alors encore plus rapidement.
Notez aussi que chacun des dix démons du jeu possède des capacités spéciales en combat mais aussi en dehors des combats. Par exemple le tout premier peut déceler des objets invisibles sur le terrain et autoriser la fuite lors des batailles, tandis que le troisième nous permet d'être complètement immunisé face aux pièges des labyrinthes. Bien que le gameplay reste très classique en dehors de l'invocation des démons, on apprécie le fait que les environnements comportent souvent des passages secrets qu'on ne peut déceler qu'à l'aide du démon précité et en donnant un coup de pied dans les murs les plus suspects. On peut également inscrire des notes sur des mémos et les laisser à certains endroits pour donner des indications précieuses aux autres joueurs. En combat, les ennemis se répartissent toujours sur plusieurs lignes et ont la fâcheuse tendance à changer de rang à chaque tour et à se multiplier sans arrêt, ce qui rend les batailles souvent incertaines.
Ether, artefacts et quêtes
L'évolution des personnages passe aussi par le renforcement des armes et armures via une forge où l'on peut soit insuffler de l'éther à l'intérieur, soit extraire cet éther des armes déjà en notre possession. Les armes uniques renferment le plus large potentiel évolutif et on peut aussi équiper des artefacts pour apprendre des sorts ou des capacités supplémentaires, quelle que soit la classe d'un personnage. Cela permet de personnaliser encore plus la manière dont évoluent nos personnages en fonction de leur classe respective. Quant aux quêtes optionnelles, elles ont le mérite de relancer un petit peu l'exploration des donjons même si elles sont trop souvent propices à des allers-retours nombreux entre les occupants de l'auberge qui sont tous très bavards (les textes sont en anglais). Dommage qu'il faille parfois boucler des quêtes qui n'ont rien à voir entre elles pour pouvoir débloquer certaines options de jeu et notamment la possibilité de changer de démon, car les indications données quant à leur résolution manquent un peu de clarté. La difficulté reste quant à elle plutôt bien dosée et progressive, et elle devient même ajustable à partir d'un certain point du jeu. Enfin, une option auto-move a été intégrée pour faciliter les allers-retours sur le terrain, la map pouvant être utilisée de manière tactile pour ceux qui le souhaitent. Tout ceci fait de Demon Gaze un dungeon-RPG digne d'intérêt et dont l'attrait augmente à mesure que l'on voit les capacités de notre équipe s'étoffer au fil du jeu.
Points forts
- Un bon dungeon-RPG old-school en vue subjective
- Le character design très soigné
- La bande-son et les voix japonaises
- L'invocation de démons à double tranchant
- L'option auto move qui facilite les allers-retours
- Quêtes optionnelles bienvenues
- Quatre degrés de difficulté (à débloquer)
- Le DLC Disgaea gratuit pendant un mois
Points faibles
- Environnements pauvres sur le plan visuel
- Animations trop réduites en combat
- Beaucoup de parlotte (en anglais)
- Les monstres qui se multiplient sans arrêt
- Seulement 6 lieux à explorer
Même si sa principale originalité réside dans la capture et l'invocation de démons qui enrichissent de manière intéressante son gameplay, Demon Gaze reste globalement très classique dans son approche. Les amateurs de dungeon-RPG en vue subjective apprécieront certainement son côté old-school et son atmosphère très manga servie par un chara design vraiment réussi, mais on espérait une plus grande prise de risque de la part de ce titre.