Sache, jeune joueur, qu'il existe une licence te permettant d'assouvir pleinement tes penchants masochistes. Avec la série des Souls, le jeu de rôle prend un malin plaisir à associer la notion d'immersion à celle de challenge. Maintenant tu es prévenu, tu vas souffrir et tu risques même d'aimer ça. Une fois que tu y auras touché, tu risques fort de trouver les autres jeux insipides. Ecraser la concurrence ne suffit pas, il faut aussi qu'une telle licence parvienne à se renouveler. La question est justement de savoir si le plaisir est toujours intact avec ce Dark Souls II.
Jamais personne n'aurait parié sur le succès d'un obscur action-RPG présenté comme particulièrement hardcore et sorti exclusivement sur PS3. Et pourtant, Demon's Souls a bénéficié d'un bouche-à-oreille incroyable et s'est finalement imposé comme une véritable référence du genre. Tentant de surfer sur cette réussite inattendue, les petits gars de From Software sont repartis au turbin pour nous proposer une suite spirituelle qui améliore les mécaniques de leur premier bébé. Avec Dark Souls, ils nous ont donc pondu un titre toujours aussi exigeant mais l'expérience a pu toucher davantage de joueurs puisqu'elle était aussi disponible sur Xbox 360 et sur PC. Il ne faut pas croire que le développeur compte s'arrêter en si bon chemin, il remet plutôt le couvert avec une suite officielle cette fois-ci tout simplement intitulée Dark Souls II. Mais on est en droit de se demander si ce nouvel opus parvient suffisamment à renouveler la formule. En effet, c'était en grande partie la surprise qui faisait le charme de Demon's Souls et de Dark Souls, leur successeur parviendra-t-il à nous tenir de la même façon en haleine ?
Dans un monde sans espoir où l'immortalité fait figure de malédiction
Etre immortel n'est pas une sinécure. Juste quand vous pensiez vous reposer enfin, vous voilà revenu d'entre les morts sous la forme d'une carcasse. Après avoir affronté des bandits, des goules, des squelettes, des monstres puants, des démons et peut-être même d'autres aventuriers, vous voilà confronté à la déliquescence de votre propre corps. Chaque fois que vous pensiez vous abandonner dans les bras de la faucheuse, vous finissez par vous réveiller auprès de votre dernier feu de camp, avec un peu moins de force vitale. C'est en effet l'une des nouveautés majeures de cet épisode, la mort ne vous prive plus seulement des précieuses âmes accumulées qui servent aussi bien de points d'expérience que de monnaie d'échange, elle vient également raboter petit à petit votre jauge de vie. Pour retrouver votre humanité et votre santé d’antan, vous voilà obligé de sacrifier l'une des précieuses effigies humaines que vous avez obtenues à la sueur de votre front. La conséquence de ce parti pris est simple : la mort est plus que jamais punitive et vous arpentez l'univers de Dark Souls 2 avec cette conscience que le moindre faux pas risque de vous coûter très cher. Rassurez-vous, les équipes de From Software ont aussi pensé à vos nerfs et le fait de mourir en boucle finira par entraîner la disparition d'une partie des monstres de la zone en question. Ce n'est pas certain que cette disposition plaira aux fans orthodoxes de la série, mais elle est plutôt là pour ne pas dégoûter les néophytes.
Des environnements plus vastes mais peut-être un peu moins labyrinthiques
D'ailleurs, plusieurs éléments de gameplay ont clairement été intégrés pour que les nouveaux venus ne soient pas trop perdus. L'histoire est un peu plus évidente à suivre puisque les PNJ parlent désormais moins par énigmes. Les feux de camp sont plus rapprochés, ce qui est loin d'être un détail puisqu'ils permettent de reprendre sa vie, de restaurer la durabilité de son équipement, et de remplir ses fioles d'Estus qui font office de potions de santé. Le changement le plus radical concerne le level design qui paraît un peu moins torturé. Certes, il est toujours possible de fureter librement partout, quitte à tomber régulièrement sur des ennemis bien trop puissants qui vous écrasent en une claque au début de votre progression, mais les différents chemins paraissent un peu plus évidents, un peu moins labyrinthiques qu'avant. Il reste bien entendu possible de débloquer des raccourcis mais ceux-ci sont un peu moins fréquents et, globalement, on se retrouve avec un level design plus plat et moins labyrinthique qu'à l'accoutumée. C'est bien simple, après avoir vaincu un boss, il n'est pas rare de tomber sur un cul-de-sac où trône seulement un feu de camp permettant de se téléporter vers une autre contrée. Cette fonctionnalité permet de profiter d'environnements plus variés, avec notamment beaucoup d'extérieurs, mais on perd un peu d'immersion au passage.
C'est à la dangerosité de ses ennemis qu'on reconnaît la valeur d'un héros
On cède tous plus ou moins à la facilité qui consiste à décrire les représentants de la série des Souls comme des action-RPG particulièrement difficiles, mais il faut bien avoir conscience que la difficulté n'est pas une fin en soi qui permettrait aux joueurs victorieux de rouler des mécaniques, c'est un élément de gameplay qui vous pousse à vous surpasser, à vous impliquer encore plus dans le jeu. Les habitués de la licence le savent : tels de véritables toxicomanes, ils sont toujours à la recherche de ce flash, de cette sensation de se surpasser et de terrasser enfin l'adversité. Pour entrer dans cet état second, il faut avoir face à soi des ennemis de taille capables de proposer un véritable challenge. A ce niveau-là, le bilan de Dark Souls 2 est mitigé : certes on y rencontre une foule de boss mais la plupart d'entre eux sont franchement loin d'être mémorables, la difficulté vient plutôt des mobs de base qui se voient dotés de comportements plus aléatoires. Vous risquez bien de trouver plus que jamais la difficulté inégale. Si on apprécie d'être mis en difficulté devant des ennemis communs bien retors, on regrette quand même que leur IA ne soit pas davantage adaptée et qu'il persiste encore des bugs de collisions. Les dégâts traversent en effet trop souvent les murs... Bref, on aurait espéré que tout ceci soit corrigé, mais visiblement il faudra attendre un Dark Souls 3 pour que les petits défauts techniques soient enfin pris au sérieux. De la même façon, les plus pointilleux se moqueront sans peine des arrières-plans techniquement dépassés, mais on peut surtout reprocher à Dark Souls 2 d'être encore une fois un peu moins inspiré en termes de design que ses prédécesseurs.
Une feuille de personnage toujours bien remplie
Ces quelques précautions ne doivent pas vous faire fuir, Dark Souls 2 est bel et bien le jeu riche et intense qu'on nous avait promis et qui fait honneur à ses aînés. D'ailleurs, l'immensité du monde nous ramène paradoxalement à revenir encore et toujours dans une modeste bourgade, Majula, un lieu qui n'est pas sans rappeler le nexus de Demon's Souls. C'est en effet ici que s'installeront progressivement la plupart des personnages avec qui il est possible de commercer. Pour faire vos emplettes ou pour améliorer votre équipement, il faut toujours sacrifier quelques âmes rudement gagnées qui servent aussi accessoirement de points d'expérience. A la manière de Demon's Souls, la montée de niveau se fait de nouveau en allant papoter avec l'un des PNJ présent dans ce fameux point de ralliement. La répartition des points de compétence est toujours un exercice délicat mais la possibilité de faire table rase de ses caractéristiques pour recommencer sur de bonnes bases permettra aux plus étourdis de ne pas être trop pénalisés ou aux plus aventureux de varier les plaisirs pour le new game +. L'équipement joue bien entendu toujours un rôle prépondérant dans la construction de votre personnage, on apprécie d'ailleurs la possibilité d'équiper quatre anneaux au lieu de deux afin de personnaliser un peu plus les effets souhaités. On remarque au passage que la puissance du sorcier a été revue à la baisse, que la pyromancie n'est plus disponible d'entrée de jeu mais qu'il faut la mériter, que le maniement de deux épées est peut-être un peu nerveux, que les fenêtres de tir pour réaliser des parades efficaces sont moins évidentes à identifier...Bref, on pourrait ajouter une foule de détails mais le plus important reste sans doute l'importance majeure donnée aux serments qui peuvent désormais vraiment vous faciliter la tâche ou au contraire ajouter du challenge.
Vaut-il mieux souffrir ensemble ou faire souffrir ses semblables ?
Si les plus masochistes d'entre vous choisiront de prêter allégeance à un gros caillou pour augmenter encore la difficulté de leur périple, les plus timorés auront tout intérêt à prêter serment aux Sentinelles Bleues, une faction qui se portera à votre secours lorsqu'un autre joueur cherchera à envahir votre monde. Le PvP comme la coopération sont bien entendu toujours de mise, mais cet approfondissement du système de serments offre de nouvelles possibilités. Il faut être franc, dans le cadre du test, nous n'avons eu accès qu'à un avant-goût des fonctionnalités online, mais l'ensemble s'est avéré très alléchant. Les membres d'une même faction ont ainsi plus de chances de se retrouver ensemble, histoire d'avoir vraiment l'impression de se serrer les coudes. Il est bien entendu toujours possible de profiter des silhouettes des autres joueurs qui ont passé l'arme à gauche ou des sages conseils de ceux qui ont pris le temps de laisser quelques graffitis. On retrouve donc bien un multijoueur qui est loin d'être une fonctionnalité annexe : la présence d'autres joueurs vient discrètement étoffer le background, mais elle se manifeste aussi de manière plus concrète lorsqu'il s'agit de prêter main-forte ou au contraire de mettre des bâtons dans les roues d'autres aventuriers. Autant vous prévenir, vous n'êtes pas près d'avoir fait le tour des possibilités offertes par ce Dark Souls 2.
Les images qui illustrent cet article sont issues de la version PS3 du jeu.
Points forts
- Un univers vaste et varié
- Des fonctionnalités multi toujours aussi bien intégrées
- Un gameplay exigeant qui demande une réelle implication du joueur
- Le plaisir incommensurable d'apprendre progressivement à dompter la mort
Points faibles
- Un level design un poil moins inspiré que ses prédécesseurs
- De nombreux boss mais tous ne sont pas mémorables
- Toujours quelques petits soucis de réalisation
Dark Souls 2 est peut-être un peu moins inspiré, moins original que ses grands frères, mais d'un autre côté il est aussi plus maîtrisé, plus propre, finalement mieux rodé que ces derniers. Si les action-RPG exigeants sont votre tasse de thé, si vous aimez les expériences multijoueurs qui sortent du lot et si vous trouvez que les jeux vidéo assistés finissent par détruire le plaisir de jeu, Dark Souls 2 est vraiment fait pour vous. Bien sûr, vous risquez de glisser quelques jurons lorsque trois misérables petits cochons vous feront la peau alors que vous pensiez pouvoir relâcher votre attention, mais c'est le prix à payer pour connaître les moments d'euphorie intense procurés par le dépassement de soi auquel vous invite cette aventure.