Fleuron de la scène indépendante, les jeux de plates-formes en 2D ont connu un regain d'intérêt auprès du grand public, qu'ils empruntent la voie du scénario travaillé, de l'univers poétique ou du Die & Retry. Mais faire sauter votre personnage sur un sol en gelée aux propriétés rebondissantes, personne n'y avait encore pensé, ou du moins n'avait osé en faire un jeu vidéo. Ça tombe bien, puisque c'est ce qui vous attend dans The Floor is Jelly, une sorte de version indé d'un hypothétique Trampoline Simulator.
Sorti tout droit du cerveau de Ian Snyder (rien à voir avec le cinéaste Zack Snyder), ce jeu de plates-formes indépendant a pour ambition de vous proposer un gameplay bondissant utilisant la gelée pour matière principale. Qu'il s'agisse du sol ou des murs, déplacer votre personnage de plate-forme en plate-forme se fera par l'intermédiaire des sauts, de plus en plus hauts au fur et à mesure que vous rebondissez sur la matière gluante. Mais si le gameplay peut paraître simpliste au premier abord, vous constaterez rapidement qu'il n'en est rien.
Super Mou Blob
Premier point déroutant, sitôt le jeu installé, plusieurs d'entre vous auront rapidement l'idée de brancher une manette, le clavier ne faisant pas l'unanimité auprès des amateurs du genre. Malheureusement, cette fonction n'est pas encore disponible et il faudra donc vaincre votre phobie du clavier pour aller au bout de ce titre. Fort heureusement, la jouabilité est d'une simplicité exemplaire : seules les quatre touches de direction sont utilisées (ZQSD), à moins que vous ne préfériez opter pour le barre d'espace au lieu du bouton Z pour sauter. Un gameplay simple, mais un minimum exigeant en termes de timing, faisant appel à vos réflexes pour enchaîner les sauts avec brio et venir à bout des différents plateaux. En ce sens, il rappellera à de nombreux joueurs un certain Super Meat Boy, bien qu'il ne soit pas aussi difficile et qu'aucun véritable scénario n'y ait été implanté.
La quête de la fenêtre
Car oui, vous êtes lâché sans véritable but dans cet univers aux propriétés élastiques. Après avoir touché les 4 bords de l'écran et libéré les éléments qui constituent ce nouveau monde, c'est avec cette absence d'objectif clair que l'on se retrouve à passer de fenêtre en fenêtre dans l'espoir d'obtenir quelques réponses sur le sens de cette quête vierge de tout dialogue. Cet aspect mystérieux donne tout son charme à ce titre, qui contient également quelques plateaux plus ou moins cachés ne faisant en rien avancer l'aventure mais dans lesquels on peut trouver... des maisons. C'est donc dans l'attente d'une éventuelle surprise / révélation / chute (cocher la case correspondante) que l'on progresse pas à pas avant d'attaquer un dernier niveau qui n'est pas sans rappeler l’envoûtant FEZ et vous laisse miroiter un début de semblant d'explication sur la nature de votre épopée. Que nenni, vous découvrirez finalement lors d'un final un poil frustrant que le jeu n'avait aucune portée autre que celle de l'amusement.
Un level design de bonne facture
Puisqu'il est question du dernier niveau, c'est l'occasion de revenir sur le principal point fort de l'aventure, à savoir son level design. Une fois le premier niveau franchi, vous tomberez dans une salle qui fait office de zone intermédiaire avec la possibilité de choisir l'ordre de vos destinations (via des portes), pour ensuite débloquer l'accès à de nouvelles zones. La progression a le bon goût de ne jamais tomber dans une linéarité excessive grâce aux différents changements entre les zones. Outre un design différent, chacune des étapes de votre voyage s'accompagne d'un ou plusieurs éléments de gameplay différents : l'utilisation de l'eau qui inverse les mécanismes de déplacements, l'ajout de fleurs rebondissantes, ou d'autres idées vraiment plus tordues qui vous obligeront à vous creuser les méninges pour atteindre le niveau suivant. De ce point de vue-là, The Floor is Jelly est une réussite et parvient clairement à renouveler son gameplay jusqu'à la fin du jeu. Encore une fois, le dernier niveau met à mal une grosse partie de vos repères et s'avère finalement un poil trop long et répétitif en se payant même le luxe de rendre un passage assez injouable, à moins de foncer comme une brute et de compter sur votre bonne étoile pour faire la différence. Dommage, car le reste du titre est bien calibré, misant avant tout sur vos réflexes et votre bon sens pour en franchir les étapes.
Une réussite artistique qui manque de peaufinage
La réalisation tire bien son épingle du jeu avec des niveaux qui flattent la rétine, passant des jolies vues au clair de lune à quelques zones plus chatoyantes, sans oublier d'autres plateaux un poil plus surprenants que l'on vous laissera la surprise de découvrir. Quand aux musiques douces et reposantes signées Disasterpiece (notamment à l'origine de la bande-son pourtant plus électro de... FEZ), elles accompagnent à merveille votre aventure bondissante et auront la bonne idée de calmer les nerfs des joueurs énervés par un ou deux passages plus difficiles à franchir. En revanche, le titre souffre encore de nombreux bugs et est à l'heure de ce test dans l'attente d'un patch : ainsi, il ne sera pas rare de réussir à passer à travers une plate-forme de gelée en insistant plusieurs fois, une action qui fera même parfois bugger l'animation de la plate-forme. De plus, le jeu souffre de ralentissements très gênants sur certains plateaux, un problème qui vous fera clairement pester dans un jeu de plates-formes où le timing est essentiel. Pour un titre se terminant en quelques heures (4 tout au plus) et vendu entre 6,50 et 10 € selon les plates-formes, ça fait tout de même un peu tache.
Points forts
- Une patte artistique vraiment réussie.
- Mystérieux de bout en bout...
- Difficulté parfois exigeante mais bien dosée.
- Un level design soigné pour chaque séquence.
- De quoi bien se creuser la tête.
- Les musiques de bonne facture.
Points faibles
- Finalement pas si original que cela.
- … et toujours aussi mystérieux une fois terminé.
- Les ralentissements qui gâchent la jouabilité de certains plateaux.
- La dernière séquence du jeu très répétitive, où l'aléatoire prend souvent le pas sur le skill.
- Quelques bugs de collision (passage à travers les murs fins, personnage qui reste bloqué dans la gelée).
- Absence de compatibilité manette.
Enchanteur et disposant d'un level design soigné, The Floor is Jelly doit cependant faire face à quelques bugs et des soucis d'optimisation particulièrement gênants pour un jeu de plates-formes qui exige un minimum de doigté. C'est d'autant plus dommage qu'il reste agréable à parcourir et parvient à se renouveler au cours des quelques heures qu'il vous faudra pour en voir le bout. Exception faite d'une dernière partie qui envoie valser vos compétences de joueurs au profit d'un système aléatoire un poil trop long et frustrant. The Floor is Jelly s'assure certes de toucher une partie du public adepte de productions indépendantes en tirant ses influences de différents titres majeurs du genre (de Super Meat Boy en passant par FEZ), mais il manque peut-être d'un soupçon d'originalité et de finition pour aller concurrencer ces mêmes références. Suffisant pour attirer l'attention et être apprécié, mais pas pour durer.