Presque deux ans après son apparition, Smite retire enfin son étiquette de MOBA en bêta pour sortir officiellement en version “finale”. Cette sortie marque en quelque sorte l’entrée du jeu dans la cruelle arène des MOBA free-to-play. Un champ de bataille dominé depuis des années par deux poids lourds : le rouleau compresseur League of Legends et ses quelques 67 millions de joueurs mensuels et son grand rival Dota 2. L’équipe en charge de Smite n’en est pas à ses premières armes puisqu’il s’agit des développeurs de Tribes Ascend, l’un des FPS gratuit les plus intéressants de ces dernières années. Le suivi de ce dernier a malheureusement été mis de côté pour permettre à Hi-Rez de se concentrer à plein temps sur Smite. Un choix délicat mais finalement compréhensible au vu des retombées financières qu’un MOBA peut engendrer.
Commençons avant toute chose par une explication du terme MOBA pour les plus néophytes. MOBA est l'acronyme de Multiplayer Online Battle Arena soit arène de bataille en ligne multijoueur dans notre belle langue. Derrière ces termes barbares se cache un principe tout simple héritier d’un mode de Warcraft III : Defense of the Ancients. Deux équipes de X joueurs (cinq généralement) s’affrontent pour remplir différents objectifs au sein d’arènes fermées en miroir. Le but est d’engranger de l’expérience ainsi que des ressources pour parvenir à terrasser l’opposant. Dans Smite, une victoire en mode Conquête (le mode classique) consiste à aller botter l’arrière-train d’un titan protégé derrière des tourelles de défense et des phénix belliqueux.
Le MOBA sous un nouvel angle
Des MOBA, il en existe déjà un bon petit paquet. Pourquoi alors s’intéresser à Smite quand des titres comme LoL ou Dota 2 captent déjà l’attention de millions de joueurs ? La réponse est simple, le jeu reprend les principes de base du MOBA mais y ajoute deux ingrédients assez originaux. Premièrement, son panthéon de personnages jouables tout droit tiré de diverses mythologies. Vous trouverez forcément une divinité correspondant à votre style de jeu. Toutes les cultures y passent, des dieux les plus connus comme Anubis, Poséidon, Thor ou encore Zeus en passant par des mythologies plus exotiques comme le panthéon maya ou chinois avec des personnages comme Guan Yu ou Ah Muzen Cab, le dieu des abeilles. L’occasion idéale de parfaire sa culture ou de briller en société en balançant quelques références mythologiques glanées ici et là dans les fiches des personnages. Mais la principale originalité de Smite réside dans son système de caméra à la troisième personne. Exit les déplacement à la souris, on progresse ici avec les touches ZQSD du clavier comme dans tout jeu en 3D sur PC. Ce changement de perspective et de contrôles apporte une grosse bouffée d’air frais au genre. Est-ce toutefois suffisant pour le faire sortir du lot ?
Depuis ses débuts, le panthéon de Smite s’est enrichi de multiples personnages. Au rythme soutenu d’un ajout de divinité tous les quinze jours environ, le jeu propose pour sa sortie une cinquantaine de dieux allant du tank au DPS physique ou magique en passant par quelques classes de soutien. MOBA oblige, le rôle initial d’une divinité pourra être largement modifié par le choix de ses objets en cours de match. Un personnage comme Hercule pourra par exemple s'orienter tanking ou DPS selon son itemisation. La progression s’effectue sur vingt niveaux durant lesquels le joueur devra répartir des points pour améliorer ses quatre compétences. De façon identique pour tous les personnages, les trois premières disposent de temps de rechargement modérés tandis que la dernière technique appelée "ulti", représente la capacité la plus puissante de la divinité. Elle dispose d'un cooldown généralement assez élevé mais s’avère souvent bien plus dévastatrice que les autres. Bien placer son ulti est l’un des premiers éléments de jeu à appréhender.
Au cœur de la bataille
Smite a fait le pari osé d’introduire un certain nombre de changements dans un genre pourtant hyper codifié. Au-delà de l’originalité de sa caméra, il propose un panel intéressant de modes de jeu adaptés à tous les goûts. Le classique mode Conquête en cinq contre cinq avec ses “lanes” et sa jungle (le MOBA, c’est aussi tout un tas de termes techniques) a été rejoint par le mode Assaut proposant des affrontements sur un seul couloir avec une sélection automatique du personnage. Dommage que l'algorithme de sélection aléatoire des dieux crée parfois quelques déséquilibres évidents entre les deux équipes. Mais même la pire des compos pourra toujours espérer s’en sortir avec un minimum de jeu en équipe. L’arène de son côté se concentre sur les affrontements plus directs en éloignant quelque peu le jeu de son aspect MOBA pour lui donner un faux air de mode PvP de MMORPG. Plongé au cœur d’un Colisée à la foule déchaînée, il faudra triompher de l’équipe adverse dans un match à mort avec compteur de points dégressif.
Les petites équipes trouveront aussi leur compte puisque Smite dispose également d’un mode Joute en 3vs3 ainsi que d'un mode Duel pour affronter un ami. Hi-Rez propose aussi un match à thème quotidien jouant le plus souvent la carte de l’humour avec des rencontres improbables. Que diriez-vous d’une arène uniquement constituée de Loki le Dieu assassin ou une conquête avec argent illimité (imaginez l’euphorie et le bazar sur la carte !). Côté compétition, la volonté de faire entrer Smite dans la cour du eSport est clairement affichée. Les parties classées côtoient donc un mode Spectateur permettant de suivre les matchs, de changer l’angle de la caméra et de visionner des centaines de rediffusions. Le jeu intègre aussi un module permettant de streamer ses matchs en direct sur Twitch. Bref, de la simple partie rapide pour se détendre au match plus long et intensif, Smite ouvre les portes de ses arènes à un public éclectique, amateur de MOBA ou non. Entrer en jeu ne prend généralement pas plus de deux minutes et les serveurs ne tombent que très rarement en rade, un bon point quand on joue en ligne !
De l'importance de bien viser
De l'attaque basique à l'ulti dévastateur, Smite ne semble rien vouloir faire comme les autres car la moindre action est associée à un skillshot. Pour atteindre votre cible, il faudra donc viser avec précision à la manière d’un jeu de tir à la troisième personne. Fort heureusement, le jeu propose une foule de repères visuels permettant d’anticiper les trajectoires et aires d’effet des sorts. Ce système de marquage au sol a largement évolué depuis les débuts du jeu. Il offre aujourd’hui un affichage clair et précis de la trajectoire de ses attaques même au cœur de la plus furieuse des mêlées. Tout cela pourra sans doute déstabiliser le joueur habitué à des années de MOBA en caméra céleste. C'est pourquoi je ne peux que vous conseiller de visionner l’une des nombreuses vidéos explicatives des mécaniques de jeu avant d’aller vous entraîner contre l’IA dans les tutorials lors de votre première session.
Une fois paré au combat, le joueur se rendra vite compte que la caméra à la troisième personne favorise les attaques surprises (le gank), la prise à revers et la coordination des capacités. Le champ de vision est plus réduit que dans un MOBA vu du ciel. Car si les dieux ont un excellent rendu de ce qui se déroule droit devant eux, ils ne peuvent pas constamment voir ce qui se passe dans leur dos. Bien loin d’être un écueil, ce changement de perspective a une influence majeure sur le gameplay du jeu. On ne foncera pas tête baissée sur une lane sans straffer ou se retourner régulièrement au risque de se faire surprendre dans le dos par un ou plusieurs ennemis en embuscade. A moins de disposer de capacités de fuite (comme Neith ou Cupidon par exemple), l’espérance de vie d’un joueur sous les feux ennemis combinés ne dépasse généralement pas quelques secondes. Le meilleur moyen de rester en vie consiste à être vigilant, à bien se servir de la mini-map et à communiquer avec son équipe via le système d’emotes vocaux intégré au jeu. Du côté de l’équilibrage général, tout semble plus ou moins calibré pour la sortie. Néanmoins, quelques dieux se démarquent du lot par une puissance un poil trop élevée. A mon humble avis, Zeus mériterait par exemple une légère refonte de ses talents pour lui éviter d’être la terreur des modes Conquêtes et des joutes. Hi-Rez est de toute manière habitué à agiter le baguette magique du nerf ou du up lors des fréquentes mises à jour du titre.
Un vrai free-to-play ?
Evoquons maintenant le modèle économique du jeu. Disponible en free-to-play, Smite fait dans le classique en ne proposant que des améliorations esthétiques ou de nouveaux personnages via de l’argent réel. A la fin de chaque partie, le joueur empoche un certain nombre de points de faveur servant de monnaie d’échange dans la boutique de divinités. Un joueur régulier pourra tout à fait débloquer tous les personnages en consacrant du temps plutôt que de l’argent. A l’inverse, un joueur pressé pourra tout acquérir en faisant chauffer la carte bleue. Mais quoi qu’il en soit, ce système n’induit aucun déséquilibre en jeu puisqu’il n’existe tout simplement pas de dieux non accessibles contre des points de faveur. Outre les costumes parfois anachroniques et déjantés (dont le fameux Poolséidon), des packs de voix permettent enfin de personnaliser les interactions vocales des personnages.
C'est joli pour un MOBA non ?
Côté interface, Smite semble encore chercher un modèle satisfaisant. Après plusieurs refontes, il tend aujourd’hui à se rapprocher d’un affichage des menus à la League of Legends. A peine habitué à une nouvelle organisation des objets dans la boutique que débarque souvent une nouvelle présentation. Ces multiples changements d'affichage peuvent s’avérer déstabilisants pour le joueur. Espérons que la sortie officielle du jeu rime avec une stabilisation de l’interface. Bonne nouvelle aussi pour les anglophobes, puisque une traduction française est désormais disponible. Si cette dernière est encore très perfectible (mode Google trad oblige), elle est enrichie de jour en jour par les membres de la communauté. D'ici quelques mois, tout devrait donc rentrer dans l’ordre.
Au fil des mois, les graphismes de Smite ont subi plusieurs modifications et améliorations. Le côté cel shading des premiers temps a été abandonné en cours de bêta pour basculer vers un rendu plus fin bénéficiant d’ombres plus douces. L’Unreal Engine en oeuvre derrière tout ça fournit aujourd'hui un bon équilibre entre confort visuel et environnements détaillés. En outre, Hi-Rez s’attelle depuis quelques mois à redonner un coup de jeune aux personnages dont le modèle a le plus vieilli. Il en résulte des refontes de skins plutôt agréables souvent accompagnées d’un regain d’intérêt pour la divinité en question. L’anachronisme de certains costumes pourra faire sourire ou faire grincer des dents chez les puristes de la mythologie. Mais il ne faut pas oublier que le ton volontairement décalé de Smite est sans doute présent pour dédramatiser le fait d’utiliser des divinités peut-être encore vénérées dans certaines régions du monde. Et puis voir une Hell habillée en mère Noël ou un Sun Wukong en Sith de Star Wars aura de quoi détendre l'atmosphère. Un petit mot sur la bande-son du jeu. Cette dernière habille les matchs et les menus avec classe et souffle épique ; on n'en demandait pas moins au vu du background utilisé.
Points forts
- Un gameplay dynamique et innovant.
- Un panthéon varié de divinités jouant souvent la carte de l'humour.
- La caméra à la troisième personne apporte une réelle bouffée d’air frais au genre.
- Peut tout aussi bien convenir aux débutants qu’aux joueurs aguerris.
- De multiples modes de jeu.
- Le mode Arène, fun et rapide à jouer.
- Visuellement accrocheur.
- Un vrai free-to-play.
Points faibles
- Quelques dieux un peu trop puissants.
- Algorithme du mode Assaut quelque peu perfectible.
- L’interface de la boutique trop souvent remaniée.
- Un traduction française balbutiante.
Smite bouleverse les codes du genre en introduisant un peu de nouveauté dans l'univers très fermé du MOBA. Pari risqué mais réussi pour Hi-Rez qui propose ainsi une excellente alternative aux ténors du genre. Facile à prendre en main mais difficile à maîtriser, le titre s'adresse tout aussi bien aux débutants qu'aux joueurs habitués à des années de solo lane et de jungle gank. Le changement d'angle de caméra apporte un réel dynamisme aux combats en leur conférant un petit côté d'affrontements PvP de MMORPG. Bien que limité à une cinquantaine de personnages à l'heure actuelle, le casting s’accroît au fil des patchs en réservant souvent de bonnes surprises en termes de gameplay et de mise en avant de dieux plus ou moins célèbres de différents panthéons. Proposé sur un modèle free-to-play classique et équitable, Smite a toutes les cartes en main pour s'imposer comme un concurrent sérieux dans l'arène sanglante des MOBA.