Après la sortie, le 10 mai 1984, du premier King’s Quest et le succès rencontré par celui-ci, Roberta Williams et son équipe de Sierra On-line se sont attelées à la suite directe de leur hit, transformant l’essai en beauté. Et ainsi naquit Romancing The Throne, dans lequel, à part les graphismes, tout est mieux que dans le premier épisode. La preuve…
Secourir une demoiselle en détresse, un travail fatiguant
Après avoir durement gagné son trône dans le volet précédent, Graham assume avec sérieux son nouveau rôle de roi de Daventry, mais se sent seul et triste. Un jour qu’il consulte son miroir magique, celui-ci lui montre la belle Valanice, princesse captive du pays de Kolyma. Le sang de chevalier de Graham ne fait qu’un tour et, ni une ni deux, il se rend dans cette nation forestière pas si lointaine, afin de mettre fin à l’injuste emprisonnement de la jeune femme pour en faire son épouse. Une fois sur place cependant, notre brave roi se rend compte que les choses risquent fort d’être plus compliquées que prévu : Valanice est emprisonnée par la sorcière Hagatha sur une île magique, accessible uniquement via une triple porte enchantée qui ne s’ouvre qu’avec trois clés dispersées dans le pays, et ce dans des endroits dangereux, bien entendu. Graham découvrira rapidement que le pays est loin d’être accueillant et devra ruser pour accomplir sa nouvelle quête. Bien que toujours passablement simpliste, la trame de ce second volet se révèle progressivement un peu plus complexe et travaillée qu’on ne pourrait le deviner au début de l’aventure. Tout est relatif, bien sûr, mais cela change agréablement du scénario minimaliste de Quest for the Crown. Souvent naïve dans son déroulement, la trame générale est plus développée et assez cohérente, la personnalité du protagoniste principal étant de surcroît (un peu) plus étudiée. On retrouve en outre, en nettement plus étoffés, tout un bestiaire et des personnages inspirés des contes et légendes, ainsi que de la littérature (sirènes, vampires, Petit Chaperon Rouge, etc.). Et l’humour, qui caractérisera par la suite la série, commence à être mis en avant, ne serait-ce que par son titre, jeu de mots faisant référence au film "Romancing the Stone" (A la poursuite du Diamant vert), avec Michael Douglas et Kathleen Turner, sorti l’année précédente. Les jeux de mots seront systématiquement utilisés pour les titres suivants. Du point de vue de l’écriture, cet épisode II se révèle donc un peu plus intéressant que son aîné.
On ne change pas une recette qui gagne
Côté technique, King’s Quest premier du nom avait révolutionné totalement le jeu d’aventure au niveau de la réalisation, en y introduisant le mouvement. En effet, jusqu'alors, le joueur n’évoluait que dans des décors prédessinés avec personnages complètement statiques. Seuls les textes explicatifs s’affichaient de temps à autre, ce qui rendait ces jeux particulièrement austères mais Sierra avait introduit pour la première fois un protagoniste et des personnages secondaires animés. Autre révolution technique d’importance, l’introduction de la profondeur de champ. Notre aventurier ne se contentait plus d’aller de droite à gauche et inversement, mais pouvait également s’éloigner ou se rapprocher, apparaissant ainsi plus petit ou plus grand selon le trajet emprunté, les différents décors intégrant une perspective sommaire. Romancing The Throne reprend exactement les mêmes mécaniques de réalisation. De ce fait, et malgré l’amélioration des animations, on ne constate pas vraiment d’évolution à ce niveau, bien que les décors et tableaux présents se révèlent plus nombreux. On retrouve le même type de graphismes et la même palette de 16 couleurs différentes, ainsi que l’utilisation de l’image vectorielle plutôt que du bitmap, pour gagner de la place. Néanmoins, contrairement à l’épisode précédent, pas de dessin et de coloriage en accéléré de chaque scène dès que l’on change d’écran, la transition (un peu longuette) est plus classique. A part ce point de détail, les améliorations ne sont pas flagrantes. Niveau sonore, le support disquette ne permettait pas à Sierra d’intégrer tout ce qu’ils souhaitaient. On a donc droit à deux versions du jeu : celle de 1985, aux effets minimalistes, et la version de 1987 sur DOS, qui bénéficie de quelques musiques (Greensleeves, Toccata et la Fugue en D Mineur de Bach ou Thriller de Michael Jackson, notamment, excusez du peu) et qui deviendra la version canonique. Mine de rien, ça change énormément l’expérience de jeu, en la rendant nettement plus agréable, l’ambiance audio restant, autrement, indigente.
Un gameplay toujours aussi rigide et archaïque
Le gameplay demeure assez archaïque, pour les joueurs habitués, au minimum, au point’n click, ou à l’interaction directe avec l’environnement, via les commandes et menus. Dans King’s Quest II comme chez son prédécesseur, rien de tel. On continue à diriger Graham d’un point A à un point B au clavier, avec les flèches directionnelles. Mais pour le reste, vous êtes systématiquement obligé d’entrer des commandes dans la boîte de dialogue pour progresser. Et puisque le jeu est uniquement en anglais, cela suppose un peu de maîtrise de cette langue pour pouvoir exprimer les actions souhaitées. A condition d’être en mesure d’identifier l’objet désigné, ce qui est loin d’être évident face à un gros tas de pixels informe. Le jeu ne reconnaît pas non plus n’importe quelle commande… ni les fautes ou erreurs de frappe. Ce qui peut se révéler légèrement embêtant quand vous devez agir rapidement… Autre problème de taille, l’absence d’inventaire, qui impose de retenir, ou noter sur une feuille, ce que vous récupérez pour pouvoir l’utiliser plus tard. Si cela reste dans la norme des gameplays de l’époque, ce système de jeu rigide semble totalement archaïque aujourd’hui et rebutant. Pour autant, il ne faut pas s’y arrêter, mais garder à l’esprit qu’en 1985, un tel système était plus ergonomique et pratique que ce que proposaient les jeux d’aventure plus anciens…
Amis des puzzles et énigmes, bonjour !
Mais il n’y a pas que les commandes qui font le gameplay. Comme dans sa précédente aventure, Graham va devoir collecter différents objets et interagir avec eux au bon moment et au bon endroit pour avancer… à condition de réussir à les identifier au préalable sur l’écran, évidemment. Contrairement à Quest for the Crown, cependant, vous disposez de plus d’informations. Enfin, dès que vous trouvez la porte vers l’île enchantée, car avant, vous êtes un peu lâché dans la nature sans indication. Quant à la logique des interactions, elle échappe parfois à toute réflexion raisonnable ou nécessite quelques connaissances en matière de contes (pour amadouer la sirène, par exemple). Attention aux erreurs, cependant : un faux pas de trop, un objet utilisé trop tard ou à mauvais escient, la mauvaise personne interrogé au mauvais moment, et c’est la mort. Souvent et de manière parfois ridicule, en plus. Et, à l’instar de son aîné, l’épisode II est difficile et sans solution, on peut errer des heures sans progresser. Pourtant, le jeu n’est pas forcément très long et se termine en moins d’une heure si l’on sait où et comment utiliser les objets nécessaires. Mais comme c’est rarement le cas, préparez-vous à tourner en rond un moment. En ratant un objet, vous pouvez également vous retrouver définitivement coincé à un endroit et contraint de recommencer. Il est donc indispensable de sauvegarder souvent et de conserver deux sauvegardes distinctes pour éviter de devoir reprendre depuis le début après en cas de blocage. Enfin, et pour rajouter un peu de challenge, les objets ramassés et les actions effectuées vous rapportent des points. Pour réussir le jeu à 100%, vous devez obtenir un score de 185 points, ce qui est loin d’être évident. Autant l’avouer, Romancing The Throne est un jeu assez difficile. Patience, persévérance et esprit tordu sont les qualités requises pour terminer King’s Quest II. En cela, il se montre le digne successeur du premier épisode.
Points forts
- Des graphismes en couleurs, variés et à la pointe de la technologie de l’époque
- La profondeur de champ, toujours
- Des personnages joliment animés
- Une difficulté relevée
- Un univers varié et sympathique
- Un scénario un peu plus développé
- La musique rajoutée dans la version de 1987
Points faibles
- Une histoire quand même un peu simpliste
- Le système de boîte de dialogues, rébarbatif et peu précis
- Le manque d’effets sonores
- Les temps de chargement entre écrans
- Uniquement en anglais
Doté d’une histoire un peu plus conséquente que le premier épisode, bien qu’un peu simpliste, ce second volet de King’s Quest se montre à la hauteur de son aîné tout en étant plus long, plus beau, plus étendu et toujours aussi difficile. Les mécaniques de jeu restent cependant les mêmes, contraignantes et un peu rigides. Néanmoins, ce deuxième épisode offre lui aussi un challenge corsé dans un univers agréable, que les amateurs de jeux d’aventure ne pourront manquer de relever. Sierra nous livre ainsi une suite très réussie de son titre phare.