Il aura fallu aux équipes de Revolution Software 4 mois pour nous livrer le second segment du nouveau volet des Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent alors qu'un mois d'intervalle entre les deux épisodes était initialement prévu. Si l'attente étendue était source de frustration, elle était également porteuse de l'espoir de voir les quelques problèmes qui érodaient le plaisir des retrouvailles vécues au premier épisode dûment corrigés. Est-ce le cas ? Réponse dans ces colonnes.
Avant d'aller plus loin, il convient de rappeler que, ce test portant sur le second volet de La Malédiction du Serpent, il est susceptible de contenir des spoilers. Si vous n'avez pas encore posé les mains sur cette cinquième mouture des Chevaliers de Baphomet, nous vous recommandons chaudement de vous y atteler avant de vous frotter à la lecture de cet écrit. Nous récupérons donc George et Nico juste avant la conclusion (expéditive) du premier épisode, nous contraignant par la même occasion à répéter les actions effectuées 4 mois auparavant, pour déclencher à nouveau la cinématique de fin et accéder au deuxième volet des aventures de nos héros. Un procédé qui laisse plus que dubitatif, le jeu ne permettant pas d'accéder directement à l'épisode 2. Rien de dramatique en soi, mais nous aurions largement préféré un bref résumé de l'histoire avant d'entamer les hostilités.
Enfer et Malédiction
Toujours sur les traces du mystère que renferme le tableau "La Malediccio", George et Nico prennent le premier vol pour la Catalogne et se rendent à la demeure de ce bon vieux Marqués, porté disparu depuis le premier volet de La Malédiction du Serpent. On nous avait promis davantage d'exotisme pour cet épisode, on ne nous a pas totalement menti. Les environnements, toujours dessinés avec soin à la main, seront plus diversifiés tout au long de l'aventure. De l'Espagne à l'Irak, vous aurez l'occasion de voir un peu plus de pays, élément cruellement absent de la première portion de l'aventure. Même si l'ensemble est très "linéaire", ne vous permettant jamais de faire des allers-retours entre les tableaux, la balade est suffisamment agréable pour que l'on pardonne ce dirigisme un peu trop prononcé. Bien évidemment, vos pérégrinations sont justifiées par une enquête accentuant la problématique gnostique simplement entrevue lors du premier épisode. Si nous pouvions reprocher à ce dernier d'entrouvrir trop timidement la porte de l’ésotérisme, le deuxième segment de votre périple vous en servira à foison.
Dans leur recherche de la Tabula Veritatis, objet particulièrement puissant dont la mauvaise utilisation pourrait ni plus ni moins changer la face du monde, George et Nico en apprendront énormément sur les gnostiques, descendants des Cathares, qui avaient pour particularité de croire en une sorte d'équilibre nécessaire entre Jéhovah et Lucifer. Ce résumé sommaire ne rend bien entendu pas justice à la richesse des informations qui sont développées dans la Malédiction du Serpent. La trame principale est bien écrite, l'intrigue s'épaissit et donne du corps à une narration un poil trop axée sur l'enquête policière dans le premier volet. Ainsi nous retrouvons des thématiques chères aux fans des premiers épisodes et là où l'on pouvait décrier une histoire aux mystères trop dilués dans le premier épisode, ce n'est plus d'actualité avec celui qui nous intéresse aujourd'hui. Les énigmes, jugées trop évidentes auparavant, ont également été repensées pour nous offrir une dose supplémentaire de challenge.
Une difficulté revue à la hausse
L'un des principaux griefs que l'on pouvait invoquer à l'encontre du premier épisode de La Malédiction du Serpent était incontestablement la trop grande simplicité de ses énigmes. Ramasser un objet, s'en servir dans la pièce avec un George tellement loquace qu'il vous souffle la solution si vous en veniez à trop peiner, voilà qui était un peu difficile à digérer pour les fans de point'n click. Fort heureusement, l'épisode 2 rectifie le tir en proposant des énigmes mieux écrites et surtout plus retorses, qui vous demanderont régulièrement de faire appel à vos connaissances, acquises au cours de votre périple, pour en démêler les nœuds. Décrypter des codes, trouver comment déclencher astucieusement des mécanismes secrets, la plupart des énigmes sont certes toujours soumises à la logique, pas (trop) de farfelue ici, mais requièrent davantage de matière grise pour être résolues. Un très bon point mis en place au détriment d'objets à collecter, très peu nombreux, tant et si bien que l'on n'utilisera quasiment que les éléments récoltés au cours du premier épisode, parfois un peu trop souvent. En somme, on a le sentiment que les équipes de développement ont écouté les doléances des joueurs à l'issue de la première partie de La Malédiction du Serpent et ont repoussé la sortie de la seconde pour adapter le titre aux exigences des fans. Mais ces bonnes intentions malmènent cruellement la cohérence et l'équilibre général du jeu.
Une séparation maladroite qui nuit à l'équilibre de l'ensemble
Nous le pressentions à la fin du précédent épisode, c'est désormais chose certaine : Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent est un titre qui a été scindé en deux là où il aurait dû être fusionné. Les deux parties réunissent tout ce que l'on attendait d'une nouvelle aventure estampillée Broken Sword, mais d'une manière bien trop prononcée d'un épisode sur l'autre. Alors que le premier mise essentiellement sur une intrigue terre à terre avec une généreuse dose d'humour, le second adopte un ton très sérieux et axe tout son propos sur des considérations mystiques. Certes, l'épisode 2 apporte son lot de sourires grâce à une belle flanquée de fan service mais il brille par l'absence de rencontres atypiques comme on pouvait s'en délecter dans l'épisode 1.
Pris dans son ensemble, Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent pâtit énormément de son découpage en deux segments. Là où l'on aurait largement préféré un mélange habile des éléments qui ont fait le succès des premiers Broken Sword, nous nous retrouvons face à une somme d'ingrédients savoureux mais qui ne se mélangent jamais. Vous aurez quelques-uns d'entre eux dans la première moitié de l'aventure, le reste dans l'autre. Voilà la grande problématique de ce type de procédé : diviser en épisodes un seul et même jeu tout en conservant la cohérence de son propos. Broken Sword 5 n'y parvient qu'à moitié, nous servant une histoire intéressante sans parvenir à capter l'esprit de la saga d'une manière constante.
Des défauts persistants, un final vite expédié
Enfin, d'autres problèmes sont restés manifestement sans solution. L'incrustation des personnages en 3D dans les décors figés est toujours aussi bancale, quelques bugs de collision sont à prévoir tandis qu'en de rares occasions, vos protagonistes disparaissent carrément de l'écran. Bref, le manque de finition n'a pas été résolu et c'est bien regrettable. Par ailleurs, vous serez parfois contraint à effectuer des actions répétitives pour venir à bout d'une énigme, mais le déplacement rapide n'étant toujours pas au programme, il faudra attendre que ce bon George daigne bien traîner la patte d'un point A à un point B sans espoir d'abréger le trajet. Cette lenteur de déplacement contraste affreusement avec l'aspect urgent d'une partie de l'aventure et nuit par conséquent autant à la cohérence du jeu qu'au plaisir pris à venir à bout d'une énigme. Enfin, en dépit d'une histoire rondement menée et plutôt bien narrée malgré quelques portions moins rythmées, le final est particulièrement expéditif et aurait gagné à être plus développé.
N.B.: Afin d'éviter tout spoil, le Gaming Live du premier épisode est associé à ce texte.
Points forts
- Les énigmes plus corsées
- Certains dialogues qui font mouche
- Décors de qualité
- Un fan service toujours bien senti
- Scénario bien écrit et intéressant...
Points faibles
- ... en dépit d'un final vite expédié
- Une division en deux épisodes qui nuit à l'esprit des vieux épisodes et à la cohérence de l'ensemble
- Déplacements toujours aussi lents
- Léger manque de finition
- Episode 2 plus court que le précédent
Ce deuxième et dernier épisode de La Malédiction du Serpent laisse au joueur une sensation de rendez-vous manqué. S'il corrige certains défauts du premier volet en corsant les énigmes et en axant l'intrigue sur la thématique gnostique, il le fait d'une manière trop abrupte, trop prononcée. L'écart entre le premier et le second segment des aventures de George et Nico est assez énorme et nuit clairement à l'équilibre entre humour, difficulté et sérieux, comme si chacun des éléments charnières de la saga ne pouvaient se mélanger alors que c'était leur mixité qui faisait le charme des Chevaliers de Baphomet. Ajoutez à cela certains reproches qui n'ont pas été corrigés (lenteur des déplacements, incrustation des personnages, etc.) et la déception pointe immanquablement le bout de son nez. Restent heureusement la qualité des dialogues, de l'intrigue générale et la généreuse quantité de fan service pour que les amateurs y trouvent tout de même leur compte... avec toutefois une pointe d'amertume.